La lettre juridique n°844 du 19 novembre 2020 : Responsabilité

[Brèves] Préjudice moral de l’enfant conçu : alignement de la Chambre criminelle sur la position de la deuxième chambre civile

Réf. : Cass. crim., 10 novembre 2020, n° 19-87.136, FS-P+B+I (N° Lexbase : A512734N)

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par Claire-Anne Michel, Maître de conférences, Université Grenoble-Alpes, Centre de recherches juridiques (CRJ)

le 18 Novembre 2020

► Le préjudice moral de l’enfant conçu avant l’accident ayant causé le décès de son père, mais né après cet accident, est réparable ; la Chambre criminelle s’aligne ainsi sur la position dorénavant adoptée par la deuxième chambre civile.

Faits et procédure. En l’espèce, la concubine d’une personne décédée à la suite d’un accident de la circulation s’est constituée partie civile en son nom personnel et en qualité de représentante légale de son enfant conçu avant le décès. Les juges du fond condamnèrent le responsable de l’accident à réparer le préjudice moral de l’enfant mineur du fait du décès accidentel de son père survenu avant sa naissance et usèrent, semble-t-il, de propos généraux en évoquant « l’enfant » et non « l’enfant conçu ». Et c’est contre cette généralité que s’est élevé le pourvoi, considérant que « l’enfant qui n’est pas encore conçu au moment de l’accident dont son père a été victime ne saurait obtenir par principe réparation d’un préjudice moral par ricochet ».

Solution. La Chambre criminelle rejette le pourvoi et approuve les juges du fond d’avoir déduit de différents éléments (conception de l’enfant avant le décès, l’existence d’un concubinage entre les parents, la douleur pour l’enfant du fait de l’absence du père) que « le préjudice moral de l’enfant est caractérisé ainsi qu’un lien de causalité entre le décès accidentel et ce préjudice ».

L’arrêt témoigne d’un alignement de la Chambre criminelle sur la position adoptée par la deuxième chambre civile de la Cour de cassation depuis un arrêt de revirement du 14 décembre 2017 (Cass. civ. 2, 14 décembre 2017, n° 16-26.687 N° Lexbase : A3674W79 ; cf. H. Conte, Le droit à la réparation du préjudice moral de l'enfant à naître, Lexbase, Droit privé, janvier 2018, n° 726 N° Lexbase : N2094BXT). En effet, par le passé, la Cour de cassation refusait d’admettre la réparation du préjudice moral de l’enfant né après le décès de son père, en raison de l’absence de lien de causalité entre le fait dommageable à l’origine du décès et le préjudice moral allégué par l’enfant né postérieurement (Cass. civ. 2, 24 février 2005, n° 02-11.999, FP-P+B+I N° Lexbase : A8547DGN), même si le demandeur était conçu au jour de l’accident (Cass. civ. 2, 4 novembre 2010, n° 09-68.903, FS-P+B N° Lexbase : A5619GDH). Désormais, un lien de causalité entre le décès et le préjudice peut être caractérisé ; l’enfant conçu avant mais né après l’accident ayant coûté la vie à son père peut obtenir réparation de son préjudice moral.

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