Réf. : TJ Paris, 18ème ch., 25 février 2021, n° 18/02353 (N° Lexbase : A40574I4)
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par Vincent Téchené
le 03 Mars 2021
► L’article 1719 du Code civil relatif (N° Lexbase : L8079IDL) à l’obligation de délivrance du bailleur n'a pas pour effet d'obliger le bailleur à garantir au preneur la chalandise des lieux loués et la stabilité du cadre normatif, dans lequel s'exerce son activité ;
Dès lors, le locataire ne contestant pas que les locaux lui permettent d'exercer l'activité à laquelle ils sont contractuellement destinés, et le trouble de jouissance, dont il se prévaut, du fait de la fermeture administrative de son commerce, entre le 15 mars et le 11 mai 2020, imposée par les mesures législatives et réglementaires de lutte contre la propagation de l'épidémie de la covid-19, n'étant pas garanti par la bailleresse, le locataire n’est pas fondé à exciper, au soutien de sa demande de restitution des loyers payés sur cette période, de l'inexécution par le bailleur, pendant cette même période, de ses obligations de délivrer les locaux loués et de garantir leur jouissance paisible.
Faits et procédure. Dans le cadre d’un litige qui ne portait pas, à l’origine, sur le paiement des loyers dus pendant la période de fermeture administrative du premier confinement dû à l’épidémie de covid-19, le locataire de locaux commerciaux a demandé la restitution des loyers versés durant cette période.
À ce sujet, il faisait alors valoir, devant le juge du tribunal judiciaire de Paris, qu'en application du décret n° 2020-293 du 23 mars 2020 (N° Lexbase : L5507LWU) reprenant les arrêtés des 14 et 15 mars 2020 et prescrivant les mesures nécessaires pour faire face à l'épidémie de covid-19 dans le cadre de l'état d'urgence sanitaire, et, notamment, la fermeture des magasins de vente, il n'a pu accueillir sa clientèle dans les locaux loués et a dû fermer son commerce de vente d'objets d'art et de décorations à compter du 15 mars et jusqu'au 11 mai 2020, soit pendant la période de confinement de 57 jours. Selon le locataire, cette mesure de fermeture des commerces non essentiels l'a donc empêché de jouir paisiblement des locaux commerciaux donnés à bail et, partant, d'exploiter son activité commerciale. Cette circonstance constituerait, selon lui, une inexécution des obligations du bailleur de délivrer les locaux et d'en assurer la jouissance paisible mises à sa charge par l'article 1719 du Code civil, cette inexécution qui affecte les obligations essentielles du bailleur étant alors suffisamment grave pour justifier, en application de l'article 1219 du Code civil (N° Lexbase : L0944KZY), l'exception d'inexécution du loyer, en ce qu'elle a totalement empêché l'exercice de son activité commerciale.
Dès lors, aucun loyer n'était dû pour la période du 15 mars au 11 mai 2020, faute pour le bailleur d'avoir exécuté ses propres obligations, et partant, la somme correspondant aux loyers échus entre le 15 mars et le 11 mai 2020 n'est pas due et doit donc lui être restituée.
Décision. Le tribunal judiciaire rejette cette demande.
Il rappelle qu’en application de l'article 1719 du Code civil, le bailleur est obligé, par la nature du contrat, et sans qu'il soit besoin d'aucune stipulation particulière, de délivrer au preneur la chose louée en mettant à sa disposition, pendant toute la durée du bail, des locaux conformes à leur destination contractuelle, dans lesquels il est en mesure d'exercer l'activité prévue par le bail, et d'en faire jouir paisiblement celui-ci pendant la même durée.
Selon le tribunal, cet article n'a pas pour effet d'obliger le bailleur à garantir au preneur la chalandise des lieux loués et la stabilité du cadre normatif, dans lequel s'exerce son activité.
En l'espèce, le locataire ne discute et ne conteste pas que la configuration, la consistance, les agencements, les équipements et l'état des locaux à elle remis par le bailleur en exécution du bail les liant lui permettent d'exercer l'activité, à laquelle ils sont contractuellement destinés, et le trouble de jouissance, dont il se prévaut, du fait de la fermeture administrative de son commerce, entre le 15 mars et le 11 mai 2020, imposée par les mesures législatives et réglementaires de lutte contre la propagation de l'épidémie de la covid-19, n'est pas garanti par le bailleur.
Ainsi, pour les juges parisiens, le locataire n'est pas fondé à exciper, au soutien de sa demande de restitution des loyers payés sur la période précitée, de l'inexécution par le bailleur, pendant cette même période, de ses obligations de délivrer les locaux loués et de garantir leur jouissance paisible à sa locataire.
Le locataire est donc débouté tant de sa demande tendant à voir juger qu'aucun loyer n'est dû pour la période de confinement du 15 mars au 11 mai 2020 que de sa demande en paiement au titre de la restitution de l'indu.
Pour aller plus loin : v. ÉTUDE : : L'obligation du locataire de payer le loyer du bail commercial, L'exigibilité du loyer du bail commercial en période de crise sanitaire (Covid-19), in Baux commerciaux, Lexbase (N° Lexbase : E504834Q). |
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