Le Quotidien du 8 décembre 2020 : Entreprises en difficulté

[Brèves] Banqueroute : caractérisation de l’élément intentionnel pour absence de comptabilité ou tenue d’une comptabilité manifestement irrégulière

Réf. : Cass. crim., 25 novembre 2020, n° 19-85.205, F-P+B+I (N° Lexbase : A552037L)

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[Brèves] Banqueroute : caractérisation de l’élément intentionnel pour absence de comptabilité ou tenue d’une comptabilité manifestement irrégulière. Lire en ligne : https://www.lexbase.fr/article-juridique/61695751-breves-banqueroute-caracterisation-de-lelement-intentionnel-pour-absence-de-comptabilite-ou-tenue-du
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par Vincent Téchené

le 16 Décembre 2020

► Il résulte des article L. 654-2, 4° et 5° du Code de commerce (N° Lexbase : L3433IC7) et 121-3 du Code pénal (N° Lexbase : L2053AMY) que la caractérisation de l’élément intentionnel des délits de banqueroute par absence de comptabilité ou tenue d’une comptabilité manifestement irrégulière suppose la seule conscience de son auteur de se soustraire à ses obligations comptables légales ;

Elle n’exige pas la preuve que le prévenu a eu la volonté soit d’éviter ou de retarder la constatation de l’état de cessation des paiements, soit d’affecter la consistance de l’actif disponible dans des conditions de nature à placer l’intéressé dans l’impossibilité de faire face au passif exigible.

Faits et procédure. Le 30 décembre 2008, une SCI a acquis un terrain en vue de la réalisation d’un vaste programme immobilier, financé en totalité par un découvert en compte d’un montant de 1 400 000 euros. Le 4 juin 2012, l’un des actionnaires de la SCI, a déposé plainte contre X auprès du procureur de la République pour abus de confiance. Il a reproché aux dirigeants de la SCI, d’avoir détourné une partie de la trésorerie au profit d’un groupe, dont ils assuraient également la direction. Le 15 octobre 2013, une procédure de redressement judiciaire a été ouverte au profit de la SCI, la date de cessation des paiements étant fixée au 13 septembre 2013. L’administrateur provisoire a transmis au procureur de la République le rapport d’expertise comptable établi par un cabinet, désigné par le tribunal dans le cadre de cette procédure, certaines irrégularités constatées par l’expert lui paraissant relever d’une qualification pénale. À l’issue des investigations, les dirigeants ont été poursuivis devant le tribunal correctionnel, en qualité de dirigeants de fait ou de droit de la SCI, des chefs de banqueroute par emploi de moyens ruineux, tenue irrégulière de comptabilité et absence de comptabilité.

Les juges du premier degré ont alors fixé la date de cessation des paiements au 21 mai 2012 et reconnu les prévenus coupables du délit de banqueroute pour les faits commis à compter de cette date. Les prévenus ayant été relaxés par la cour d’appel, un pourvoi a été formé.

Décision. Énonçant la solution précitée, la Haute juridiction relève que, pour relaxer les prévenus du chef de banqueroute par tenue d’une comptabilité irrégulière et absence de comptabilité, l’arrêt a constaté la tenue irrégulière de la comptabilité de la SCI en 2011 et l’absence de comptabilité de la société en 2012 et 2013. Il énonce alors que l’absence totale de comptabilité de la société en 2012 et 2013 s’inscrit dans un contexte de conflit entre les associés qui a notamment entraîné la démission de l’expert-comptable. En outre, la cour d’appel a retenu qu’elle ne disposait d’aucun élément permettant de considérer que les irrégularités comme le défaut de comptabilité auraient eu lieu dans le but poursuivi par les prévenus de retarder la constatation de l’état de cessation des paiements ou d’affecter l’actif de la SCI dans des conditions qui allaient la mettre dans l’impossibilité de faire face au passif exigible.

Les juges du fond ajoutent que l’historique de la société, l’implication des prévenus et de leurs épouses, l’argent qu’ils ont perdu dans cette opération immobilière, leur personnalité (tous deux se présentant avec un casier judiciaire vierge en dépit d’une longue expérience d’associé ou de gérant de société), et la poursuite de l’activité de la SCI, qui a respecté le plan de redressement mis en place, sont autant d’éléments qui se heurtent à la thèse selon laquelle ils auraient eu l’intention de maintenir artificiellement l’activité de celle-ci avant la date de cessation des paiements telle que fixée par le tribunal de grande instance.

La Chambre criminelle censure donc l’arrêt d’appel sur ce point : en prononçant ainsi, la cour d’appel a violé les articles L. 654-2, 4° et 5° du Code de commerce et 121-3 du Code pénal.

Dans cet arrêt, la Cour de cassation rappelle par ailleurs qu’il ne saurait être fait grief à la cour d’appel d’avoir retenu la date de cessation des paiements fixée par le jugement d’ouverture de la procédure collective. En effet si la cessation des paiements, constatée par le jugement d’ouverture d’une procédure de redressement ou de liquidation judiciaire, est une condition préalable nécessaire à l’exercice de poursuites des chefs de banqueroute par emploi de moyens ruineux, tenue d’une comptabilité manifestement irrégulière ou absence de comptabilité, sa date est sans incidence sur la caractérisation de ces délits, qui peuvent être retenus indifféremment pour des faits commis antérieurement ou postérieurement à la cessation des paiements.

Pour aller plus loin : v. ÉTUDE : Les règles spéciales à la banqueroute, Art. L. 654-2, 5° : la tenue d'une comptabilité incomplète ou irrégulière au regard des dispositions légales (N° Lexbase : E9048EPS) et L'absence de comptabilité (N° Lexbase : E9051EPW), in Entreprises en difficulté, Lexbase.

 

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