La lettre juridique n°844 du 19 novembre 2020 : Assurances

[Brèves] Pertes d’exploitation, assurance et confinement : la clause d’exclusion de garantie jugée valide par les juges lyonnais !

Réf. : T. com. Lyon, 4 novembre 2020, aff. n° 2020J00525 (N° Lexbase : A061734M)

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[Brèves] Pertes d’exploitation, assurance et confinement : la clause d’exclusion de garantie jugée valide par les juges lyonnais !. Lire en ligne : https://www.lexbase.fr/article-juridique/61440982-breves-pertes-dexploitation-assurance-et-confinement-la-clause-dexclusion-de-garantie-jugee-valide-p
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par Anne-Lise Lonné-Clément

le 18 Novembre 2020

► L’ampleur d’une épidémie ne se situe pas forcément et systématiquement à un niveau territorialement étendu ; la fermeture administrative d’un seul établissement pour cause d’épidémie au sein d’un département peut ainsi constituer une mesure plausible et cohérente, donc un fait probable, en réponse à une épidémie dont la source est localement identifiée et potentiellement circonscrite ;

► la clause d’exclusion afférente à l’extension de garantie relative aux pertes d’exploitations consécutives à une fermeture administrative pour cause d’épidémie trouve alors son sens en ce que l’assureur exclut de sa couverture le cas des fermetures administratives pour cause d’épidémies dont l’ampleur dépasse le spectre de l’établissement assuré, mais que cependant le risque couvert demeure et se limite au cas où la cause n’engendre que la fermeture du seul établissement de l’assuré ; ladite clause a bien un caractère limité et ne vide pas la garantie principale de sa substance ; elle est alors jugée applicable en l’espèce.

Le contrat et la clause d’exclusion. Le restaurateur avait souscrit un contrat d’assurance multirisque professionnelle ; celui-ci comportait dans ses conditions particulières une extension de la garantie « perte d’exploitation » dans le cas d’une fermeture administrative de l’établissement de l’assuré en raison d’une maladie contagieuse, d’un meurtre, d’un suicide, d’une épidémie ou d’une intoxication.

Le contrat prévoyait une clause d’exclusion, en vertu de laquelle cette garantie n’est pas mobilisable si un autre établissement, dans le même département, fait aussi l’objet d’une fermeture administrative pour des cause identiques.

Question soulevée : validité et opposabilité de la clause d’exclusion ? Le restaurateur contestait que ladite clause d’exclusion lui soit opposée et considérait que l’assureur avait l’obligation de garantir le sinistre dûment déclaré, dès lors que son établissement avait fait l’objet d’une fermeture administrative ; il fondait principalement ses prétentions au visa de l’article 1170 du Code civil (N° Lexbase : L0876KZH) et sur les décisions jurisprudentielles, et soutenait que la clause d’exclusion vidait la garantie essentielle de sa substance ; qu’étant sujette à être interprétée, celle-ci n’était ni formelle, ni limitée, qu’elle devait être considérée comme non écrite.

Signification et portée du mot « épidémie ». Pour répondre à la question soulevée, le tribunal a commencé par se livrer à une analyse extrêmement détaillée quant à la signification et la portée du mot « épidémie », afin de déterminer si la notion d’épidémie peut n’être circonscrite qu’à un seul établissement, sans affecter automatiquement d’autres établissements dans le même département et entraîner inexorablement une fermeture collective. Il conclut de l’ensemble des précisions qu’il a pu relever qu’elles traduisent une information sur la réalité des différentes formes qu’elle peut revêtir, qu’ainsi la notion de propagation d’une maladie est relative et peut couvrir une très large échelle dans la gradation de sa diffusion ; il en résulte que l’ampleur d’une épidémie ne se situe pas forcément et systématiquement à un niveau territorialement étendu.

