Réf. : CE, avis, 2 octobre 2020, n° 436934, publié au recueil Lebon (N° Lexbase : A72333WS)
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par Arnaud Le Gall, Maître de conférences en droit public à l’Université de Caen-Normandie, Centre Maurice Hauriou (Université Paris V- Descartes) et directeur scientifique de l'Encyclopédie "Droit de l'urbanisme"
le 18 Novembre 2020
Mots clés : recours contre une autorisation d'urbanisme • office du juge •vice de légalité externe • vice de légalité interne
Les vices de légalité externe entachant un document d'urbanisme sont étrangers aux règles d'urbanisme applicables à un projet, sauf s'ils ont exercé une influence directe sur les règles applicables.
La jurisprudence fiscale du Conseil d’État ne manque pas de subtilités et celui-ci n’ignore pas comment modifier la règle de droit en fonction des considérations du moment et, en particulier, de l’intérêt de l’administration. Mais elle ferait presque pâle figure, dans certaines hypothèses, en comparaison de la complexité de la jurisprudence en matière d’urbanisme. Ce constat sévère doit être nuancé par l’intervention souvent peu cohérente du législateur en la matière. Force est de constater que ces interventions ne font que renforcer l’instabilité de cette branche du droit et conduisent la Haute juridiction à élaborer des solutions de plus en plus complexes. Toutefois, il est au moins une tendance générale qu’on peut identifier et qu’on retrouve indiscutablement comme une ligne de force au travers de la jurisprudence récente et, notamment, de l’avis du 2 octobre 2020 : il s’agit de la politique visant à réduire, par tous les moyens, les possibilités d’annulation des autorisations d’urbanisme. Réduction, de l’intérêt pour agir, limitation de la possibilité d’invoquer les moyens, élargissement des possibilités de régularisation des autorisations illégales. De manière plus générale et, disons-le, inquiétante, tout semble fait pour réduire la fonction d’annulation du juge administratif, comme s’il s’agissait pour lui de se défaire de son rôle de gardien de la légalité pour endosser progressivement celui d’un guide bienveillant de l’action administrative, le spectre de l’annulation se faisant de plus en plus lointain. Les distinctions des plus subtiles auxquelles se livre le Conseil d’État dans le présent avis semblent confirmer cette lente mue de la juridiction administrative. Devant la complexité de l’avis, on n’a d’autre choix que le suivre ligne à ligne : on se propose donc de progresser avec le lecteur dans les méandres de la question des conséquences de l’illégalité du document d’urbanisme sur les autorisations qui ont été délivrées sur son fondement.
1 - Ainsi qu’on le faisait remarquer plus haut, l’intervention du législateur dans le droit de l’urbanisme ne produit pas toujours les résultats les plus cohérents. L’introduction de l’article L. 600-12 (N° Lexbase : L0030LNG) par la loi « ELAN » du 23 novembre 2008 (loi n° n° 2018-1021, portant évolution du logement, de l'aménagement et du numérique N° Lexbase : L8700LM8) en est une illustration. Depuis cette loi, l’article L. 600-12 du Code de l'urbanisme dispose que : « Sous réserve de l'application des articles L. 600-12-1 (N° Lexbase : L9806LM7) et L. 442-14 (N° Lexbase : L0933LNU), l'annulation ou la déclaration d'illégalité d'un schéma de cohérence territoriale, d'un plan local d'urbanisme, d'un document d'urbanisme en tenant lieu ou d'une carte communale a pour effet de remettre en vigueur le schéma de cohérence territoriale, le plan local d'urbanisme, le document d'urbanisme en tenant lieu ou la carte communale immédiatement antérieur ».
Dans un premier temps, la jurisprudence considérait que l’annulation de la délibération approuvant un POS [1] ou décidant de sa mise en application anticipée [2] n’avait pas pour effet de remettre en vigueur le plan immédiatement antérieur. L’annulation de la révision d’un POS avait ainsi pour effet de rendre de nouveau applicables, sur le territoire de la commune, les dispositions du code de l'urbanisme dont l'application était exclue du fait de l'existence d'un plan d'occupation des sols opposable aux tiers [3].
