Réf. : CE référé, 11 février 2021, n° 448485, inédit au recueil Lebon (N° Lexbase : A36144HC)
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par Marie-Claire Sgarra
le 03 Mars 2021
► Le Conseil d’État a rejeté le recours du Conseil national des barreaux, de la Conférence des Bâtonniers et l'Ordre des avocats du barreau de Paris tendant à l’annulation des commentaires de l’administration relatifs à la déclaration des dispositifs transfrontières.
Pour rappel, le Conseil national des barreaux, la Conférence des bâtonniers et le barreau de Paris avait indiqué, via un communiqué de presse du 26 janvier 2021, attaquer les commentaires de l’administration fiscale relatifs à la Directive « DAC 6 » pour défendre le secret professionnel.
« La profession d’avocat dénonce l’atteinte injustifiée au secret professionnel de l’avocat sans qu’aucun « filtre protecteur » comparable à celui retenu en matière de déclaration de soupçon dans le cadre de la lutte contre le blanchiment n’ait été prévu ».
🔎 Que prévoit la Directive « DAC 6 » ?
La Directive européenne n° 2018/822, du Conseil du 25 mai 2018, relative à l’échange automatique et obligatoire d’informations sur les dispositifs transfrontières devant faire l’objet d’une déclaration, dite « Directive DAC 6 » (N° Lexbase : L6279LKR) vise à renforcer la coopération entre les administrations fiscales des pays de l’UE en matière des montages potentiellement agressifs de planification fiscale.
La déclaration DAC 6 vise à déclarer des dispositifs transfrontières potentiellement agressifs sur le plan fiscal contenant certaines caractéristiques.
La Directive a été transposée en droit interne par l’ordonnance n° 2019-1068, du 21 octobre 2019, relative à l'échange automatique et obligatoire d'informations dans le domaine fiscal en rapport avec les dispositifs transfrontières devant faire l'objet d'une déclaration (N° Lexbase : L9809LS4), codifiée aux articles 1649 AD (N° Lexbase : L9972LS7) à 1649 AH (N° Lexbase : L9976LSB) du CGI.
Pour l’essentiel on notera :
Consulter le tableau des marqueurs sur le site de l’administration fiscale.
Lire en ce sens, G. Massé et A.-C. Piroth, DAC 6 : une application pratique plus complexe et incertaine, Lexbase Fiscal, mai 2020, n° 824 (N° Lexbase : N3300BYU). |
🔎 Covid-19 et report des obligations.
La Directive DAC 6 est entrée en vigueur au sein de l’Union européenne le 25 juin 2018 avec une prise d’effet initialement prévue le 1er juillet 2020 et un effet rétroactif pour les dispositifs transfrontières mis en œuvre entre le 25 juin 2018 et le 30 juin 2020.
En réponse à la crise sanitaire liée à la Covid-19, l'Union européenne a finalement décidé le 24 juin 2020, de reporter la date limite pour remplir ses obligations en matière d'échange et d'échange d'informations transfrontalières. Ainsi, les États membres peuvent prendre les mesures nécessaires pour permettre aux intermédiaires et aux contribuables concernés de fournir, pour le 28 février 2021 au plus tard, des informations sur les dispositifs transfrontières devant faire l’objet d’une déclaration dont la première étape a été mise en œuvre entre le 25 juin 2018 et le 30 juin 2020.
En France c’est la troisième loi de finances rectificative pour 2020 qui a entériné ce report pour les contribuables français (loi n° 2020-935, du 30 juillet 2020, de finances rectificative pour 2020 N° Lexbase : L7971LXI).
⏲️ Les dates à retenir pour l’année 2021.
🔎 Les commentaires de l’administration fiscale et la défense du secret professionnel
Une première version des commentaires de l’administration fiscale été publiée le 9 mars 2020 en ce qui concerne la définition des termes et les modalités de déclaration, le 29 avril 2020 pour les marqueurs.
Les commentaires définitifs, en cause au litige (BOI-CF-CPF-30-40 N° Lexbase : X0292CKZ et BOI-CF-CPF-30-40-10-20 N° Lexbase : X0221CKE) ont été publiés le 25 novembre 2020.
Les commentaires précisent les étapes liées à la levée du secret professionnel et à la déclaration.
