La lettre juridique n°487 du 31 mai 2012 : Avocats/Champ de compétence

[Evénement] Le rôle de l'avocat-conseil auprès des collectivités publiques - Compte-rendu de la réunion de la Commission de droit immobilier du barreau de Paris

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[Evénement] Le rôle de l'avocat-conseil auprès des collectivités publiques - Compte-rendu de la réunion de la Commission de droit immobilier du barreau de Paris. Lire en ligne : https://www.lexbase.fr/article-juridique/6390028-evenement-le-role-de-lavocatconseil-aupres-des-collectivites-publiques-compterendu-de-la-reunion-de-
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par Anne-Lise Lonné Clément, Rédactrice en chef

le 27 Mars 2014

La sous-commission "Responsabilité et assurance des constructeurs" de la Commission ouverte de Droit immobilier du barreau de Paris tenait, le jeudi 12 avril 2012, une réunion sur le thème "Le rôle de l'avocat-conseil auprès des collectivités publiques", sous la responsabilité de Maître Michel Vauthier, et animée par Maître Jean-Marc Peyrical, avocat en droit public, directeur de l'IDPA (Institut de droit public des affaires), en vue de faire découvrir le monde des collectivités publiques aux avocats en droit immobilier. Présentes à cette occasion, les éditions Lexbase vous proposent de retrouver le compte-rendu de cette réunion. Fondé il y a 25 ans par Maître Jean-Pierre Boivin, l'IDPA a été créé dans le cadre d'un partenariat de l'Ordre des avocats du barreau de Paris avec l'Université de Paris Sud (Sceaux). Dirigé aujourd'hui par Maître Jean-Marc Peyrical, l'institut forme des avocats en droit public au sein-même de l'école de formation du barreau de Paris.

I - L'avocat publiciste

Les avocats publicistes sont peu nombreux, si l'on se réfère aux 400 avocats publicistes déclarés en tant que tels et recensés par l'Ordre des avocats du barreau de Paris, ce qui correspond approximativement au fichier de tous les anciens étudiants de l'IDPA depuis 25 ans qui compte environ 500 étudiants.

Le droit public est assez méconnu, voire totalement, ce qui, selon Maître Peyrical, est d'autant plus regrettable qu'il existe de nombreux débouchés (dans le domaine de la construction et de l'urbanisme, des contrats et marchés publics, de l'environnement), que ce soit directement dans les collectivités publiques, ou dans les entreprises (réponses aux appels d'offres, dossiers dans le domaine de l'aménagement, ou gestion du contentieux). Il faut rappeler, en effet, que la commande publique en France fait vivre 70 % des PME et que le montant de la commande publique en France représente entre 15 et 20 % du PIB.

Ainsi que le relève Jean-Marc Peyrical, le rôle de l'avocat publiciste est de faire le lien entre deux cultures, la culture des entreprises et celle des personnes publiques.

Une évolution importante du métier de l'avocat publiciste est qu'il est amené à travailler avec d'autres métiers, et à intégrer des groupements pluridisciplinaires. Il travaille en effet de plus en plus avec des avocats privatistes, mais également avec des financiers, des techniciens, notamment dans le domaine des contrats complexes (contrat de partenariat, par exemple, pour la réalisation d'un établissement scolaire...). A cet égard, Maître Peyrical relève un problème de considération de la part des partenaires vis-à-vis des avocats, par rapport aux techniciens ou aux financiers.

Autre écueil auquel est confronté l'avocat publiciste, de plus en plus de collectivités imposent les groupements solidaires dans le cadre des marchés publics, ce qui est incompatible avec la déontologie de l'avocat. A cet égard, Maître Peyrical rappelle que le vice-Bâtonnier Yvon Martinet a indiqué qu'en cas d'engagement de la responsabilité de l'avocat dans un groupement solidaire, il n'était pas couvert par son assurance. Quoi qu'il en soit, il n'existe pas de jurisprudence sur cette question.

II - La relation aux collectivités publiques

Si la relation entre les avocats et les collectivités publiques a, pendant longtemps, été fortement marquée par l'intuitu personae, l'avocat se retrouve aujourd'hui, depuis la modification du Code des marchés publics et l'évolution du droit communautaire, banalisé en tant que prestataire de services, dès lors que la collaboration ne peut s'opérer que dans le cadre d'un marché de services juridiques.