2 - L’article 1er de la n° 94-112 du 9 février 1994, portant diverses dispositions en matière d'urbanisme et de construction (N° Lexbase : L8040HHA), est venu contrarier cette jurisprudence en prévoyant désormais que « l'annulation ou la déclaration d'illégalité d'un schéma directeur, d'un plan d'occupation des sols ou d'un document d'urbanisme en tenant lieu a pour effet de remettre en vigueur le schéma directeur, le plan d'occupation des sols ou le document d'urbanisme en tenant lieu immédiatement antérieur ». Dès lors l’annulation du document d’urbanisme a pour effet de faire revivre le document antérieur [4].
Le Conseil d’État juge ainsi au visa de l’article L. 600-12, qui a repris cette règle, que « lorsque le plan local d'urbanisme a été annulé, l'autorité chargée de délivrer des autorisations d'utilisation des sols doit se fonder, pour statuer sur les demandes dont elle est saisie, sur les dispositions pertinentes du document immédiatement antérieur ou, dans le cas où celles-ci seraient elles-mêmes affectées d'une illégalité dont la nature ferait obstacle à ce qu'il en soit fait application, sur le document encore antérieur ou, à défaut, sur les règles générales fixées par les articles L. 111-1 et suivants et R. 111-1 et suivants du Code de l'urbanisme » [5]. L’annulation du plan local, d’urbanisme doit donc conduire, dans un premier temps, l’administration à faire application du document antérieur. Toutefois, le législateur n’a pas envisagé l’hypothèse dans laquelle ce document serait lui-même entaché d’illégalité. La solution est alors à double détente : en cas d’illégalité du document antérieur, celui-ci doit être écarté au profit du document précédent. Si ce dernier n’existe pas ou, s’il est lui-même illégal, on fera alors application du règlement national d’urbanisme ce qui nous ramène finalement à la jurisprudence antérieure à la loi du 9 février 1994.
Solution à conjuguer avec l’article L. 174-6 du Code de l’urbanisme (N° Lexbase : L9971LMA), toujours issu de la loi « ELAN », dont il ressort que la remise en vigueur, prévue par l'article L. 600-12 du Code de l'urbanisme, d'un plan d'occupation des sols immédiatement antérieur au plan local d'urbanisme, au document d'urbanisme en tenant lieu ou à la carte communale annulé ou déclaré illégal ne rend celui-ci à nouveau applicable que pour une durée de vingt-quatre mois à compter de la décision d'annulation ou de la déclaration d'illégalité [6].
3 - Reprenons et passons aux conséquences de l’illégalité du document d’urbanisme sur les autorisations qui ont été délivrées sur son fondement, antérieurement à la reconnaissance de cette illégalité. Aux termes de l'article L. 600-12-1 du Code de l'urbanisme, dans sa rédaction issue de cette même loi : « L'annulation ou la déclaration d'illégalité d'un schéma de cohérence territoriale, d'un plan local d'urbanisme, d'un document d'urbanisme en tenant lieu ou d'une carte communale sont par elles-mêmes sans incidence sur les décisions relatives à l'utilisation du sol ou à l'occupation des sols régies par le présent code délivrées antérieurement à leur prononcé dès lors que ces annulations ou déclarations d'illégalité reposent sur un motif étranger aux règles d'urbanisme applicables au projet.
Le présent article n'est pas applicable aux décisions de refus de permis ou d'opposition à déclaration préalable. Pour ces décisions, l'annulation ou l'illégalité du document d'urbanisme leur ayant servi de fondement entraîne l'annulation de ladite décision ».
Deux solutions se dégagent.
La première, sur laquelle on pourra passer rapidement, concerne les refus d’autorisation. Dès lors qu’il s’agit de décisions négatives qui, par nature, n’ont pas provoqué de modifications de l’état des lieux puisqu’elles ont eu pour seul effet d’interdire la réalisation de l’opération prévue par le pétitionnaire, l’annulation ou l’illégalité du document d’urbanisme les prive de fondement juridique. A charge donc pour le pétitionnaire qui le désire de produire une demande nouvelle à laquelle l’administration ne pourra opposer les motifs de la première décision qui a disparu avec le document d’urbanisme.
