La lettre juridique n°859 du 25 mars 2021 : Fiscalité des entreprises

[Focus] Lease-back : refinancez-vous avec étalement des plus-values de cession !

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par Guillaume Massé, Avocat à la Cour et Estelle Biemmi, Juriste, D'Alverny Avocats

le 24 Mars 2021


Mots-clés : loi de finances pour 2021 • entreprises • lease-back • plus-values de cession

Pour prendre en compte les difficultés financières résultant du Covid-19, l’article 33 de la loi de finances pour 2021 (loi n° 2020-1721, du 29 décembre 2020, de finances pour 2021 N° Lexbase : L3002LZ9) est venue rétablir le dispositif d’étalement de l’impôt sur la plus-value de cession d’un immeuble constatée lors d’une opération de lease-back (vente, suivie d’un crédit-bail). Pour mémoire, un régime similaire avait déjà été mis en place de 2009 à 2012, par le plan de relance de l’économie, à la suite de la crise financière post subprime de 2008.


 

Cette mesure permettra aux entreprises d’améliorer leur trésorerie, tout en évitant l’imposition immédiate de la plus-value réalisée à l’occasion de la vente de l’immeuble ainsi refinancé. Elle s’appliquera aux cessions réalisées entre le 1er janvier 2021 et le 30 juin 2023 [1], et dont l’accord de financement (avec le crédit-bailleur) aura été accepté par le crédit preneur entre le 28 septembre 2020 et le 31 décembre 2022 au plus tard.

Similaire dans ses principes à ce précédent régime de faveur, quelques aménagements lui sont toutefois apportés, notamment par l’obligation qu'il fait peser sur le crédit-preneur d'affecter l'immeuble cédé à la société de crédit-bail à son activité commerciale, industrielle, artisanale, libérale ou agricole.

Intérêts du dispositif

Pour l’entreprise, cet étalement de l'imposition de la plus-value de cession sur la durée d'amortissement un facteur de neutralité fiscale puisque la charge représentée par les loyers de crédit-bail ensuite supportés venait s'imputer sur la réintégration annuelle progressive de la plus-value de cession. L'avantage de ce dispositif est de permettre aux entreprises de trouver immédiatement de la trésorerie en cédant les immeubles dont elles étaient propriétaires, mais sans en perdre la jouissance et surtout sans subir de coût fiscal immédiat puisque la plus-value dégagée lors de l'opération était étalée sur une durée qui ne pouvait toutefois excéder 15 ans.

Pour l'État, le coût immédiat de ce dispositif en trésorerie (la plus-value n'étant pas intégralement imposée lors de la cession), fait in fine ressortir un solde budgétaire neutre sur la durée d'amortissement du bien puisque la plus-value dégagée est en tout état de cause progressivement réintégrée aux résultats imposables des entreprises concernées sur la durée du contrat de crédit-bail.

Pour quelles opérations ?

Les opérations de crédit-bail sont celles par lesquelles une entreprise donne en location des biens immobiliers à usage professionnel achetés par elle ou construits pour son compte, lorsque ces opérations, quelle que soit leur qualification, permettent aux locataires de devenir propriétaires de tout ou partie des biens loués à l’expiration du bail (CMF, art. L. 313-7, 2 N° Lexbase : L9240DYU).

L’article 33 de la loi de finances pour 2021 prévoit, dans le cas où une entreprise cède à une société de crédit-bail un immeuble dont elle retrouve immédiatement la jouissance en vertu d’un contrat de crédit-bail, la possibilité de répartir par parts égales, sur les exercices clos pendant la durée du contrat de crédit-bail le montant de la plus-value de cession, sans pouvoir excéder quinze ans.

Exemple : une entreprise cède à une société de crédit-bail un immeuble et conclut immédiatement avec elle le 1er octobre 2021 un contrat de crédit-bail pour une durée de douze ans. La plus-value réalisée lors de la cession de l'immeuble est de 300 000 euros. L'entreprise clôture ses exercices au 31 décembre. Elle exerce l'option pour le régime d'étalement des plus-values prévu à l'article 39 novodecies du CGI. L'étalement doit être effectué sur les douze exercices clos pendant la durée du contrat de crédit-bail. La plus-value à réintégrer au titre de chaque exercice est de 25 000 euros. La dernière fraction sera réintégrée au résultat de l'exercice clos le 31 décembre 2032.

