La lettre juridique n°861 du 8 avril 2021 : Fiscalité des particuliers

[Brèves] Plus-values sur parts sociales dont la propriété est démembrée : précisions sur les redevables de l’imposition (cas de la donation-partage)

Réf. : CE 9° et 10° ch.-r., 2 avril 2021, 429187, mentionné aux tables du recueil Lebon (N° Lexbase : A50324NP)

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[Brèves] Plus-values sur parts sociales dont la propriété est démembrée : précisions sur les redevables de l’imposition (cas de la donation-partage). Lire en ligne : https://www.lexbase.fr/article-juridique/66671929-brevesplusvaluessurpartssocialesdontlaproprieteestdemembreeprecisionssurlesredevablesd
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par Marie-Claire Sgarra

le 08 Avril 2021

Le Conseil d’État est venu apporter des précisions sur les règles d’imposition dans le cadre d’une plus-value sur parts sociales dont la propriété est démembrée.

Les faits 

⇒ par un acte authentique de donation-partage les requérants ont cédé à leurs deux enfants la nue-propriété de 20 000 actions d’une société, dont ils ont conservé l'usufruit

⇒ la société a procédé, dans le cadre d'une réduction de son capital, au rachat de ces actions, l'usufruit et la nue-propriété étant cédés simultanément

⇒ à l'issue d'un contrôle sur pièces, l'administration fiscale a notifié aux requérants des cotisations supplémentaires d'impôt sur le revenu et de contributions sociales, résultant de la plus-value afférente à la cession des 20 000 titres dont ils détenaient l'usufruit, en retenant que la plus-value était intégralement imposable entre leurs mains et non, ainsi que l'affirmaient les contribuables, entre les mains des nus-propriétaires

⇒ le tribunal administratif de Cergy-Pontoise a rejeté la demande des requérants tendant à la décharge de ces impositions

⇒ la cour administrative d'appel de Versailles a annulé ce jugement et prononcé la décharge demandée (CAA Versailles, 29 janvier 2019, n° 16VE02602)

📌 Précisions du Conseil d’État

✔ L'imposition de la plus-value constatée à la suite des opérations par lesquelles l'usufruitier et le nu-propriétaire de parts sociales dont la propriété est démembrée procèdent ensemble à la cession de ces parts sociales se répartit entre l'usufruit et la nue-propriété selon la valeur respective de chacun de ces droits.

✔ Toutefois, lorsque les parties ont décidé, par les clauses contractuelles en vigueur à la date de la cession, que le droit d'usufruit serait, à la suite de la cession, reporté sur le prix issu de celle-ci, la plus-value est alors intégralement imposée entre les mains de l'usufruitier.

✔ Lorsque, en revanche, les parties ont décidé que le prix de cession sera nécessairement remployé dans l'acquisition d'autres titres dont les revenus reviennent à l'usufruitier, la plus-value réalisée n'est imposable qu'au nom du nu-propriétaire.

✔ Lorsque l'usufruitier conserve la faculté de remployer ou non le produit de la cession des titres dont il a l'usufruit, le droit d'usufruit doit être regardé, pour l'imposition des plus-values résultant de la cession, comme reporté sur le produit de cette cession, rendant ainsi l'usufruitier intégralement redevable de l'imposition.

📌 Solution applicable en l’espèce 

Ici nous sommes en présence un acte de donation partage ayant fait donation entre vifs de la nue-propriété des titres d'une société, une stipulation faisant interdiction aux nus-propriétaires d'aliéner ou de nantir ces titres sans l'accord des usufruitiers, à peine de nullité des aliénations et nantissements.

Un mandat exclusif a été donné aux usufruitiers pour gérer les fonds issus de la cession des titres qui serait décidée avec l'accord des nus-propriétaires, en l'absence de remploi pour acquérir de nouveaux titres.

En cas d'aliénation des titres, les nus-propriétaires s'interdisent, sauf accord exprès du ou des usufruitiers, à demander le partage en toute propriété du prix représentatif de ceux-ci, le droit d'usufruit est ainsi, en cas de cession, reporté sur le prix issu de celle-ci,

Le remploi du prix de vente des titres ne constitue qu'une simple faculté à la main des seuls usufruitiers.

👉 Dès lors, le Conseil d’État en conclut que les usufruitiers doivent être regardés comme redevables de l'intégralité de l'imposition assise sur la plus-value résultant de la cession de ces titres.

 

💡 Imposition de la plus-value de cession d’un bien démembré : jurisprudences antérieures

✔ Si le prix de vente est attribué à l'usufruitier sous forme d'un quasi-usufruit, seul ce dernier est imposable sur la totalité de la plus-value (CE 3° et 8° ssr., 18 décembre 2002, n° 230605, mentionné aux tables du recueil Lebon N° Lexbase : A4709A7K).

✔ En cas de cession en pleine propriété d'un bien démembré, le prix de cession commun se répartit entre l'usufruit et la nue-propriété selon la valeur respective de chacun de ces droits, sauf convention contraire des parties pour reporter l'usufruit sur le prix. Il en résulte que la plus-value se répartit entre l'usufruitier et le nu-propriétaire (CE 9° et 10° ssr., 30 décembre 2009, n° 307165, mentionné aux tables du recueil Lebon N° Lexbase : A0324EQ3).

✔ Si l’usufruitier et le nu-propriétaire conviennent de reporter l’usufruit sur un bien lui-même démembré acquis en remploi du prix de vente, la plus-value est imposable exclusivement entre les mains du nu-propriétaire (CE 3° et 8° ssr., 17 avril 2015, n° 371551, mentionné aux tables du recueil Lebon N° Lexbase : A9567NGG).

✔ Enfin, en cas de remploi, la plus-value est imposable au seul nom du nu-propriétaire et en cas de quasi-usufruit elle sera imposable au nom de l’usufruitier lorsque la convention de quasi-usufruit est conclue antérieurement ou concomitamment à la cession des titres sociaux (CE 3° et 8° ch.-r., 11 mai 2017, n° 402479, mentionné aux tables du recueil Lebon N° Lexbase : A3850WCL).

Lire en ce sens, J-M. Garinot, Cession de titres : déduction par le nu-propriétaire des frais payés par l'usufruitier, Lexbase Fiscal, juin 2017, n° 703 (N° Lexbase : N8893BWB).

Cf. le BOFiP-Impôt annoté (N° Lexbase : X8241ALS).

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