La deuxième solution est évidemment plus complexe puisqu’elle suppose que le pétitionnaire a été en mesure de réaliser le projet autorisé. La jurisprudence a toujours dissocié soigneusement le document d’urbanisme des autorisations prises sur sa base, tant pour garantir une certaine sécurité juridique aux titulaires d’autorisations que pour ne pas se trouver piégée par un processus d’annulation automatique. Le Conseil d’État s’appuie toujours sur certains arcs-boutants discrets mais permanents qui soutiennent sa jurisprudence. L’un d’entre eux consiste à éviter à tout prix les mécanismes en cascade qui pourrait le priver de tout pouvoir d’appréciation.
4 - Il est donc de jurisprudence constante que le permis de construire ne constitue pas un acte d’application du document d’urbanisme. Par conséquent, la seule annulation d’un plan local d’urbanisme n’entache automatiquement pas d’illégalité les autorisations délivrées sur sa base. Le Conseil d’État s’évertuait donc à apprécier le lien entre l’annulation et l’autorisation : c’est ainsi que le permis de construire accordé en application de ces dispositions jugées illégales et spécialement édictées pour rendre possible l'opération litigieuse, doit être annulé par voie de conséquence, compte tenu du lien existant entre les deux actes [7]. L’autorisation n’est donc pas un acte d’application de la réglementation locale d’urbanisme : « si le permis de construire ne peut être délivré que pour un projet qui respecte la réglementation d'urbanisme en vigueur, il ne constitue pas un acte d'application de cette réglementation » [8].
L’illégalité du document d’urbanisme ne déteint donc pas mécaniquement sur l’autorisation et un requérant ne peut utilement se borner à invoquer cette illégalité à l’appui d’un recours dirigé contre un permis. Toutefois, la remise en vigueur du document antérieur, lui permet de soutenir que le permis a été délivré sous l'empire d'un document d'urbanisme annulé et de faire valoir en outre qu’il méconnaît les dispositions pertinentes remise en vigueur, solution qui s’applique sous réserve, en ce qui concerne les vices de forme ou de procédure, des dispositions de l'article L. 600-1 [9].
5 - L’avis du 20 octobre 2020 vient préciser, si l’on ose employer ce verbe, la complication apportée depuis la loi « ELAN » par l’article L. 600-12-1. Celui-ci opère une dissociation reposant sur les motifs d’annulation du plan lorsque le requérant soutient que l’autorisation a été accordée sur le fondement de règles elles-mêmes illégales. Ainsi que le relève le Conseil d’État : « l'annulation ou la déclaration d'illégalité d'un document local d'urbanisme n'entraîne pas l'illégalité des autorisations d'urbanisme délivrées lorsque cette annulation ou déclaration d'illégalité repose sur un motif étranger aux règles d'urbanisme applicables au projet en cause ».
On doit donc comprendre, au premier abord, que si l’annulation du plan a été fondée sur un motif tenant à l’illégalité de règles qui n’ont pas été appliquées à l’autorisation, celle-ci échappe aux conséquences éventuelles de cette illégalité et le moyen tiré de cette illégalité est inopérant. Par conséquent, si des règles de fond ont été déclarées illégales, cette illégalité est sans conséquence sur la légalité de l’autorisation dès lors qu’elles ne s’appliquaient pas au projet. Par exemple, si des dispositions relatives à la hauteur des immeubles collectifs sont déclarées illégales, cette illégalité est sans conséquences sur la légalité d’un permis de construire délivré pour la construction d’une maison individuelle. La formule retenue par le Conseil pour les vices de légalité interne est curieuse. L’avis relève : « En revanche, sauf s'il concerne des règles qui ne sont pas applicables au projet, un vice de légalité interne ne leur est pas étranger ». On aurait pu s’attendre à une formulation positive plutôt que négative.