Pour quels contribuables ?

Cette mesure bénéficie aux contribuables relevant alternativement de l’impôt sur les sociétés et l’impôt sur le revenu dans la catégorie des bénéfices industriels et commerciaux (BIC), des bénéfices agricoles (BA) ou des bénéfices non commerciaux (BNC). Elle s’applique également à la quote-part de plus-value réalisée par une société de personnes dont ces contribuables seraient associés et qui serait imposable en leur nom dans ces mêmes conditions du fait de la translucidité fiscale de la société de personnes (CGI, art 8 N° Lexbase : L1176ITQ).

La plus-value de cession d'un immeuble par une société soumise à l'impôt sur les sociétés relève du régime du court terme et bénéficie pour son montant total du régime d'étalement.

La plus-value de cession d'un immeuble, détenu depuis au moins deux ans, réalisée par une entreprise relevant de l'impôt sur le revenu est à court terme à hauteur des amortissements pratiqués, et à long terme pour le surplus.

Pour quels immeubles ?

L’article décrit spécifiquement les immeubles concernés par la mesure : un immeuble bâti ou non bâti affecté par le crédit-preneur à son activité commerciale, industrielle, artisanale, libérale ou agricole.

Sont donc exclus les immeubles de placement : la mesure ne s’applique donc pas aux immeubles affectés par l’entreprise à des activités de gestion de son propre patrimoine. Sauf si l’immeuble est loué par le crédit-preneur à une entreprise bailleresse avec laquelle il entretient des liens de dépendance (détention de la majorité du capital social, y exerce un pouvoir de décision ou qui sont sous le contrôle d’une même tierce société, et qui affecte l’immeuble à une des activités susvisées.

Exception à l'exclusion : Par « pragmatisme économique » et dans un souci d'« équilibre de l'encadrement », le dispositif « s'applique lorsque l'immeuble est loué par l'entreprise [...] à une entreprise avec laquelle elle entretient des liens de dépendance au sens du 12 de l'article 39 et qui affecte l'immeuble à une activité [économique] ».

Ainsi, la circonstance que l'immeuble soit loué à un tiers par le crédit-preneur ne fait pas obstacle au régime de faveur d'étalement de la plus-value à la double condition :

  • l'entreprise locataire affecte l'immeuble à une activité commerciale, industrielle, artisanale, libérale ou agricole ; et
  • l’entreprise locataire est liée au crédit-preneur au sens de l'article 39, 12 du CGI, c'est-à-dire, selon le législateur, qu'elles « aient une relation de société mère et de filiale ou de sociétés sœurs [2] »

Ce tempérament s'explique par la volonté du législateur de tenir compte des modalités d'organisation de certains groupes dans lesquels le patrimoine immobilier affecté à l'activité est géré par une seule société qui loue les immeubles à l'ensemble des sociétés du groupe.

La cession doit porter sur un immeuble qui, en l'absence de précision, devrait pouvoir être bâti ou non bâti. Les opérations portant sur des terrains devraient donc pouvoir entrer dans le champ du dispositif.

Un régime optionnel

Ce régime reste toutefois optionnel. L’entreprise peut choisir de ne pas opter pour ce régime. L’option pour le dispositif porte sur l’ensemble de la plus-value afférente à l’immeuble cédé, c’est-à-dire aussi bien les plus-values à court terme que les plus-values à long terme. Il n’est donc pas possible d’étaler la seule plus-value à court terme ou la seule plus-value à long terme.

Il peut être mis fin à l’étalement lorsque l’immeuble est acquis par l’entreprise ou en cas de résiliation du contrat de crédit-bail. Le solde restant de la plus-value est alors immédiatement imposable.  

Perte anticipée du bénéfice de l'étalement

L'étalement de la plus-value n'est pas définitivement acquis lors de la cession de l'immeuble : en effet, le mécanisme prend fin de manière anticipée dans deux hypothèses [3] :

  • acquisition (par définition anticipée) de l'immeuble par l'entreprise cédante ;
  • résiliation du contrat de crédit-bail.

Si l'un de ces évènements vient à se produire, le solde de la plus-value non encore réintégré fait l'objet d'une imposition immédiate.

Le saviez-vous ?

Le régime de l’article 39 novodecies du CGI s’articule avec les régimes des articles 151 septies B (N° Lexbase : L1142IEZ) du CGI et 151 septies (N° Lexbase : L4192LI4) du CGI.

