Réf. : Cass. civ. 3, 14 janvier 2021, 19-24.881, FS-P (N° Lexbase : A72474CE)
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N6170BY8
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par Juliette Mel, Docteur en droit, Avocat associé, Rome Associés, Chargée d’enseignements à l’UPEC et Paris Saclay, Responsable de la Commission Marchés de Travaux, Ordre des avocats
le 21 Janvier 2021
► La demande principale en nullité de la vente pour dol dirigée contre le vendeur ne fait pas obstacle à une demande subsidiaire en responsabilité quasi-délictuelle contre le professionnel chargé de la commercialisation du programme d’investissement immobilier défiscalisé ;
► les accédants à la propriété doivent être indemnisés de la perte de chance d’avoir effectué un investissement plus rentable.
Avec la multiplication des incitations à l’investissement immobilier par la défiscalisation, type loi « Pinel », les contentieux de cette nature se multiplient. D’autant que cela fait longtemps que la jurisprudence étend la liste des mentions imposées par le régime de la VEFA pour mettre à la charge du réservant, c’est-à-dire le vendeur, une obligation d’information renforcée.
Il s’agit du cas où l’accédant à la propriété n’achète le bien que dans la perspective d’un investissement défiscalisé. Alors, lorsque l’avantage ne se réalise pas, les accédants n’hésitent pas à exercer un recours à l’encontre du promoteur. Les fondements sont nombreux. D’un côté, si la possibilité et/ou le montant de la défiscalisation ont été contractualisés, il sera possible, pour l’accédant à la propriété, de reprocher une réticence dolosive au vendeur (pour exemple CA Basse-Terre, 18 avril 2016, n° 14/01211 N° Lexbase : A5816RKM). De l’autre, le contrat de réservation, comme l’acte authentique peuvent être annulés pour défaut d’information correcte délivrée par le vendeur, encore une fois si l’objectif de rentabilité est entré dans le champ contractuel (CA Montpellier, 22 janvier 2015, n° 13/06974 N° Lexbase : A2827RKW).
Ainsi, une plaquette publicitaire qui ventait les avantages de l’investissement et présentait une simulation aboutissant à une rentabilité par le cumul des revenus de la défiscalisation du bien ne permet pas de caractériser un dol à l’égard de l’acquéreur (CA Toulouse, 9 septembre 2013, n° 12/1755). En revanche, en cas de présentation mensongère, même sur une plaquette publicitaire, le dol peut être retenu et la nullité du contrat prononcée (pour exemple, Cass. civ. 3, 7 avril 2016, n° 14-24.164, F-D N° Lexbase : A1506RCR).
L’agent immobilier doit, en revanche, avertir son client profane des aléas d’un investissement et ne pas le laisser croire, comme l’annonce la plaquette, que les loyers sont « garantis » (Cass. civ. 1, 2 octobre 2013, n° 12-20.504, FS-P+B N° Lexbase : A3274KM9).
L’intérêt de l’arrêt rapporté est de préciser que la sanction se situe sur le terrain de la perte de chance. La perte de chance, qui consiste en la disparition d’une espérance future dont il est impossible de savoir avec certitude si elle se serait raisonnablement réalisée (Cass. civ. 1, 22 mars 2012, n° 11-10.935, F-P+B+I N° Lexbase : A4233IGU) est depuis longtemps réparée.
En l’espèce, un couple d’accédants à la propriété, après avoir été démarchés par une société chargée de la commercialisation d’immeubles en l’état futur d’achèvement, ont acquis un appartement à titre d’investissement immobilier locatif bénéficiant d’un avantage fiscal. Ayant perdu cet avantage fiscal, ils assignent le vendeur et l’intermédiaire en nullité de la vente pour dol. Subsidiairement, ils sollicitent la condamnation de l’intermédiaire sur le fondement du manquement à son obligation d’information et de conseil. Les juges du fond condamnent l’intermédiaire à réparer le préjudice subi par les accédants sur le terrain de la perte de chance. La Haute juridiction valide la qualification ainsi que la méthode suivie pour évaluer le préjudice :
« procédant à une comparaison prenant en compte l’avantage fiscal attaché à un investissement outre-mer avec un investissement locatif immobilier qui aurait été réalisé en métropole en conservant une valeur stable, la cour d’appel a pu en déduire, sans avoir à rechercher quelle aurait été la décision prise par les acquéreurs s’ils avaient été correctement informés, que M et Mme X avaient subi une perte de chance d’avoir effectué un investissement plus rentable, qu’elle a souverainement évalué à la somme de 17 000 euros ».
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