La lettre juridique n°844 du 19 novembre 2020 : Voies d'exécution

[Brèves] L’importance des diligences de l’huissier : invalidité du titre exécutoire fondant une saisie-attribution faute de signification dans le délai requis

Réf. : CA Versailles, 12 novembre 2020, n° 19/04958 (N° Lexbase : A288434L)

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N5311BYD

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par Alexandra Martinez-Ohayon

le 19 Novembre 2020

► Cet arrêt est l'illustration parfaite de l’importance de vérifier les actes de signification de l’huissier de justice, dès la délivrance de l’assignation, ainsi que la nature du jugement à signifier ; il permet également de faire un rappel sur la prorogation des délais de recours lorsque le destinataire de l’acte est domicilié à l’étranger ; enfin, il illustre le report de l’audience de plaidoirie face à une contestation pour que le dossier soit évoqué selon la procédure sans audience, conformément aux dispositions de l’article 8 de l’ordonnance n° 2020-304 du 25 mars 2020 (N° Lexbase : L5722LWT), prise durant la crise sanitaire liée à l’épidémie de la Covid-19.

Faits et procédure. Dans cette affaire, en 2014, un tribunal de commerce a rendu un jugement condamnant le défendeur à verser certaines sommes à une banque en vertu de ses engagements de caution solidaire au titre de deux prêts. Une saisie-attribution à exécution successive a été pratiquée en 2018 entre les mains de la locataire du débiteur. Ce dernier a assigné la banque devant le juge de l’exécution, pour voir prononcer la nullité de l’acte de signification du jugement ainsi que sa caducité et enfin voir déclarer illicite la saisie-attribution et en ordonner la mainlevée.

Décision du juge de l’exécution. Par jugement, le juge de l’exécution du tribunal de grande instance a déclaré recevable la contestation formée à l’encontre de la saisie-attribution et déclaré irrégulier et nul l’acte de signification de l’huissier de justice. Bien plus, le jugement réputé contradictoire du tribunal de commerce a été déclaré non avenu, en l’absence de signification régulière dans le délai de six mois à compter de son prononcé.

En conséquence, la saisie-attribution a été déclarée nulle et sa mainlevée a été prononcée.

La banque a interjeté appel de cette décision.

Demandes devant la cour d’appel. Dans ses conclusions d’appelante, la banque a sollicité l’annulation ou, à tout le moins, la réformation du jugement, en sollicitant de voir déclarer irrecevable la contestation à l’encontre de la saisie-attribution et de voir déclarés valables les actes de signification de l’acte introductif de première instance et de signification du jugement. En conséquence, de voir constater également la validité de la saisie-attribution et de débouter l’intimée de l’ensemble de ses demandes développées tant en premières instance, qu’en cause d’appel.

L’appelante fait valoir que la contestation de la saisie-attribution n’a pas été effectuée dans le délai d’un mois énoncé par l’article R. 211-1 du Code des procédures civiles d’exécution (N° Lexbase : L2207ITW), et que le débiteur ne justifiait pas avoir dénoncé cette dernière le même jour, ou au plus tard le premier jour ouvrable en lettre recommandée avec accusé de réception à l’huissier ayant pratiqué la saisie. Par ailleurs, l’appelante énonce des arguments sur la validité des actes de signification.

L’intimé sollicite quant à lui la confirmation en toutes ses dispositions du jugement entrepris, en soutenant que sa contestation à l’encontre de la saisie-attribution pratiquée est recevable et a été effectuée dans les délais requis, eu égard au fait qu'il réside en Belgique, et qu’elle a bien été dénoncée à l’huissier ayant pratiqué la saisie. Par ailleurs, l’intimé soutient que les actes de signification de l’assignation, que les diligences accomplies par l’huissier ne répondent pas aux exigences légales, du fait que son adresse précise était portée dans l’assignation, et que son déménagement avait été indiqué à ses interlocuteurs. En conséquence, le jugement réputé contradictoire n’ayant pas été signifié valablement dans le délai de six mois est non avenu, et la saisie pratiquée nulle.