Ainsi, désormais, lorsqu'une collectivité a besoin d'une étude, d'une consultation, d'une assistance pour une certaine durée, elle est tenue de mettre en concurrence.

Si l'on ne peut contester en soi la mise en concurrence qui a bien sûr un effet très positif, elle emporte toutefois certains effets pervers et négatifs au détriment des avocats.

Jean-Marc Peyrical relève, tout d'abord, le problème des prix prédateurs.

Il apparaît que les taux horaires pratiqués par certains avocats se situent très souvent entre 70 et 80 euros (voire 50 euros dans certains cas), ce qui est extrêmement faible. A l'heure actuelle, la plupart des marchés gagnés par les avocats auprès des collectivités locales en France sont remportés à un taux horaire de 100 euros.

La Commission de droit public réfléchit activement sur ce problème des prix prédateurs mais il apparaît très difficile de déterminer ce qu'est un honoraire juste. L'idée a été évoquée de se fonder sur l'ensemble de la jurisprudence des cours d'appel qui fixe les honoraires en cas de contestation afin d'établir un juste prix ; toutefois, le prix dépend de tellement de facteurs qu'il est difficile d'aboutir dans cette démarche.

Par ailleurs, il faut savoir qu'à côté d'une commission de déontologie, a été créée une commission de marchés publics destinée à surveiller les prix pratiqués par les cabinets, au regard de leur organisation réelle, en vue de détecter la fraude et de la sanctionner sur le plan de la déontologie. Maître Jean-Marc Peyrical constate que cette situation crée une ambiance très glaciale entre les avocats publicistes.

L'autre effet pervers est celui de la concurrence illégale des non-avocats. La concurrence existe à plusieurs niveaux. Elle a lieu, tout d'abord, au sein-même des professions juridiques (notaires et huissiers qui font des consultations juridiques à titre principal). Elle provient, ensuite, des professions réglementées qui peuvent réaliser des consultations juridiques à titre accessoire (architectes, experts-comptables...). Ce sont, enfin, les professions non réglementées qui viennent concurrencer les avocats ; pour pouvoir exercer légalement leur activité, elles sont soumises à des critères très précis (elles ne peuvent faire des consultations qu'à titre accessoire, d'une part, et doivent bénéficier d'une qualification donnée par agrément préfectoral ou ministériel, d'autre part) ; c'est ainsi que le juge a été amené à sanctionner un certain nombre d'associations pratiquant des consultations juridiques alors qu'elles ne réunissaient pas les deux critères précités.

Cette problématique de la mise en concurrence se fait ressentir plus fortement depuis 2005-2006, avec l'essor des marchés de services juridiques.

La relation aux collectivités publiques est également marquée par le fait qu'elles ont un besoin croissant de sécurisation juridique, et donc d'un encadrement en amont pour prévenir le contentieux. On assiste ainsi à un développement des juristes au sein des collectivités locales. Il s'agit souvent d'avocats qui n'exercent pas leur métier d'avocats mais qui sont intégrés en tant que juristes. Si la "professionnalisation" des collectivités réduit leur besoin d'externalisation, Maître Jean-Marc Peyrical constate, toutefois, que le recours externe aux avocats demeure, néanmoins, du fait d'une crédibilité plus forte de ceux-ci, notamment du fait de l'engagement de leur responsabilité.

III - Le rôle de l'avocat dans la médiation et l'expertise

La médiation et l'expertise représentent des domaines dans lesquels les avocats publicistes interviennent de plus en plus alors que l'on a longtemps pensé qu'ils étaient réservés à la sphère privée.

Maître Peyrical constate ainsi, pour sa part, que la part du contentieux a tendance à diminuer par rapport au conseil et à la prévention du contentieux ; son cabinet réalise de plus en plus de transactions.

Il existe plusieurs biais de médiation et de prévention du contentieux.

