Le Quotidien du 13 avril 2021 : Procédure pénale

[Brèves] Comparution devant la chambre de l’instruction : le droit de se taire devra être dit

Réf. : Cons. const., n° 2021-895/901/902/903 QPC, du 9 avril 2021 (N° Lexbase : Z443721E)

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par Adélaïde Léon

le 28 Avril 2021

► En ne prévoyant pas que la personne mise en examen comparaissant devant la chambre de l’instruction doit être informée de son droit de se taire, les dispositions de l’article 199 du Code de procédure pénale portent atteinte au droit de se taire et sont contraires à la Constitution ;

Jusqu’à l’entrée en vigueur d’une nouvelle loi ou jusqu’à la date de l’abrogation des dispositions contestées, la chambre de l’instruction devra informer la personne mise en examen qui comparaît devant elle de son droit de se taire.

Rappel de la procédure. Le 18 janvier 2021 (Cass. crim., 12 janvier 2021, n° 20-85.841 N° Lexbase : A73194C3) puis le 11 février 2021 (Cass. crim., 9 février 2021, n° 20-86.533 N° Lexbase : A80194G4 ; Cass. crim., 10 février 2021, n° 20-86.310 N° Lexbase : A79534GN, n° 20-86.327 N° Lexbase : A79754GH), le Conseil constitutionnel a été saisi par la Cour de cassation de quatre questions prioritaires de constitutionnalité (QPC) portant sur l’article 199 du Code de procédure pénale (N° Lexbase : L4955K8Z), relatif au déroulement des débats devant la chambre de l’instruction, dans sa rédaction résultant de la loi n° 2016-731 du 3 juin 2016 (N° Lexbase : L4202K87). Le Conseil a joint les quatre QPC pour y répondre par une seule décision.

Motifs des QPC. Les requérants reprochaient aux dispositions litigieuses de méconnaitre les droits de la défense et le droit à ne pas s’accuser en ne prévoyant pas que la chambre de l’instruction doit notifier à la personne comparaissant personnellement devant elle son droit de se taire, notamment lorsqu’elle est saisie :

• d’une requête en nullité contre une mise en examen ;

• d’une ordonnance de placement en détention provisoire ;

• du règlement d’un dossier d’information.

Les requérants estimaient que cette notification s’imposait dès lors que, selon le recours, la chambre de l’instruction peut être amenée à apprécier :

• soit l’existence d’indices graves ou concordants à l’encontre de la personne incriminée ;

• soit les faits retenus à la charge de la personne incriminée.

Ils rappelaient également que la personne comparaissant, non informée de son droit de se taire, peut être amenée à faire des déclarations contraires à ses intérêts.

Enfin, l’un des requérants soulignait que l’obligation faite par la Cour de cassation (Cass. crim., 16 février 2021, n° 20-86.537, F-D N° Lexbase : A61264HD) à la chambre de l’instruction de notifier ce droit aux personnes comparaissant devant elle pour les seuls contentieux portant sur une mesure de sûreté crée une différence de traitement vis-à-vis de personnes comparaissant dans le cadre d’autres recours et méconnait, de ce fait, le principe d’égalité devant la Justice.

Étendue de la QPC. Le contrôle du Conseil porte sur les mots « la comparution personnelle des parties ainsi que » (C. proc. pén., art. 199, al. 4), le sixième alinéa du même article et la dernière phrase du huitième alinéa.

Décision. Le Conseil constitutionnel déclare les dispositions contestées contraires à la Constitution.

Le Conseil rappelle d’abord les dispositions de l’article 9 de la Déclaration des droits de l’Homme et du citoyen (N° Lexbase : L1373A9Q) desquelles résulte le droit de ne pas s’accuser soi-même, dont il découle le droit de se taire.

La Haute juridiction relève qu’à l’occasion des saisines évoquées dans les requêtes, la chambre de l’instruction est conduite à porter une appréciation sur les faits retenus à titre de charges contre la personne mise en examen.

En outre, le Conseil confirme que la personne comparaissant devant la chambre de l’instruction, à sa demande ou à celle de la chambre, peut être amenée, en répondant à des questions, à reconnaître des faits qui lui sont reprochés. Dans le cas où la comparution serait une demande de la chambre elle-même, cette initiative pourrait laisser croire au comparant qu’il ne dispose pas du droit de se taire. À ce titre, le Conseil rappelle que les déclarations et réponses faites par l’intéressé sont susceptibles d’être portées à la connaissance de la juridiction de jugement.

Le Conseil constitutionnel conclut qu’en ne prévoyant pas, pour les recours visés, que la personne mise en examen comparaissant devant la chambre de l’instruction doit être informée de son droit de se taire, les dispositions litigieuses portent atteinte à ce droit et sont contraires à la Constitution.

Conséquences de la déclaration d’inconstitutionnalité. Estimant que l’abrogation immédiate des dispositions contestées aurait pour effet de supprimer la comparution des parties devant la chambre de l’instruction et entraînerait ainsi des conséquences manifestement excessives le Conseil reporte l’abrogation au 31 décembre 2021.

En outre, il décide que les mesures prises avant la publication de sa décision ne peuvent être contestées sur le fondement de leur inconstitutionnalité.

En revanche, le Conseil décide qu'à compter de la publication de sa décision et jusqu’à l’entrée en vigueur d’une nouvelle loi ou jusqu’à la date de l’abrogation des dispositions contestées, la chambre de l’instruction devra informer la personne mise en examen qui comparaît devant elle de son droit de se taire.

Pour aller plus loin :

  • v. L. Heinich  et H. Diaz, ÉTUDE : Les actes de l’instruction, La procédure devant la chambre de l’instruction, in Procédure pénale, (dir. J.-B. Perrier), Lexbase (N° Lexbase : E87963AZ) ;
  • v. B. Fiorini, Chambre de l’instruction : le droit de se taire ne doit pas être tu !, Lexbase Pénal, juin 2019 (N° Lexbase : N9306BXX).

 

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