Le Conseil opère une distinction entre les motifs d’illégalité externe et les motifs d’illégalité interne. Un motif d’illégalité externe entachant le plan est, a priori, sans incidence sur l’autorisation, ce qui peut sembler logique au vu de la différence entre la légalité externe et la légalité interne. Réserve cependant doit être faite des cas dans lesquels le motif d’illégalité externe a « été de nature à exercer une influence directe sur les règles applicables au projet ». Cette expression, qui impose l’existence d’une influence directe et renforce, s’il en était besoin le pouvoir d’interprétation du Conseil d’État en la matière, reste peu concrète mais on peut imaginer que certains défauts de consultation entachant l’élaboration du plan pourraient être considérés comme ayant une influence directe sur les règles de fond. À ce sujet, le rapporteur public précise qu’il peut s’agir : « notamment d’hypothèses dans lesquels les vices de légalité externe ont une forte adhérence avec les règles de fond ou une résonnance particulière sur le zonage du document. À titre d’exemple, l’insuffisance de l’évaluation environnementale peut avoir eu une incidence sur le classement de certaines parcelles ou des modifications irrégulièrement intervenues postérieurement à l’enquête publique peuvent être susceptibles d’affecter les règles de fond concernées, comme le montrent les faits à l’origine du litige ».
Qu’il s’agisse d’illégalité interne ou externe du document d’urbanisme, en tout état de cause, « Il appartient au juge, saisi d'un moyen tiré de l'illégalité du document local d'urbanisme à l'appui d'un recours contre une autorisation d'urbanisme, de vérifier d'abord si l'un au moins des motifs d'illégalité du document local d'urbanisme est en rapport direct avec les règles applicables à l'autorisation d'urbanisme ». La notion de « motif étranger » repose donc sur le critère du « rapport direct » existant entre le ou les motifs d’illégalité du document et les règles applicables à l’autorisation. Ce qui ouvre la porte à une jurisprudence qui, n’en doutons pas, ne manquera pas de subtilité. Si le juge constate l’absence d’un « rapport direct » entre l’illégalité et le document d’urbanisme, la jurisprudence « Comme de Courbevoie » [10] ne s’applique plus : l’autorisation n’étant pas affectée par l’illégalité du plan, il n’y a pas lieu de pousser plus avant et la légalité de l’autorisation ne pourra être appréciée qu’au regard des seuls vices propres de l’acte et non pas des vices qui entachent le plan.
6 - Toutefois, l’existence d’un « rapport direct » ne suffit pas à établir un lien mécanique entre l’illégalité du plan et celle de l’autorisation. En effet, il faut faire application de l’article L. 600-12 et apprécier les conséquences de la remise en vigueur du document d’urbanisme antérieur sur l’autorisation d’urbanisme.
L’hypothèse est donc la suivante : « le document local d'urbanisme sous l'empire duquel a été délivrée l'autorisation contestée est annulé ou déclaré illégal pour un ou plusieurs motifs non étrangers aux règles applicables au projet en cause ». Dans cette hypothèse, l’illégalité de l’autorisation n’est donc pas automatique et on doit se poser la question suivante : par rapport à quel document d’urbanisme le juge doit-il apprécier la légalité de l’autorisation ? Pour répondre à cette question, le Conseil d’État a recours à une notion plastique qui lui permet d’opérer tous les découpages, tant matériels que géographiques, qui peuvent s’avérer nécessaires pour sauver l’autorisation : le caractère divisible du document ou du territoire.
La notion de divisibilité est récurrente dans la jurisprudence.
C’est ainsi que l’interdiction faite à l’autorité administrative de ne pas appliquer un règlement illégal « trouve à s'appliquer, en l'absence même de toute décision juridictionnelle qui en aurait prononcé l'annulation ou les aurait déclarées illégales, lorsque les dispositions d'un document d'urbanisme, ou certaines d'entre elles si elles en sont divisibles, sont entachées d'illégalité, sauf si cette illégalité résulte de vices de forme ou de procédure qui ne peuvent plus être invoqués par voie d'exception en vertu de l'article L. 600-1 du Code de l'urbanisme » [11]. Les dispositions illégales divisibles doivent donc être écartées par l’autorité administrative « sans qu'il y ait lieu de distinguer selon que l'illégalité en cause affecterait ou non des dispositions spécialement édictées pour permettre l'opération faisant l'objet de la demande d'autorisation » [12].
