Réf. : CEDH, 5 novembre 2020, Req. 18108/20 (N° Lexbase : A722238Y)
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par Yann Le Foll
le 09 Décembre 2020
► Un particulier contestant la gestion de la crise du Covid-19 par l’État français doit produire des indices raisonnables et convaincants de son préjudice personnel lié à ces défaillances alléguées, à défaut d’irrecevabilité de sa requête (CEDH, 5 novembre 2020, Req. 18108/20 N° Lexbase : A722238Y).
Griefs. Invoquant les articles 2 (droit à la vie) (N° Lexbase : L4753AQ4), 3 (interdiction de la torture et des traitements inhumains et dégradants) (N° Lexbase : L4764AQI), 8 (droit au respect de la vie privée et familiale) (N° Lexbase : L4798AQR) et 10 (droit à la liberté d’expression) (N° Lexbase : L4743AQQ), de la Convention, le requérant se plaint de manquements de l’État à ses obligations positives de protéger la vie et l’intégrité physique des personnes se trouvant sous sa juridiction. Il dénonce notamment les limitations d’accès aux tests de diagnostic, aux mesures prophylactiques et à certains traitements et une atteinte à la vie privée des personnes qui décèdent seules du virus.
Rappel. Pour se prévaloir de l’article 34 (requêtes individuelles) de la Convention (N° Lexbase : L4769AQP), un requérant doit pouvoir se prétendre victime d’une violation de la Convention. L’intéressé doit pouvoir démontrer qu’il a « subi directement les effets » de la mesure litigieuse. Par ailleurs, l'article 34 de la Convention n'autorise pas à se plaindre in abstracto de violations de la Convention. Celle-ci ne reconnaît pas l'actio popularis, ce qui signifie qu'un requérant ne peut se plaindre d'une disposition de droit interne, d'une pratique nationale ou d'un acte public simplement parce qu'ils lui paraissent enfreindre la Convention.
Position de la CEDH. Le requérant se plaint in abstracto de l'insuffisance et de l'inadéquation des mesures prises par l'État français pour lutter contre la propagation du virus covid-19. En premier lieu, la Cour relève que le requérant n'a soulevé ces griefs lors de la procédure de référé introduite devant le Conseil d'Etat qu'en qualité de tiers intervenant. Or, cette qualité ne suffit pas pour lui attribuer le statut de « victime » directe au sens de l'article 34 de la Convention (CEDH, 17 octobre 2013, Req. 27013/07 N° Lexbase : A9322KM9).
En second lieu, la Cour note que le requérant ne fournit aucune information sur sa pathologie et s'abstient d'expliquer en quoi les manquements allégués des autorités nationales seraient susceptibles d'affecter sa santé et sa vie privée. Il ne produit aucun indice raisonnable et convaincant rendant vraisemblable que l'application des mesures prises par le législateur et le Gouvernement caractériserait, à son égard, une carence susceptible de conduire aux manquements qu'il dénonce.
Dans ces conditions, la Cour considère que l’intéressé, dont la requête doit être regardée comme ayant pour seul but de contester de manière générale les textes et les mesures prises en France pour lutter contre la pandémie, ne fait valoir aucune circonstance de nature à lui conférer la qualité de victime potentielle.
La Cour considère de surcroît que si le requérant devait se voir opposer un refus d'assistance ou de soin qui découlerait des mesures sanitaires générales dont il dénonce l'insuffisance, il pourrait en contester la compatibilité avec la Convention devant les juridictions internes.
Dans ces circonstances, la Cour estime que la requête relève de l'actio popularis et que le requérant ne saurait être considéré comme une victime, au sens de l'article 34 de la Convention, des violations alléguées. La requête est donc irrecevable.
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