La lettre juridique n°847 du 10 décembre 2020 : Concurrence

[Brèves] Réponses aux appels d’offres par des filiales d’un même groupe : l’Autorité de la concurrence modifie sa pratique décisionnelle à la suite d’une décision de la CJUE

Réf. : Aut. conc., décision n° 20-D-19, 25 novembre 2020 (N° Lexbase : X1225CKL)

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N5576BY8

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[Brèves] Réponses aux appels d’offres par des filiales d’un même groupe : l’Autorité de la concurrence modifie sa pratique décisionnelle à la suite d’une décision de la CJUE. Lire en ligne : https://www.lexbase.fr/article-juridique/62146997-brevesreponsesauxappelsdoffrespardesfilialesdunmemegroupelautoritedelaconcurrencemodi
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par Vincent Téchené

le 09 Décembre 2020

► À la suite d’une décision de la CJUE précisant la jurisprudence au niveau européen, l’Autorité de la concurrence modifie sa pratique décisionnelle, qui interdisait jusqu’alors, sous peine de sanctions, à des filiales d’un même groupe de se coordonner en réponse à des appels d’offres.

Faits et procédure. À la suite d’un rapport d’enquête transmis par la DGCCRF, l’Autorité de la concurrence s’est saisie de pratiques mises en œuvre par des entreprises en réponse aux d’appels d’offres lancés par France AgriMer, établissement public national des produits de l’agriculture et de la mer, créé en 2009. Il organise notamment, chaque année, des appels d’offres en vue de fournir des produits alimentaires aux associations caritatives et épiceries sociales, qui les distribuent ensuite aux personnes les plus démunies.

Entre 2013 et 2016, plusieurs sociétés appartenant alors à un groupe ont déposé des offres en réponse aux marchés publics lancés par France AgriMer. Présentées comme distinctes et autonomes, ces offres étaient en réalité élaborées en commun. À la suite de la notification de griefs pour entente adressée par les services d’instruction, les sociétés du groupe ont sollicité le bénéfice de la procédure de transaction.  

Une nouvelle jurisprudence européenne. Conformément à sa pratique décisionnelle (Cons. conc., décision n° 03-D-07, 4 février 2003 N° Lexbase : X4797ACN ; Cons. conc., décision n° 08-D-29, 3 décembre 2008 N° Lexbase : X4568AEW ; Aut. conc., décision n° 10-D-04, 26 janvier 2010 N° Lexbase : X6905AGT ; Aut. conc., décision n° 18-D-02, 19 février 2018 N° Lexbase : X0401AUE), confirmée par la jurisprudence de la cour d’appel de Paris (v. not. CA Paris, Pôle 5, 7ème ch., 28 octobre 2010, n° 2010/03405 N° Lexbase : A1996GDB), l’Autorité considérait que pouvaient être sanctionnées au titre de la prohibition des ententes les pratiques consistant en la présentation au pouvoir adjudicateur d’offres en apparence indépendantes mais préparées de façon concertée par des entités appartenant à un même groupe.

Toutefois, dans un arrêt du 17 mai 2018 « VSA Vilnius UAB» (CJUE, 17 mai 2018, aff. C‑531/16 N° Lexbase : A8248XMG), la Cour de justice de l’Union européenne a, pour la première fois, jugé que les règles de l’article 101 du TFUE (N° Lexbase : L2398IPI) sont inapplicables aux pratiques consistant, pour des entreprises appartenant à un même groupe, à soumettre de façon coordonnée des offres distinctes et en apparence indépendantes en réponse à un appel d’offres au motif que, dans une telle hypothèse, les entreprises concernées forment une même unité économique, ce qui fait obstacle à la qualification d’entente au sens de cet article 101.

L’Autorité prononce un non-lieu en dépit de la signature d’un procès-verbal de transaction par les mis en cause. La prise en compte de cette jurisprudence a conduit l’Autorité à faire évoluer sa pratique décisionnelle.

En l’espèce, le sociétés étaient des filiales détenues quasiment intégralement d’une même holding tête de groupe à l’époque des faits. Ces quatre sociétés, société mère et filiales du groupe au moment des faits, doivent donc être regardées, dans le cadre de la jurisprudence de la CJUE, comme une même unité économique, nonobstant la remise séparée des offres en réponse aux appels d’offres organisés par France AgriMer.

La procédure de transaction permet à une entreprise qui ne conteste pas les griefs notifiés par les services d’instruction de l’Autorité d’obtenir une réduction de sanction. Cette transaction avait donné lieu à l’établissement de procès-verbaux de transaction fixant le montant minimal et le montant maximal des sanctions pécuniaires qui auraient pu être infligées par l’Autorité.

L’Autorité a considéré, en conséquence, nonobstant la signature des procès-verbaux de transaction par les entreprises mises en cause, que les conditions pour le prononcé d’une sanction n’étaient pas réunies et qu’il n’y avait pas lieu de poursuivre la procédure.

Précisions. Dans son communiqué de presse du 25 novembre 2020, l’Autorité précise que de telles pratiques peuvent être néanmoins appréhendées par le droit des marchés publics. En effets, de tels comportements peuvent en effet induire en erreur l’acheteur public et ainsi fausser les résultats de la commande publique. La jurisprudence applicable en matière de marchés publics prévoit ainsi que le principe d’égalité de traitement serait violé si des entreprises soumissionnaires appartenant au même groupe de sociétés proposaient des offres coordonnées ou concertées susceptibles de leur procurer des avantages injustifiés. Le pouvoir adjudicateur peut, afin de veiller au respect de ces principes, requérir la divulgation par les soumissionnaires des informations relatives aux liens existants entre ces entités (niveau de participation financière, structure décisionnelle etc.).

Par ailleurs, le pouvoir adjudicateur, les concurrents évincés et les tiers lésés par une pratique de dissimulation des soumissionnaires peuvent saisir les juridictions compétentes en résiliation ou en annulation du marché public d’un recours en réparation de leur préjudice. En outre, les concurrents évincés et les tiers lésés dans une telle hypothèse peuvent, dans certaines circonstances, avant la conclusion définitive du contrat, former un recours en référé devant le juge administratif sur le fondement de l’article L. 551-1 du Code de justice administrative (N° Lexbase : L3270KG9), pour obtenir que soient ordonnées des mesures de régularisation de la procédure.

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