Le Quotidien du 1 décembre 2020 : Fonction publique

[Brèves] Affaire « Zecler » : les policiers peuvent-ils être révoqués ? – le point sur la révocation des fonctionnaires

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[Brèves] Affaire « Zecler » : les policiers peuvent-ils être révoqués ? – le point sur la révocation des fonctionnaires. Lire en ligne : https://www.lexbase.fr/article-juridique/61676986-breves-affaire-zecler-les-policiers-peuventils-etre-revoques-le-point-sur-la-revocation-des-fonction
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par Yann Le Foll

le 30 Novembre 2020

Lors d’une prise de parole, le ministre de l’Intérieur, Gérald Darmanin, s’exprimait en ces termes : « Ces images sont inqualifiables, extrêmement choquantes. Dès que j'en ai pris connaissance, j'ai demandé la suspension des trois policiers. Dès que les faits seront établis par la justice, je demanderai également leur révocation. Ils ne devront plus porter cet uniforme, ils ont sali l'image de la République. Je dis aux policiers et gendarmes que je les soutiens sans faille, mais la contrepartie, c'est le respect absolu des règles de la République. Quand ils les enfreignent, ils doivent être punis par la justice ».

Qu’est-ce que la sanction de révocation ? 

La révocation du fonctionnaire titulaire appartient au quatrième groupe de sanctions qui lui sont applicables, celles de la plus grande sévérité qui sanctionnent les manquements à la déontologie et les comportements qui nuisent à la réputation de l’administration (loi n° 84-16, du 11 janvier 1984, portant dispositions statutaires relatives à la fonction publique de l'Etat, art. 66 et 67 N° Lexbase : L7077AG9). L’agent n’a alors droit à aucune indemnité. Il n'a pas non plus droit au versement d'une pension de retraite s'il ne justifie pas d'au moins deux ans de services effectifs.

Préalablement au prononcé de la sanction, l'agent faisant l'objet de poursuites disciplinaires a droit à la communication intégrale de son dossier. Il peut aussi choisir un ou plusieurs défenseurs de son choix devant le conseil de discipline, dont la consultation préalable par l'administration est obligatoire. Celle-ci n'est toutefois pas tenue de suivre l'avis rendu et peut opter pour une sanction plus sévère. La décision de sanction peut être attaquée dans les deux mois devant le tribunal administratif (décret n° 84-961, du 25 octobre 1984, relatif à la procédure disciplinaire concernant les fonctionnaires de l'Etat N° Lexbase : L1001G8L).

Qu’en dit la jurisprudence ? 

Est ainsi justifiée une sanction de révocation pour un fonctionnaire assistant social à la direction d'une entreprise, ayant eu une relation sexuelle avec une salariée de cette entreprise alors en situation de vulnérabilité, à son domicile, après avoir établi avec elle un dossier concernant la situation personnelle de cette dernière (CE 2 ch., 27 mars 2020, n° 427868, mentionné aux tables du recueil Lebon N° Lexbase : A42563KT). Il en est de même pour un chef de la police municipale ayant procédé pendant à son service à la consultation de sites pornographiques représentant un total de 43 heures 15, soit une moyenne de 7 heures par journée et ce pendant plusieurs heures consécutives le plus souvent (CAA Lyon, 20 octobre 2020, n° 19LY00222 N° Lexbase : A49773ZD), ou pour un agent exerçant ses fonctions à la direction des espaces verts de la commune dans des lieux ouverts à tous publics et qui accueillent régulièrement de jeunes stagiaires mineurs, condamné pour avoir détenu, diffusé et partagé, depuis son ordinateur personnel situé à son domicile, des images présentant un caractère pornographique impliquant un mineur (CAA Lyon, 3ème ch.,6 février 2020, n° 18LY01143 N° Lexbase : A36483ET). 

Les faits sanctionnables peuvent s’être déroulés en dehors de tout cadre professionnel (TA Paris, 27 mars 2019, n° 1816579 N° Lexbase : A59733YU). La sanction de révocation étant la plus lourde applicable au fonctionnaire, elle ne doit pas se baser sur des témoignages imprécis ou relever des faits d’une insuffisante gravité (CAA Douai, 25 juin 2020, n° 18DA02577 N° Lexbase : A25533RY). Peuvent aussi être pris en compte la manière de servir de l'intéressé ainsi que de son absence d'antécédents judiciaires ou disciplinaires (CAA Paris, 25 septembre 2020, n° 19PA01719 N° Lexbase : A13753WT), ainsi que son état de santé si celui-ci est de nature à altérer son discernement (CE, 15 octobre 2020, n° 438488 N° Lexbase : A98593XG). 

En sens inverse, de précédents faits à charge peuvent être retenus pour appuyer la sanction de révocation (CAA Douai, 3ème ch., 22 octobre 2020, n° 19DA00942 N° Lexbase : A5355344). 

La sanction de révocation peut-elle être annulée ? 

Le juge saisi doit rechercher si les faits reprochés à un agent public ayant fait l'objet d'une sanction disciplinaire sont matériellement établis et constituent des fautes de nature à justifier une sanction et si la sanction retenue est proportionnée à la gravité de ces fautes (CAA Bordeaux, 3e, 30 novembre 2017, n° 15BX03674 N° Lexbase : A9944W3P).

En cas d’annulation de la mesure de révocation ou de mise à la retraite d’office, le juge pourra enjoindre à l’administration de réintégrer l’agent (juridiquement et matériellement). S’agissant d’une illégalité fautive et selon le motif d’annulation, la responsabilité de la personne publique employeur est susceptible d’être engagée. Toutefois, dans un arrêt rendu le 5 octobre 2016, le Conseil d'Etat a indiqué qu'en cas d'annulation de la décision de révocation d'un agent avec suspension de ses droits à pension, le préjudice peut être non indemnisable compte tenu des motifs d'annulation de la sanction, en particulier si l'agent avait commis des fautes dont la gravité était suffisante pour justifier son éviction définitive du service (CE 3° et 8° ch.-r., 5 octobre 2016, n° 380783, mentionné aux tables du recueil Lebon N° Lexbase : A9870R4C). 

Suite de l’affaire

Les quatre policiers ont été mis en examen, dont trois pour « violences volontaires par personne dépositaire de l'autorité publique (PDAP) » et « faux en écriture publique », conformément aux réquisitions du parquet de Paris annoncées par le procureur de la République Rémy Heitz lors de sa conférence de presse du dimanche 29 novembre. Deux policiers ont été placés en détention et les deux autres laissés sous contrôle judiciaire.

Pour aller plus loin : v. ÉTUDE : La fin de carrière des fonctionnairesLa révocation et la mise à la retraite d’office, in Droit de la fonction publique (N° Lexbase : E07703L4)

 

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