Sur la garantie « perte d’exploitation » et la portée de la clause d’exclusion. C’est sur la base de cette analyse du terme « épidémie » que le tribunal relève, ensuite, que la cause « épidémie » figurant dans le contrat comme cause de fermeture administrative n’est accompagnée d’aucune précision ou observation quant à sa portée, elle doit en conséquence être nécessairement considérée dans son sens général, c’est-à-dire dans la globalité et l’entièreté de sa définition ; cette démarche ne constitue pas une interprétation mais le respect d’une réalité. Au regard des développements précédents, la fermeture administrative d’un seul établissement pour cause d’épidémie au sein d’un département peut constituer une mesure plausible et cohérente, donc un fait probable, en réponse à une épidémie dont la source est localement identifiée et potentiellement circonscrite. Le tribunal relève, alors, que la clause d’exclusion afférente à l’extension de garantie « perte d’exploitation » trouve son sens en ce que l’assureur exclut de sa couverture le cas des fermetures administratives pour cause d’épidémies dont l’ampleur dépasse le spectre de l’établissement assuré, mais que cependant le risque couvert demeure et se limite au cas où la cause n’engendre que la fermeture du seul établissement de l’assuré. De ce fait, ladite clause a bien un caractère limité et ne vide pas la garantie principale de sa substance, qu’ainsi les conditions de l’article 1170 du Code civil ne sont pas remplies.

Le tribunal juge, enfin, que le caractère formel de la clause d’exclusion est établi ; en effet, il relève que la clause d’exclusion figure en page 11 des conditions particulières en lettres majuscules ; elle exprime clairement que le risque perte d’exploitation pour fermeture administrative est exclu lorsqu’au moins un autre établissement dans le département est aussi fermé pour une cause identique ; il n’apparait pas, à sa lecture, qu’une interprétation soit nécessaire pour en définir le sens et en apprécier la portée ; en outre, le mot « épidémie » n’y figure pas.

C’est alors que le tribunal estime, au regard des développements qui précèdent, que l’existence d’un doute dans la portée de la clause d’extension de la garantie « perte d’exploitation » et de la clause d’exclusion afférente n’est dès lors pas démontrée, et qu’il n’y a donc pas lieu de déclarer la clause d’exclusion nulle et non écrite.

Dans le même sens : la décision ainsi rendue par le tribunal de commerce de Lyon rejoint celle rendue par le tribunal de commerce de Toulouse, jugeant également applicable la clause d’exclusion de garantie : cf. T. com. Toulouse, 18 août 2020, aff. n° 2020J00294 (N° Lexbase : A15843SH).

En sens contraire : les jugements rendus par les tribunaux de commerce de Lyon et Toulouse s’inscrivent, en revanche, en sens contraire, des décisions rendues par le tribunal de commerce de Paris qui a jugé que la clause d’'exclusion de garantie qui prévoit que la garantie perte d’exploitation n'est pas due lorsque « ( ... ) à la date de la décision de fermeture, au moins un autre établissement, quelle que soit sa nature et son activité, fait l'objet, sur le même territoire départemental que celui de l'établissement assuré, d'une mesure de fermeture administrative, pour une cause identique » ne peut valablement être opposée par l'assureur en ce qu'elle n’est pas « limitée » et vide ainsi la garantie de sa substance en application de l'article L. 113-1 du Code des assurances (N° Lexbase : L0060AAH) (Réf. : T. com. Paris, 17 septembre 2020, cinq jugements, aff. n° 2020022823 (N° Lexbase : A20793UK), aff. n° 2020022825 (N° Lexbase : A20803UL), aff. n° 2020022816 (N° Lexbase : A20813UM), aff. n° 2020022819 (N° Lexbase : A20823UN), aff. n° 2020022826 (N° Lexbase : A20833UP).

Sur l’ensemble des décisions déjà rendues, cf. V. Morales, La garantie pertes d’exploitation des restaurateurs en temps de Covid-19 : tour de table des premières décisions !, Lexbase, Droit privé, octobre 2020, n° 840 (N° Lexbase : N4918BYS).

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