La mise en oeuvre par la Suisse des résolutions des Nations Unies dans le cadre de la lutte contre le terrorisme a emporté violation de l'article 8 de la CESDH (
N° Lexbase : L4798AQR), juge la CEDH dans un arrêt rendu le 12 septembre 2012 (CEDH, 12 septembre 2012, Req. 10593/08
N° Lexbase : A4900ISB). Dans cette affaire, étaient en cause des mesures prises en vertu de résolutions de l'ONU contre un ressortissant de nationalité italienne et égyptienne accusé de liens avec
Al-Qaïda et les Taliban, et, notamment, l'interdiction pour l'intéressé de circuler et de transiter par la Suisse et l'inscription de son nom à l'annexe d'une ordonnance interne, imposées en raison de la mise en oeuvre par la Suisse des résolutions adoptées par le Conseil de sécurité des Nations Unies dans le cadre de la lutte contre le terrorisme. Les investigations menées par les autorités suisse et italienne ont montré que les soupçons qui pesaient sur le requérant étaient infondés. Le ministère public a mis fin à l'enquête ouverte contre lui en octobre 2001 et, en juillet 2008, le Gouvernement italien a soumis au comité des sanctions une demande de radiation de son nom, motivée par le classement sans suite de la procédure pénale dirigée contre lui en Italie. En outre, le nom du requérant a été inscrit sur la liste des Nations Unies à l'initiative des Etats-Unis et non de la Suisse. La Cour considère que les autorités suisses n'ont pas suffisamment pris en compte les spécificités de l'affaire, la situation géographique d'enclave du lieu de résidence du requérant, à savoir une enclave italienne entourée par le canton suisse du Tessin et séparée du territoire italien par le lac de Lugano, ainsi que la durée des mesures infligées, la nationalité, l'âge et l'état de santé de l'intéressé. Elle estime que la possibilité de décider de la manière dont les résolutions du Conseil de sécurité sont mises en oeuvre dans l'ordre juridique interne aurait permis d'assouplir le régime des sanctions applicable au requérant. La Cour estime que la Suisse ne pouvait pas valablement se contenter d'avancer la nature contraignante des résolutions du Conseil de sécurité, mais aurait dû prendre dans le cadre de la latitude dont elle jouissait toutes les mesures envisageables en vue d'adapter le régime des sanctions à la situation particulière du requérant. La Suisse n'étant pas parvenue à harmoniser les obligations qu'elle a jugées divergentes, la Cour estime qu'il y a eu violation de l'article 8 de la Convention. La Suisse est donc condamnée à verser au requérant 30 000 euros pour frais et dépens.
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