La lettre juridique n°852 du 28 janvier 2021 : Covid-19

[Brèves] Interruption des délivrances de visas de regroupement familial : le Conseil d’État suspend la décision du Gouvernement

Réf. : CE, référé, 21 janvier 2021, n° 447878, inédit au recueil Lebon (N° Lexbase : A29884DZ)

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[Brèves] Interruption des délivrances de visas de regroupement familial : le Conseil d’État suspend la décision du Gouvernement. Lire en ligne : https://www.lexbase.fr/article-juridique/64650382-breves-interruption-des-delivrances-de-visas-de-regroupement-familial-le-conseil-detat-suspend-la-de
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par Marie Le Guerroué

le 27 Janvier 2021

► Le juge des référés du Conseil d’État suspend la décision du Gouvernement d’interrompre, en raison de l’épidémie de covid-19, la délivrance de visas de regroupement familial aux conjoints et enfants d’étrangers non-européens résidant en France ; le juge estime, notamment, que cette décision porte une atteinte disproportionnée au droit à la vie familiale normale et à l’intérêt supérieur de l’enfant.

Faits/procédure. Dans le cadre de la lutte contre la covid-19, le Premier ministre avait décidé de limiter la circulation sur le territoire national des personnes en provenance de l’étranger (instruction 6239-SG du 29 décembre 2020, relative aux mesures frontalières mises en oeuvre dans le cadre de l'état d'urgence sanitaire). Si, depuis cette date, les conjoints et enfants de citoyens français ou européens peuvent toujours entrer en France pour les rejoindre, les membres de la famille des ressortissants d’autres nationalités résidant en France ne le peuvent plus, sauf à de rares exceptions. La Haute juridiction administrative était saisie par plusieurs associations représentant les étrangers (notamment la CIMADE, l’ADDE, le GISTI) d’une demande de suspension de l’exécution de la décision du pouvoir réglementaire.

Une incidence limitée sur la propagation du virus. D’une part, le juge des référés relève que le nombre des personnes bénéficiant du regroupement familial équivaut en temps normal à soixante personnes par jour. L’administration n’apporte pas d’élément montrant qu’un tel flux pourrait contribuer de manière significative à une augmentation du risque de propagation de la covid-19, alors que les mesures récemment renforcées de dépistage et d’isolement, pour faire face à l’apparition des nouveaux variants, peuvent être appliquées aux intéressés comme aux personnes bénéficiant déjà d’une dérogation leur permettant d’entrer sur le territoire.

Une atteinte disproportionnée au droit à la vie familiale normale et à l’intérêt supérieur de l’enfant. D’autre part, le juge constate que la mesure attaquée porte une atteinte grave au droit à la vie familiale normale de l’ensemble des intéressés et à l’intérêt supérieur des enfants en cause, qui perdure de manière continue depuis plus de dix mois. Pourtant, les personnes concernées sont souvent contraintes, en l’état, de saisir le juge des référés du tribunal administratif de Nantes pour obtenir la régularisation de leur situation. Ainsi, et alors même que le droit de l’Union ne fait pas obstacle à ce que, face à une situation de pandémie, le Premier ministre restreigne provisoirement, par des mesures réglementaires justifiées par des considérations sanitaires, les entrées sur le territoire national, la décision contestée n’est pas proportionnée car elle ne prévoit pas de dérogations pour les bénéficiaires d’un regroupement familial.

Réponse du juge des référés du Conseil d’État. Le juge des référés estime, dès lors, qu’il existe un doute sérieux sur la légalité de la mesure en cause, qui justifie qu’elle soit suspendue.

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