Le Quotidien du 13 avril 2021 : Arbitrage

[Brèves] Responsabilité contractuelle de l’arbitre : quelle est la juridiction compétente ?

Réf. : TJ Paris, PEC, 31 mars 2021, n° 19/00795 (N° Lexbase : A94534M3)

Lecture: 4 min

N7094BYE

Citer l'article

Créer un lien vers ce contenu

[Brèves] Responsabilité contractuelle de l’arbitre : quelle est la juridiction compétente ?. Lire en ligne : https://www.lexbase.fr/article-juridique/66671826-breves-responsabilite-contractuelle-de-larbitre-quelle-est-la-juridiction-competente
Copier

par Lalaina Chuk Hen Shun, Docteur en droit, élève avocat

le 12 Avril 2021

► Le tribunal compétent pour connaître de l’action engagée afin de rechercher la responsabilité contractuelle de l’arbitre est celui du lieu où ce dernier a effectivement réalisé, de manière prépondérante, sa prestation intellectuelle d’arbitre.

Faits et procédures. Après que son cocontractant, une société de droit émirati, ait mis fin aux relations contractuelles qui le liaient à elle, une société de droit qatari actionne, aux fins d’indemnisation pour rupture abusive, la clause compromissoire insérée aux contrats. Conformément à la clause, le siège de l’arbitrage est à Paris et la procédure est administrée par la chambre de commerce internationale (CCI). Au terme de l’instance, les arbitres rendent une sentence rejetant les demandes de la société qatarie qui, par la suite, forme un recours en annulation. La cour d’appel de Paris retient que l’un des arbitres avait omis de révéler aux parties que le cabinet d’avocats au sein duquel il était associé avait parmi ses clients, « dans le top 5 de ses dossiers les plus remarquables », une société appartenant au même groupe que la société émiratie. Le juge de la cour d’appel y voit une circonstance de nature à créer un doute raisonnable quant à l’indépendance et l’impartialité de cet arbitre et, en conséquence, annule la sentence (CA Paris, 27 mars 2018, n° 16/09386 N° Lexbase : A9670XHM). La société émiratie forme un pourvoi que la Cour de cassation rejette en approuvant l’arrêt annulant la sentence arbitrale (Cass. civ. 1, 3 octobre 2019, n° 18-15.756, F-D N° Lexbase : A4956ZQM).

Questions soulevées. C’est dans ce contexte que s’inscrit la procédure portée devant le tribunal judiciaire de Paris. La société qatarie y assigne l’arbitre, ayant manqué à son obligation de révélation, afin d’obtenir qu’il soit déclaré contractuellement responsable et qu’il soit condamné au paiement de plus de trois millions d’euros pour les frais exposés, notamment, pour l’arbitrage et le recours en annulation. Trois questions sont alors soumises au tribunal. Est-il compétent pour connaître du litige ? Quel droit est applicable ? Et, la responsabilité de l’arbitre est-elle en cause ?

Le juge ne répond qu’à la première en se déclarant incompétent. Pour statuer ainsi, il procède en deux temps, d'abord en déterminant d’abord si le Règlement (UE) 1215/2012 du 12 décembre 2012 (N° Lexbase : L9189IUU) invoqué par l’arbitre s’applique au litige, ensuite en recherchant le lieu où la prestation de l’arbitre a été effectuée. 

S’agissant de l’application du Règlement européen n° 1215/2012. Le juge parisien considère qu’en dépit de l’exclusion de l’« arbitrage » du champ d’application défini en son article 1er, le Règlement européen s’applique au litige qui lui est soumis. En appuyant sa décision sur la jurisprudence européenne (CJCE, 25 juillet 1991, aff. C-190/89, Marc Rich & Co. AG c/ Società Italiana Impianti PA N° Lexbase : A7342AHE ; CJCE, 10 février 2009, aff. C-185/07, Allianz SpA, anciennement Riunione Adriatica di Sicurtà SpA c/ West Tankers Inc. N° Lexbase : A0809EDC), il fait la distinction entre, d’une part, les questions relatives à la constitution du tribunal arbitral, la convention d’arbitrage, ou la sentence arbitrale qui entrent dans l’exclusion, et, d’autre part, celles concernant le contrat d’arbitre qui sont couvertes par le champ d’application du Règlement. Ainsi, le Règlement s’applique à l’action visant à rechercher la responsabilité contractuelle de l’arbitre.

S’agissant du lieu de la réalisation de la prestation d’arbitre. Le juge procède à l’analyse de la prestation afin de déterminer la juridiction compétente au sens de l’article 7 du Règlement. Il décide qu’en dépit du fait que le siège de l’arbitrage était à Paris et que les ordonnances de procédure et la sentence sont réputées y avoir été rendues, le lieu d’exécution de l’obligation doit être déterminé en appréciant le lieu où la prestation intellectuelle d’arbitre a été effectivement réalisée de manière prépondérante. Le juge parisien retient d’abord que les parties avaient convenu que « l’audience se déroulera[it] en Allemagne », ensuite que l’arbitre y résidait, et enfin que les réunions, audiences et délibérations s’y étaient tenues. Dès lors, le tribunal considère que c’est en Allemagne que l’arbitre a effectivement déployé de manière prépondérante sa prestation intellectuelle. En conséquence, il renvoie la société qatarie à se pourvoir devant la juridiction allemande compétente.

newsid:477094

Cookies juridiques

Considérant en premier lieu que le site requiert le consentement de l'utilisateur pour l'usage des cookies; Considérant en second lieu qu'une navigation sans cookies, c'est comme naviguer sans boussole; Considérant enfin que lesdits cookies n'ont d'autre utilité que l'optimisation de votre expérience en ligne; Par ces motifs, la Cour vous invite à les autoriser pour votre propre confort en ligne.

En savoir plus