Fixation de l’audience de plaidoirie en période Covid-19. L’audience de plaidoirie ayant été fixée au 1er juillet 2020, pour que le dossier soit retenu dans les conditions prévues par l’article 8 de l’ordonnance n° 2020-304 du 25 mars 2020 (N° Lexbase : L5722LWT) portant adaptation des règles applicables aux juridictions de l'ordre judiciaire statuant en matière non pénale, et l'une des parties s’étant opposée, elle a été renvoyée au 7 octobre 2020.

Réponse de la cour sur la recevabilité de la contestation. Les magistrats déclarent la contestation recevable en relevant que le juge de l’exécution a retenu une exacte application des dispositions des articles R. 211-11 du Code des procédures civiles d’exécution (N° Lexbase : L6795LEE) et de l’article 643 du Code de procédure civile (N° Lexbase : L6758LEZ), du fait de la domiciliation en Belgique de l’intimé et qu’en cause d’appel ce dernier a démontré que la contestation a bien été dénoncée en lettre recommandée avec accusé de réception le premier jour ouvrable.

Réponse de la cour sur la caducité du jugement poursuivi. La cour d’appel, vient confirmer le jugement, relevant dans un premier temps, que le juge de l’exécution a retenu l’application de l’article 478 du Code de procédure civile (N° Lexbase : L6592H7B), portant sur le jugement rendu par défaut ou réputé contradictoire, qui est non avenu à défaut de notification dans le délai de six mois de son prononcé. En l’espèce, l’assignation n’avait pas touché en personne le défendeur qui, de plus, a démontré l’absence de signification dans le délai précité. L’appelant invoque en s'appuyant sur le procès-verbal de vaines recherches de l’huissier de justice, qu’il a effectué toutes les investigations nécessaires à la dernière adresse connue. Il ressort de son procès-verbal que cette information avait été indiquée par l’ex-épouse du débiteur, sans précisions des conditions, ni à quel moment elle a été portée à sa connaissance, avec la mention « il n'existe aucun élément matériel permettant de le localiser, à part qu'il habiterait Eaubonne, sans plus de précisions ».

La cour d’appel relève que l’intimé démontre que l’adresse indiquée par son ex-épouse était erronée, le numéro était correct, cependant, il ne s’agissait pas du 7 quinquiès, mais du 7 ter. Par ailleurs, le débiteur avait effectué toutes les démarches nécessaires à la suite de son déménagement durant l’été 2012. Il est relevé, le suivi du courrier, le changement sur l’extrait k-bis de sa société. Plus encore, sa nouvelle adresse avait bien été portée à la connaissance de l’huissier, car ce dernier lui adressait des courriers durant la procédure pendante devant le tribunal de commerce, et surtout cette dernière était celle indiquée sur l’assignation, pour laquelle il s’est contenté de faire un dépôt en son étude après l’obtention de l’adresse erronée.

Les magistrats d’appel relèvent donc que les diligences de l’huissier de justice étaient manifestement insuffisantes, pour dresser un procès-verbal de recherches infructueuses dit « PV 659 » (CPC, art. 659 N° Lexbase : L6831H77). Ils indiquent qu’il aurait dû prendre attache avec son mandant ou effectuer une consultation du registre du commerce et des sociétés, duquel l'information sur la nouvelle adresse serait ressortie.

Sanctions. La signification de l’assignation est donc nulle et sans effet, et la cour d’appel approuve la position prise par le juge de l’exécution sur le fait que le jugement est non avenu, en l’absence de signification dans les six mois de sa date et qu’il ne peut constituer un titre exécutoire valable pour fonder une mesure d’exécution.

Solution. La cour d’appel confirme le jugement rendu par le juge de l'exécution du tribunal de grande instance et condamne l’appelante à verser une somme au titre de l’article 700 du Code de procédure civile (N° Lexbase : L1253IZG), ainsi qu’aux dépens d’appel.

Conseil pratique : il convient de vérifier chaque acte de signification à réception avant même de procéder au placement de l’assignation. Par ailleurs, avant d’engager une mesure d’exécution forcée, la vigilance impose de vérifier l’historique de l’obtention du titre exécutoire, ce qui évitera l’engagement de frais, et des éventuelles condamnations à des dommages et intérêts ou à un article 700 du CPC.   

 

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