Ainsi, lorsque l’intermédiaire est soumis au secret professionnel dont la violation est prévue et réprimée par l’article 226-13 du Code pénal (N° Lexbase : L5524AIG), ce dernier doit :
1. avec l’accord du contribuable déclarer le dispositif transfrontière : l'intermédiaire soumis au secret professionnel doit informer son client et prendre toute disposition pour que celui-ci soit en mesure de lui faire part de sa décision de lever le secret professionnel au plus tard le jour précédant celui du fait générateur de l'obligation déclarative. Le jour précédant celui du fait générateur de l'obligation déclarative s'entend :
du jour de la mise à disposition aux fins de mise en œuvre du dispositif transfrontière devant faire l'objet d'une déclaration ;
du jour où le dispositif transfrontière devant faire l'objet d'une déclaration est prêt à être mis en œuvre ;
de la veille du jour de la réalisation de la première étape de la mise en œuvre du dispositif transfrontière.
En cas d’accord intervenant au-delà de la date prévue, une tolérance administrative admet que le délai de trente jours de souscription de la déclaration s’applique à compter du jour où l’intermédiaire obtient cet accord.
2. à défaut d’accord l’intermédiaire notifie à tout autre intermédiaire l’obligation déclarative qui lui incombe
3. en l’absence d’autres intermédiaires, l’avocat adresse la notification d’obligation déclarative au contribuable. L’avocat transmet au contribuable, le cas échéant, les informations nécessaires au respect de son obligation déclarative
👉 Solution du Conseil d’État.
Le Conseil national des barreaux, la Conférence des bâtonniers et le barreau de Paris ont décidé de demander l’annulation de ces commentaires pour défendre le secret professionnel.
« Le 25 novembre 2020, les commentaires administratifs publiés au BOFiP ont repris et précisé les règles définies par l’ordonnance. À défaut de prise en compte des observations de la profession, les instances représentatives ont décidé d’introduire un référé suspension contre le BOFiP qui en régit l’application » a ainsi indiqué le CNB dans un communiqué du 1er février 2021.
Pour justifier de l'urgence à ordonner cette suspension, les requérants font valoir que les commentaires administratifs contestés portent un préjudice grave et immédiat à l'intérêt collectif de la profession d'avocat dès lors qu'ils font obligation aux membres de cette profession prenant part à l'élaboration de dispositifs transfrontaliers de transmettre non seulement à l'administration fiscale, mais également à des tiers ayant la qualité d'intermédiaire des informations couvertes par le secret professionnel, en méconnaissance du droit à un procès équitable et du droit à la protection de la vie privée respectivement garantis par les stipulations des articles 6 et 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales et des articles 47 et 7 de la Charte des droits fondamentaux de l'Union européenne.
Pour le Conseil d’État, « l'obligation déclarative dont les modalités d'application sont contestées trouve son fondement, comme il a été dit aux points 4 et 5, dans les dispositions des articles 1649 AD à 1649 AH du Code général des impôts issus de l'article 1er de l'ordonnance du 21 octobre 2019, relative à l'échange automatique et obligatoire d'informations dans le domaine fiscal en rapport avec les dispositifs transfrontières, que les requérants n'ont pas attaquée dans le délai de recours contentieux, et non dans le commentaire qu'en a fait l'administration. Par suite, les énonciations contestées du bulletin officiel des finances publiques - Impôts ne créent, par elles-mêmes, aucune situation d'urgence en tant qu'elles se bornent à rappeler, sans y ajouter, les dispositions de la loi fiscale ».
La requête est donc rejetée.
📌 À noter que ce n’est pas la première fois que la profession dénonce cette atteinte au secret professionnel. Lors de sa séance du 5 novembre 2019, le Conseil de l’Ordre du barreau de Paris avait voté une motion dénonçant l’absence de concertation sur la transposition de la Directive européenne dite « DAC 6 », et a rappelé notamment le caractère absolu du secret professionnel et du principe de légalité. Le CNB est également intervenant volontaire dans le contentieux devant la Cour constitutionnelle belge. Cette dernière a décidé de poser une question préjudicielle à la CJUE, considérant que les informations susceptibles de faire l’objet d’une transmission en vertu de la Directive sont protégées par le secret professionnel dès lors qu’elles « portent sur des activités qui relèvent de leur mission spécifique de défense ou de représentation en justice et de conseil juridique », et que le « simple fait de recourir à un avocat est soumis au secret professionnel. Il en va a fortiori de même pour l’identité des clients d’un avocat ». |
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