Réf. : Cass. civ. 3, 28 janvier 2021, n° 19-21.089, F-P (N° Lexbase : A17054EU)
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par Yann Le Foll
le 10 Février 2021
► Dès lors que l’expropriant a pris possession des parcelles expropriées sans avoir préalablement offert et a fortiori sans avoir versé, ni consigné l'indemnité qui était due aux SCI titulaires d’un bail emphytéotique sur ces parcelles, celles-ci doivent voir leurs demandes d’indemnisation accueillies (Cass. civ. 3, 28 janvier 2021, n° 19-21.089, F-P N° Lexbase : A17054EU).
Faits. Le 27 décembre 1977, la société civile immobilière (SCI) de la Perrière neuve a conclu un bail emphytéotique sur une parcelle cadastrée appartenant aux consorts Y. Après expropriation partielle au profit de la commune de Chambéry, cette parcelle a été divisée en deux parcelles cadastrées, l’une correspondant à la partie expropriée, sur laquelle la commune a construit un parc de stationnement public, et l’autre demeurée hors emprise. Le 14 novembre 1991, la SCI de la Perrière neuve a conclu avec la SCI du Traîneau d’or un sous-bail emphytéotique portant sur la parcelle. Après déclaration d’utilité publique, les consorts Y ont consenti à la commune de Chambéry la cession amiable d’une partie de la parcelle, laquelle a été divisée en deux parcelles cadastrées, l’une cédée à la commune, et l’autre conservée par eux-mêmes. Les SCI de la Perrière neuve et du Traîneau d’or ont assigné la commune aux fins, notamment, d’obtenir l’indemnisation de leurs préjudices résultant de leur expropriation sans indemnité et de faire constater l’état d’enclave de la parcelle.
En cause d’appel. Pour rejeter les demandes des SCI, l’arrêt attaqué (CA Lyon, 30 avril 2019, n° 17/02828 N° Lexbase : A0911ZAY) relève qu’elles fondent leur demande d’indemnisation sur l’existence d’une voie de fait commise et retient que, en l’espèce, pour la prise de possession des parcelles expropriées, la commune n’a procédé à aucune exécution forcée et n’a pas procédé de manière irrégulière, l’ordonnance d’expropriation ayant éteint, par elle-même et à sa date, tout droit réel ou personnel existant sur les parties de parcelles expropriées. Il ajoute que l’atteinte à un droit réel immobilier ne saurait être assimilée à une atteinte au droit de propriété lui-même, de sorte que les emphytéotes, qui ne peuvent se prévaloir d’un droit de propriété, ne peuvent invoquer une voie de fait. La cour d’appel conclut enfin, que la commune de Chambéry n’a pris de décisions que dans le cadre de ses pouvoirs en sa qualité d’autorité expropriante.
Principe. La prise de possession intervenue sans fixation ni paiement préalable de l’indemnité d’expropriation constitue une emprise irrégulière qui ouvre droit à indemnisation au profit des titulaires de droits réels immobiliers sur le bien exproprié dont l’expropriant connaissait l’existence (sur ce principe, Cons. const., décision n° 89-256 DC du 25 juillet 1989 N° Lexbase : A8198ACM).
Décision. En statuant ainsi, alors que, même en l’absence de voie de fait, les emphytéotes, dont le droit était éteint par l’ordonnance d’expropriation, avaient droit à indemnisation, la Cour suprême énonce que la cour d’appel a violé les textes susvisés. Son arrêt est annulé, mais seulement en ce qu’il rejette les demandes d’indemnisation des SCI.
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