L'intervenant relève, en premier lieu, l'existence d'un outil très efficace, spécifique aux marchés publics : le recours au comité consultatif de règlement amiable (CCRA). Ce dispositif est prévu par le Code des marchés publics ; il en existe environ une dizaine (comités régionaux et interrégionaux). L'avantage du CCRA est qu'il s'agit d'un comité composé de manière paritaire (représentants de l'administration et représentants du monde des entreprises), présidé par un magistrat administratif. Leur domaine d'intervention se situe essentiellement au niveau de l'exécution des marchés (travaux supplémentaires, notamment). Certains contrats prévoient expressément le recours au CCRA avant de mener le litige au contentieux.

Ce dispositif suscite toutefois, à tort selon Maître Peyrical, des réticences au regard, notamment, d'une légitimité prétendue moins forte que celle du juge. Or, le temps gagné est considérable puisque la procédure dans le cadre d'un CCRA dure environ six mois.

En deuxième lieu, l'expertise. Il est de plus en plus souvent fait appel aux experts désignés par les tribunaux administratifs (parfois judiciaires), et ce souvent avec un objectif de stratégie. Cela permet de disposer d'une objectivité considérable.

Une troisième voie est celle de la transaction, laquelle est ouverte aux personnes publiques. Maître Peyrical invite à se référer aux circulaires en la matière, notamment une circulaire très complète et détaillée, du ministère de l'Economie et des Finances, en date du 7 septembre 2009, relative au recours à la transaction pour la prévention et le règlement des litiges portant sur l'exécution des contrats de la commande publique (N° Lexbase : L7919IEZ) (cf., également, circulaire du 6 avril 2011, relative au développement du recours à la transaction pour régler amiablement les conflits N° Lexbase : L9314IPN). L'Etat encourage ainsi régulièrement le recours à la transaction, qui a en effet pendant longtemps été bannie, ce pour plusieurs raisons.

La première tient à une jurisprudence qui a eu pour effet de freiner le recours à la transaction (cf. notamment, CE Contentieux, 19 mars 1971, n° 79962, Sieurs Mergui N° Lexbase : A2915B8H). Il ressort de cette jurisprudence que la transaction ne peut pas cacher une libéralité à l'encontre d'une personne publique.

Le deuxième blocage tient à ce que de nombreuses collectivités se sont senties obligées de faire homologuer leurs transactions par le juge administratif, lesquelles homologations ont été refusées dans certains cas, ce qui a automatiquement constitué un frein pour la crédibilité de la transaction. La circulaire du 7 septembre 2009 rappelle, d'ailleurs, que l'homologation n'est absolument pas obligatoire, bien au contraire (l'homologation ne doit intervenir que dans certains cas bien précis).

Le troisième blocage tient au comportement des comptables publics, qui ont, dans de nombreuses affaires, refusé de payer les sommes allouées au titre de la transaction. Le Conseil d'Etat a ainsi été amené à rappeler que les comptables n'avaient aucun pouvoir pour vérifier la légalité des contrats et des marchés (cf. notamment, CE, S., 8 février 2012, n° 342825, publié au recueil Lebon N° Lexbase : A3402ICY : "Il résulte de l'article 60 de la loi de finances du 23 février 1963 (loi n° 63-156 N° Lexbase : L1090G8U), et de l'article 19 du décret n° 62-1587 du 29 décembre 1962, portant règlement général sur la comptabilité publique (N° Lexbase : L5348AG8), que, pour apprécier la validité des créances, les comptables doivent, notamment, exercer leur contrôle sur la production des justifications. A ce titre, il leur revient d'apprécier si les pièces fournies présentent un caractère suffisant pour justifier la dépense engagée. Toutefois, si ce contrôle peut conduire les comptables à porter une appréciation juridique sur les actes administratifs à l'origine de la créance, et s'il leur appartient, alors, d'en donner une interprétation conforme à la réglementation en vigueur, ils n'ont pas le pouvoir de se faire juges de leur légalité".

La circulaire de 2009 précise d'ailleurs que "la transaction est un titre exécutoire en soi".

De même, il convient de se reporter à un avis du Conseil d'Etat en date du 6 décembre 2002, qui rappelle tous ces principes de manière très détaillée (CE avis, 6 décembre 2002, n° 249153 N° Lexbase : A4627A47).

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