De même, le juge peut décider de ne prononcer l'annulation partielle d'une délibération approuvant un plan local d'urbanisme au motif que certaines dispositions divisibles de ce plan sont entachées d'illégalité, cette circonstance ne faisant d’ailleurs pas obstacle à ce que, pour le reste de la délibération, il fasse application des dispositions de l'article L. 600-9 du Code de l'urbanisme [13]. La divisibilité peut également concerner la charte d’un parc naturel régional [14] ou un schéma directeur de région [15].
Sont ainsi divisibles du reste du plan d’occupation des sols, les dispositions relatives au classement de parcelles [16], la disposition prévoyant un emplacement réservé [17]. Sont également divisibles des dispositions du POS des dispositions limitant le droit des propriétaires à disposer de leurs biens [18] celles relatives à la création d’un secteur [19] ou celles qui interdisent les installations d'émetteurs-récepteurs de télétransmission dans les différents secteurs d’une zone U [20].
L’appréciation du caractère divisible des dispositions d’un document d’urbanisme ne repose pas nécessairement sur des critères automatiques : le caractère divisible de dispositions d’un plan d’aménagement de zone limitant les constructions doit s’apprécier « au regard du parti d'aménagement retenu pour l'ensemble de la zone d'aménagement concerté » [21].
La divisibilité s’applique également dans le cadre de l’illégalité externe susceptible d’affecter la légalité d’un document d’urbanisme [22] : est ainsi divisible du POS une disposition prise par une autorité incompétente, « à supposer même qu'elle ne soit entachée d'aucun vice affectant sa légalité interne » [23].
Quant aux autorisations et autres actes d’urbanisme eux-mêmes, ils peuvent également comporter des dispositions divisibles : c’est le cas des permis mais aussi des certificats d’urbanisme [24]. De même, la décision du maire fixant l’alignement est divisible du reste des dispositions de l’arrêté par lequel il statue sur la délivrance d’une autorisation de clôture [25]. Bien entendu, les travaux autorisés par un même permis peuvent être divisibles [26]. Sont également divisibles les dispositions relatives aux contributions exigées des pétitionnaires [27], qu’il s’agisse de la participation d’un lotisseur [28] ou de la contribution pour dépassement du coefficient d’occupation du sol [29] ou de la participation pour non-réalisation d'aires de stationnement [30].
En revanche, ne sont pas divisibles des autres dispositions du permis les conditions mises à l’octroi de ce permis [31], telles que celles relatives à l’aménagement des places de stationnement [32] ou celles relatives à des prescriptions techniques portant sur l’évacuation des eaux pluviales [33]. Une décision de non-opposition à déclaration visant des travaux entièrement soumis à permis de construire est entachée d’une illégalité indivisible, dès lors que le régime de l’autorisation n’est pas conforme au code de l’urbanisme [34].
On notera que la divisibilité des autorisations d’urbanisme présente des limites : si un permis de construire peut comporter des dispositions divisibles relatives à certains immeubles d’un ensemble immobilier, en revanche la conformité de l’autorisation ne peut être appréciée par rapport à l’article L. 146-6, qui limite l’extension de l’urbanisation des espaces proches du rivage, que de manière globale [35]. Dans cette hypothèse, il est inopérant d’invoquer le caractère divisible de l’autorisation. De même, des prévisions figurant dans la décision de création et du plan d'aménagement de zone intéressant la bande littorale de cent mètres qui ne sont pas divisibles de celles relatives à l'ensemble de la zone tombent sous l’illégalité qui entache l’acte de création de la zone d’aménagement concertée, contraire à l’article L. 146-6 du Code de l’urbanisme (N° Lexbase : L3326KGB) [36].