L’article 151 septies B du CGI prévoit un abattement de 10% par année de détention d’un immeuble d’exploitation à compter de la 6e année, ce qui aboutit à une exonération totale de la plus-value économique afférente aux biens détenus depuis plus de quinze ans (100 % d’abattement).  

Lorsque cet article trouve à s’appliquer, la plus-value pouvant bénéficier de la mesure d’étalement sera la plus-value nette imposable, c’est-à-dire celle ayant bénéficié, le cas échéant, de l’abattement annuel de 10% au titre de la durée de détention prévue à l’article 151 septies B du CGI.

Une entreprise cède le 1er juin 2021 à une société de crédit-bail son immeuble d'exploitation acquis le 1er janvier 2014. Cet immeuble a toujours été inscrit au bilan. Sa cession entraîne la constatation d'une plus-value :

  • à court terme à hauteur de 70 000 euros ;
  • à long terme à hauteur de 500 000 euros.

Lors de la cession, l'immeuble est détenu par l'entreprise depuis sept années révolues. Elle peut donc bénéficier d'un abattement de 20 % sur la plus-value à long terme, en application des dispositions de l'article 151 septies B du CGI (abattement de 10 % pour chacune des années de détention au-delà de la cinquième). La plus-value à long terme est ainsi imposable à hauteur de 400 000 euros [500 000 - (500 000 × 20 %)].

En cas d'option pour le régime prévu à l'article 39 novodecies du CGI, la plus-value à court terme de 70 000 euros et celle à long terme de 400 000 euros font l'objet de la mesure d'étalement.

L’article 151 septies du CGI prévoit également un régime particulier d’imposition des plus-values. Il s’agit cependant de deux régimes dont le champ d’application est distinct. L’un s’applique à la plus-value de l’immeuble et l’autre à la plus-value nette de l’exercice. Lors de l’application en 2009 du régime d’étalement, il avait été précisé que si la plus-value nette afférente à l’immeuble relevant des dispositions de l’article 39 novodecies du CGI peut bénéficier des dispositions de cet article.

Une entreprise réalise une plus-value de 3 000 euros lors de la cession d'un immeuble dans des conditions ouvrant droit au régime de l'article 39 novodecies du CGI, une plus-value à court terme de 1 000 euros et une moins-value de 800 euros lors de la cession d'autres éléments de son actif. La plus-value nette de l'exercice est égale à 3 200 euros et le régime d'étalement prévu à l'article précité porte sur cette plus-value nette à hauteur de 3 000 euros. L'entreprise bénéficie, compte tenu de son chiffre d'affaires, d'une exonération partielle de la plus-value nette à hauteur de 25 % en application de l'article 151 septies du CGI. La plus-value nette imposable, soit 2 400 euros, bénéficie du régime d'étalement à hauteur de 2 250 euros [3 000 - (3 000 × 25 %)].

J’ai entendu dire

Il n’en resterait pas moins que si l’entreprise subit une moins-value au cours de l’exercice elle devra être imputée dans les conditions de droit commun.

De même que la redevance de crédit-bail devra être déduite dans les conditions du droit commun.

À retenir

Il est désormais possible pour les entreprises, durant les 3 prochaines années, de bénéficier de plus de trésorerie par le contrat de crédit-bail grâce à l’étalement de l’imposition de la plus-value sur quinze ans.

Il reste à espérer que ce nouveau dispositif d'étalement des plus-values de cession-bail d'immeubles connaisse un succès identique à celui mis en place par la 2ème loi de finances rectificative pour 2009. En effet, selon les parlementaires [4], il s’était traduit par des opérations de cession-bail triplant en nombre pour un montant cumulé passant de 500 millions d’euros à 1,5 milliards d’euros en moyenne annuelle, « en rendant les opérations de cession-bail plus attractives, par l'étalement dans le temps de la fiscalité, ce régime fiscal a facilité le refinancement des entreprises et participé au soutien de l'activité économique en période de crise ».

 

[1] CGI, art. 39 novodecies, II, al. 1 (N° Lexbase : L1090IE4).

[2] Rapport AN, n° 3399 (2020-2021), t. II, p. 251.

[3] CGI, art. 39 novodecies I, 2ème phrase. 

[4] Rapport Sénat n° 111, Philippe Marini.

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