Réf. : Cass. civ. 3, 14 janvier 2021, n° 18-23.355, F-D (N° Lexbase : A72224CH)
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par Juliette Mel, Docteur en droit, Avocat associé, Rome Associés, Chargée d’enseignements à l’UPEC et Paris Saclay, Responsable de la Commission Marchés de Travaux, Ordre des avocats
le 28 Janvier 2021
► Le marché prévoit les modalités d’établissement du décompte de fin de chantier de l’entreprise ;
► la qualification de contestation écrite, précise et motivée du décompte fait toujours l’objet d’un contentieux important.
Au-delà des règles légales applicables au marché de travaux, il existe des règles conventionnelles. Au risque du truisme, ces règles conventionnelles doivent être expressément stipulées pour avoir force contraignante entre les parties. Parfois, ces règles sont simplement contractualisées. Tel est notamment le cas de ce qui est dénommé le « CCAG Travaux » c’est-à-dire la norme NF P03-001. A bien comprendre, l’AFNOR a codifié des pratiques, des usages, aux termes d’un texte régulièrement mis à jour qui s’appelle le CCAG, lequel peut être choisi par les parties au contrat comme faisant corps avec le marché de travaux. C’est ainsi que l’on distingue l’acte d’engagement, du CCAP (cahier des clauses administratives particulières) du CCAG (cahier des clauses administratives générales). Ces textes qui regroupent les pratiques et usages sont un outil de simplification de la rédaction contractuelle, souvent choisi par les parties.
Or, ce CCAG Travaux prévoit une procédure particulière quant à l’établissement du décompte général de l’entreprise, en fin de travaux. Ce décompte est naturellement important. Il peut se définir comme l’état récapitulatif dressé par l’entreprise de l’ensemble des sommes qu’il estime lui être dues. Il est ainsi usuel d’y trouver une partie sur le solde du marché, correspondante à ce qui n’a pas été facturé ou payé à l’avancement du chantier aux termes des situations de travaux ainsi qu’une partie relative à la réclamation, c’est-à-dire des sommes réclamées par l’entreprise, hors marché comme des travaux supplémentaires, des prolongations de délais etc..
La procédure décrite au CCAG prend alors un relief particulier dès lors que si le décompte n’est pas contesté/établi dans les modalités fixées, la partie en carence est réputée accepter ou renoncer (pour exemples Cass. civ. 3, 8 février 2018, n° 17-10.039, FS-P+B N° Lexbase : A6713XCM ou Cass. civ. 3, 27 juin 2019, n° 18-18.051, F-D N° Lexbase : A2981ZHU). C’est dire les enjeux.
Il est n’est donc pas rare de voir surgir des contentieux relatifs à la mise en œuvre de cette procédure d’établissement des comptes de fin de chantier. L’arrêt rapporté en est une illustration. En l’espèce, le CCAG Travaux avait été contractualisé et les débats portaient sur l’appréciation de l’article 19.6. Cet article prévoit, dans sa version applicable aux faits de l’espèce, que l’entrepreneur dispose d’un délai de trente jours à compter de la notification de son mémoire définitif par le maître d’ouvrage pour présenter ses observations et qu’à défaut le décompte définitif est réputé accepté. Il est avancé dans le pourvoi que les observations visées doivent être précises et détaillées et répondre au décompte définitif adressé par le maître de l’ouvrage ce qui n’aurait pas été le cas en l’espèce.
La question ressort naturellement de la libre appréciation des juges du fond. La Haute juridiction n’opère qu’un contrôle de motivation. La solution importe donc peu. Ce qui compte, en revanche, c’est de devoir aller jusqu’en cassation pour clôturer des comptes de fin de chantier…
L’arrêt est, toutefois, conforme à la jurisprudence antérieure. Le silence de l’entrepreneur vaut acceptation tacite du décompte général (Cass. civ. 3., 31 octobre 2001, n° 13-22.494, FS-P+B N° Lexbase : A2690M87). Il en va de même de l’émission de vagues protestations (Cass. civ. 3, 4 décembre 1991, n° 90-13.335 N° Lexbase : A2980ABY). La jurisprudence administrative applique les mêmes principes (pour exemple, CE 5 octobre 2005, n° 266368 N° Lexbase : A6969DKC « Le mémoire en réclamation adressé à la personne responsable du marché délimite l’étendue de la contestation engagée à l’encontre du décompte général notifié à l’entreprise. Il ne vaut cependant contestation dudit décompte que s’il mentionne de manière détaillée les sommes dont l’entreprise réclame le paiement »).
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