7 - Le Conseil d’État s’appuie donc sur ce critère de la divisibilité pour sauver l’autorisation d’urbanisme. Trois solutions se dégagent :
- « dans le cas où ce ou ces motifs affectent la légalité de la totalité du document d'urbanisme, la légalité de l'autorisation contestée doit être appréciée au regard de l'ensemble du document immédiatement antérieur ainsi remis en vigueur ». Dans cette première hypothèse, qui suppose une illégalité massive du document d’urbanisme interdisant qu’il en subsiste quoi que ce soit, l’autorisation doit donc être confrontée au document précédent.
- « lorsque ce ou ces motifs affectent seulement une partie divisible du territoire que couvre le document local d'urbanisme, ce sont les dispositions du document immédiatement antérieur relatives à cette zone géographique qui sont remises en vigueur ». Le Conseil d’État fait ici application du critère de divisibilité au plan géographique ce qui n’est pas l’hypothèse la plus complexe.
- « si ce ou ces motifs n'affectent que certaines règles divisibles du document d'urbanisme, la légalité de l'autorisation contestée n'est appréciée au regard du document immédiatement antérieur que pour les seules règles équivalentes nécessaires pour assurer le caractère complet et cohérent du document ». L’avis précise « S'agissant en particulier d'un plan local d'urbanisme, une disposition du règlement ou une partie du document graphique qui lui est associé ne peut être regardée comme étant divisible que si le reste du plan forme avec les éléments du document d'urbanisme immédiatement antérieur le cas échéant remis en vigueur un ensemble complet et cohérent. »
Cette hypothèse est la plus complexe et va, notamment, conduire le juge à opérer un contrôle de cohérence entre des versions successives d’un même plan. L’application de l’article 1er de la loi du 9 février 1994 conduisait déjà le juge à opérer ce contrôle de cohérence, le Conseil d’État estimant que « ces prescriptions s'appliquent, que l'annulation ou la déclaration d'illégalité du schéma directeur, du plan d'occupation des sols ou du document d'urbanisme en tenant lieu ait été totale ou partielle, à la condition, dans ce second cas, que les dispositions rendues applicables de ce fait soient compatibles avec les dispositions d'urbanisme maintenues en vigueur » [37].
Le juge va donc devoir procéder à un découpage particulièrement précis des dispositions anciennes remises en vigueur. Il s’agit là d’un travail délicat car ces dernières peuvent contenir des règles incompatibles avec les dispositions du plan actuel qui ne sont pas touchées par l’illégalité partielle de ce document : il appartiendra alors au juge de dissocier, y compris au sein d’un même article du règlement par exemple, les règles qui peuvent bénéficier de cette remise en vigueur et celles qui en sont exclues de par leur contrariété au reste du plan actuel.
Mais c’est, comme il se doit, au requérant d’établir que l’autorisation contestée est contraire aux dispositions du plan remises en vigueur, limitant ainsi le travail du juge en amont. L’avis précise logiquement : « En outre, lorsqu'un motif d'illégalité non étranger aux règles d'urbanisme applicables au projet est susceptible de conduire à remettre en vigueur tout ou partie du document local d'urbanisme immédiatement antérieur, le moyen tiré de l'exception d'illégalité du document local d'urbanisme à l'appui d'un recours en annulation d'une autorisation d'urbanisme ne peut être utilement soulevé que si le requérant soutient également que cette autorisation méconnaît les dispositions pertinentes ainsi remises en vigueur ». Le seul fait d’invoquer la remise en vigueur du document antérieur est donc inopérant : le requérant doit démontrer en quoi l’autorisation est contraire à ces dispositions antérieures, sous réserve toutefois, comme on vient de le voir, que celles-ci soient cohérentes avec les dispositions du plan qui demeurent en vigueur.
[1] CE, 25 novembre 1991, n° 103773 (N° Lexbase : A0068ARX).
[2] CE, 6 avril 1992, n° 104454 (N° Lexbase : A6345ARG).
[3] CE, 27 mai 1994, n° 135410 (N° Lexbase : A1836ASS).
[4] CE, 28 juillet 1995, n° 139725 (N° Lexbase : A5069AN3).
[5] CE, 3 juillet 2020, n° 420346 (N° Lexbase : A62443QC).
