La lettre juridique n°861 du 8 avril 2021 : Accident du travail - Maladies professionnelles (AT/MP)

[Brèves] Préjudice d’anxiété : application du revirement de jurisprudence de 2019 aux salariés déboutés en application de l’ancienne jurisprudence

Réf. : Ass. plén., 2 avril 2021, n° 19-18.814, P+R (N° Lexbase : A17864NH)

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par Laïla Bedja

le 07 Avril 2021

► La prise en considération d’un changement de norme, tel un revirement de jurisprudence, tant qu’une décision irrévocable n’a pas mis un terme au litige, relève de l’office du juge auquel il incombe alors de réexaminer la situation à l’occasion de l’exercice d’une voie de recours ; L’exigence de sécurité juridique ne consacre au demeurant pas un droit acquis à une jurisprudence figée, et un revirement de jurisprudence, dès lors qu’il donne lieu à une motivation renforcée, satisfait à l’impératif de prévisibilité de la norme ;

Cette prise en considération de la norme nouvelle ou modifiée participe de l’effectivité de l’accès au juge et assure une égalité de traitement entre des justiciables placés dans une situation équivalente en permettant à une partie à un litige qui n’a pas été tranché par une décision irrévocable de bénéficier de ce changement ;

Partant, un moyen de cassation qui reproche à la juridiction de renvoi d’avoir statué conformément à l’arrêt de cassation l’ayant saisi est recevable lorsqu’un changement de norme est intervenu postérieurement à cet arrêt de cassation ;

En application de ce changement de position de la Cour de cassation, des salariés déboutés de leur demande en réparation de leur préjudice d’anxiété en application de l’ancienne « jurisprudence amiante » pourront se voir appliquer les effets du revirement de jurisprudence opéré le 5 avril 2019 par l’Assemblée plénière.

Les faits et procédure. Un salarié, faisant valoir qu’il avait travaillé sur différents sites où il aurait été exposé à l’amiante, a présenté une demande additionnelle en paiement de dommages-intérêt en réparation d’un préjudice d’anxiété.

Par un arrêt du 1er avril 2015, la cour d’appel de Paris (CA Paris, Pôle 6, 9ème ch., 1er avril 2015, n° 12/09368 N° Lexbase : A8712NEE) a accueilli cette demande et condamné la société à des dommages-intérêts. La Cour de cassation a cassé cette décision, faute pour la cour d’appel d’avoir recherché si les établissements dans lesquels le salarié avait été affecté figuraient sur la liste des établissements éligibles au dispositif de l’allocation de cessation anticipée d’activité des travailleurs de l’amiante, mentionnée à l’article 41 de la loi de financement de la Sécurité sociale pour 1999 (N° Lexbase : L5411AS9) (Cass. soc., 28 septembre 2016, n° 15-19.031, F-D N° Lexbase : A7312R4L).

Constatant que les conditions n’étaient pas réunies, la cour d’appel de renvoi a rejeté la demande d’indemnisation par un arrêt du 5 juillet 2018, se conformant ainsi à ce qui était la doctrine de la Cour de cassation.

Concernant une autre affaire, l’Assemblée plénière a opéré un revirement de jurisprudence, le 5 avril 2019, en reconnaissant à tout salarié justifiant d’une exposition à l’amiante, générant un risque élevé de développer une pathologie grave, la possibilité d’agir contre son employeur sur le fondement du droit commun régissant l’obligation de sécurité de l’employeur, quand bien même il n’aurait pas travaillé dans l’un des établissements figurant sur la liste mentionnée à l’article 41 de la loi du 23 décembre 1998 précitée (Ass. plén., 5 avril 2019, n° 18-17.442 N° Lexbase : A1652Y8P, lire Ch. Willmann, Préjudice d’anxiété : un revirement attendu, beaucoup d’inconnues, La lettre juridique, avril 2019, n° 780 N° Lexbase : N8642BXD).

Le salarié se trouvant encore dans les conditions de délai pour exercer un pourvoi en cassation contre l’arrêt de la cour d’appel de renvoi du 5 juillet 2018, celui-ci ne lui ayant pas été signifié, il a formé un nouveau pourvoi en se prévalant du revirement intervenu.

Annulation. Énonçant la solution précitée, la Haute juridiction annule la solution de la cour d’appel, dit qu’il y a lieu d’admettre la recevabilité d’un moyen critiquant la décision par laquelle la juridiction s’est conformée à la doctrine de l’arrêt de cassation qui l’avait saisie, lorsqu’est invoqué un changement de norme intervenu postérieurement à cet arrêt, et aussi longtemps qu’un recours est ouvert contre la décision sur renvoi.

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