La lettre juridique n°847 du 10 décembre 2020 : Entreprises en difficulté

[Brèves] Banqueroute : point de départ du délai de prescription en cas de détournement réalisé entre le jugement ouvrant le redressement et le jugement prononçant la liquidation

Réf. : Cass. crim., 25 novembre 2020, n° 19-85.091, FS-P+B+I N° Lexbase : A161438B)

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par Vincent Téchené

le 16 Décembre 2020

► Lorsque les faits incriminés par le délit de banqueroute sont apparus entre le jour du jugement ouvrant une procédure de redressement judiciaire et le jour du jugement prononçant la liquidation judiciaire, il n’y a pas lieu de repousser le point de départ du délai de prescription à la date de cette seconde décision ;

Ainsi, lorsque le détournement constitutif du délit de banqueroute a été réalisé postérieurement au jugement ouvrant une procédure de sauvegarde, de redressement ou de liquidation judiciaire, le délai de prescription court à compter de la date de commission des faits, sauf s’il est établi que l’infraction a été délibérément dissimulée.

Faits et procédure. Le 18 novembre 2011, le créancier d’une entreprise individuelle a adressé un courrier au procureur de la République pour l’informer d’un litige l’opposant à cette entreprise. L’enquête a révélé que cette entreprise avait été placée en redressement judiciaire le 13 novembre 2002, puis qu’une procédure de liquidation judiciaire avait été ouverte le 27 mars 2009.

Les investigations ont notamment mis en évidence que des virements avaient été effectués entre avril 2008 et mars 2009 par l’entreprise individuelle au profit d’une société gérée par le débiteur. Cette société dont les parts étaient réparties entre le débiteur et ses enfants avait obtenu en 2006 un crédit immobilier lui permettant d’acquérir un terrain et d’y faire édifier une maison d’habitation, devenue à la fois le siège social de la société et la résidence principale du débiteur et son épouse. Le débiteur a alors été condamné pour ces faits par le tribunal correctionnel du chef de banqueroute et du chef de recel.

C’est dans ces conditions que le débiteur a formé un pourvoi en cassation contre l’arrêt d’appel en ce qu’il l’a déclaré coupable de banqueroute par détournement d’actif au préjudice de son entreprise individuelle et a déclaré la société coupable de recel de ce délit. Il faisait grief à l’arrêt d’appel d’avoir rejeté l’exception de prescription.

Décision. La Chambre criminelle censure l’arrêt d’appel au visa des articles L. 654-2 (N° Lexbase : L3433IC7) et L. 654-16 (N° Lexbase : L4162HBR) du Code de commerce et 8 du Code de procédure pénale (N° Lexbase : L7625IP4) dans sa rédaction antérieure à la loi n° 2017-242 du 27 février 2017 (N° Lexbase : L0288LDZ).

Elle rappelle que selon l’article L. 654-2, en cas d’ouverture d’une procédure de redressement ou de liquidation judiciaire, constitue notamment le délit de banqueroute le fait d’avoir détourné tout ou partie de l’actif du débiteur. Dans cette hypothèse, au regard de ses éléments constitutifs, ce délit ne constitue pas une infraction occulte par nature. En outre aux termes de l’article L. 654-16, en matière de banqueroute, la prescription de l’action publique ne court que du jour du jugement ouvrant la procédure de sauvegarde, de redressement judiciaire ou de liquidation judiciaire lorsque les faits incriminés sont apparus avant cette date.

Elle ajoute que le report du point de départ de la prescription est justifié par le fait que l’exercice de poursuites du chef de banqueroute est subordonné à l’ouverture d’une procédure collective.

Ainsi, il en résulte, pour la Haute juridiction, que lorsque les faits sont apparus entre le jour du jugement ouvrant une procédure de redressement judiciaire et le jour du jugement prononçant la liquidation judiciaire, il n’y a pas lieu de repousser le point de départ du délai de prescription à la date de cette seconde décision. Et, il se déduit de ce qui précède que lorsque le détournement constitutif du délit de banqueroute a été réalisé postérieurement au jugement ouvrant une procédure de sauvegarde, de redressement ou de liquidation judiciaire, le délai de prescription court, en application de l’article 8 du Code de procédure pénale, à compter de la date de commission des faits, sauf s’il est établi que l’infraction a été délibérément dissimulée.

Or, la Cour de cassation constate qu’en l’espèce, pour écarter l’exception de prescription soulevée par le prévenu, poursuivi pour des faits qualifiés de banqueroute, commis entre avril 2008 et mars 2009, l’arrêt relève que l’entreprise individuelle a été placée en redressement judiciaire le 13 novembre 2002, puis que la liquidation judiciaire a été prononcée le 27 mars 2009. Les juges retiennent que le délai de prescription de l’action publique a commencé à courir le 18 novembre 2011, jour de la dénonciation des faits au procureur de la République effectuée par l’un des créanciers de l’entreprise, date à partir de laquelle le ministère public a fait diligenter une enquête. Ainsi, pour les juges du fond, la période de prévention antérieure à cette date ne pouvait être atteinte par les délais de la prescription et les différents actes d’enquête accomplis à compter de cette date ayant interrompu la prescription jusqu’à la citation renvoyant les prévenus devant le tribunal correctionnel, la prescription n’a donc jamais été acquise.

La Chambre criminelle casse l’arrêt d’appel : en statuant ainsi, sans mieux caractériser l’existence d’une dissimulation de nature à retarder le point de départ de la prescription, la cour d’appel n’a pas justifié sa décision.

Pour aller plus loin : v. ÉTUDE : Les règles générales applicables aux sanctions pénales, Prescription de l'action publique, in Entreprises en difficulté, Lexbase (N° Lexbase : E9091EPE).

 

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