[6] CE, 3 avril 2020, n° 436549 (N° Lexbase : A63763KD).
[7] CE, 12 décembre 1986, n° 54701 (N° Lexbase : A4849AMK).
[8] CE, 7 février 2008, n° 297227 (N° Lexbase : A7166D48) ; CE, 8 juin 1990, n° 93191 (N° Lexbase : A5623AQC).
[9] CE, 16 novembre 2009, n° 308623 (N° Lexbase : A7254ENY).
[10] CE, 7 février 2008, n° 297227 (N° Lexbase : A7166D48).
[11] CE, 18 février 2019, n° 414233 (N° Lexbase : A4051YXC) ; CE, 9 mai 2005, n° 277280 (N° Lexbase : A2186DIS).
[12] CE, 9 mai 2005, n° 277280 (N° Lexbase : A2186DIS).
[13] CE, 12 octobre 2016, n° 387308 (N° Lexbase : A8108R7G) ; CE, 17 juillet 2013, n° 350380 (N° Lexbase : A0041KKQ).
[14] CE, 8 février 2012, n° 321219 (N° Lexbase : A3371ICT) ; CE, 27 février 2004, n° 198124 (N° Lexbase : A3545DBW).
[15] CE, 22 février 2002, n° 224624 (N° Lexbase : A1641AYG).
[16] CE, 27 février 1987, n° 74255 (N° Lexbase : A3637APE).
[17] CE, 15 mai 1987, n° 59318 (N° Lexbase : A3741APA).
[18] CE, 28 juin 1996, n° 164480 (N° Lexbase : A9864ANN).
[19] CE, 1er juillet 1998, n° 171733 (N° Lexbase : A7992ASS).
[20] CE, 17 juillet 2013, n° 350380 (N° Lexbase : A0041KKQ).
[21] CE, 18 octobre 2006, n° 264292 (N° Lexbase : A9519DRY).
[22] CE, 26 février 2014, n° 351202 (N° Lexbase : A0997MGZ).
[23] Pour une disposition soumettant à permis de construire « les complexes flottants dont la taille et le volume empêchent toute navigation sous les ponts en période normale des eaux », voir CE, 3 décembre 1993, n° 146710 (N° Lexbase : A1658ANQ).
[24] CE, 21 mai 2012, n° 323882 (N° Lexbase : A0891IMX ; CE, 7 octobre 2010, n° 323882 (N° Lexbase : A0891IMX).
[25] CE, 28 avril 1989, n° 64788 (N° Lexbase : A1939AQU).
[26] CE, 19 juin 2015, n° 387061 (N° Lexbase : A5433NLS).
[27] CE, 8 octobre 1993, n° 61621 (N° Lexbase : A0980ANM) ; CE, 12 février 1988, n° 46403 (N° Lexbase : A7559APN).
[28] CE, 20 octobre 1982, n° 34287 (N° Lexbase : A1418AL4).
[29] CE, 4 novembre 1983, n° 34702 (N° Lexbase : A9294ALS).
[30] CE, 24 mars 2006, n° 261591 (N° Lexbase : A7793DNX).
[31] CE, 20 novembre 1981, n° 22024 (N° Lexbase : A5466AKN).
[32] CE, 14 décembre 1992, n° 106685 (N° Lexbase : A8785ARS).
[33] CE, 12 mai 1993, n° 124936 (N° Lexbase : A9652AMG).
[34] CE, 5 avril 1996, n° 133813 (N° Lexbase : A8620ANL).
[35] CE, 10 mai 1999, n° 140799 (N° Lexbase : A8979ANU).
[36] CE, 4 juillet 1997, n° 152629 (N° Lexbase : A0774AEE).
[37] CE, 13 novembre 2002, n° 185637 ({"IOhtml_internalLink": {"_href": {"nodeid": 1114023, "corpus": "sources"}, "_target": "_blank", "_class": "color-sources", "_title": "CE 1/2 SSR., 13-11-2002, n\u00b0 185637", "_name": null, "_innerText": "N\u00b0\u00a0Lexbase\u00a0: A0811A4S"}}).
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