La lettre juridique n°843 du 12 novembre 2020 : Avocats/Honoraires

[Brèves] Règlements [d’honoraires] en famille

Réf. : Cass. civ. 2, 5 novembre 2020, n° 19-20.314, F-P+B+I (N° Lexbase : A521133E)

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par Marie Le Guerroué

le 02 Décembre 2020

► N’inverse pas la charge de preuve, le premier président qui, en raison du contexte familial dans lequel l’assistance a été apportée, écarte la présomption selon laquelle le mandat est salarié lorsqu’il est exercé par une personne dans le cadre de sa profession habituelle et estime souverainement que les termes des courriels - émanant de l’ancien époux et invoqués par l’avocate - ne permettent pas d’établir que le mandat avait été confié à titre onéreux (Cass. civ. 2, 5 novembre 2020, n° 19-20.314, F-P+B+I N° Lexbase : A521133E).

Faits et procédure. Le défendeur naguère marié à la demanderesse (l’avocate), dont il avait divorcé en juillet 2017, avait confié à celle-ci, en 2003, la défense de ses intérêts et ceux de sa sœur dans un litige qui concernait la succession de leur père. Alors qu’aucune convention d’honoraires n’avait été conclue, l’avocate avait établi au mois de février 2016 une facture de ses diligences, dont elle n’avait pas obtenu le règlement de son ancien époux qui avait indiqué qu’aucun mandat à titre onéreux n’avait été confié à son ex-épouse. L’avocate avait saisi le Bâtonnier de son ordre d’une demande de fixation de ses honoraires.

  • Sur l’office du premier président

Moyen. L’avocate fait grief à l’arrêt de la débouter de toutes ses demandes tendant à la fixation de ses honoraires et à la condamnation de son ancien mari à leur paiement, alors que la procédure de contestation en matière d’honoraires et débours d’avocat concerne les seules contestations relatives au montant et au recouvrement des honoraires, de sorte qu’il n’appartient pas au juge de l’honoraire de se prononcer sur le caractère onéreux ou gratuit du mandat conclu entre l’avocat et son client ; qu’en se fondant, pour débouter la demanderesse de sa demande en fixation des honoraires dus par le défendeur sur le caractère prétendument gratuit du mandat litigieux, le premier président a excédé son office, en violation de l’article 174 du décret n° 91-1197, du 27 novembre 1991, organisant la profession d'avocat (N° Lexbase : L8168AID). 

Réponse de la Cour. Dès lors qu’il résulte de l’article 174 du décret n° 91-1197 du 27 novembre 1991 que la procédure de contestation en matière d’honoraires et débours d’avocats concerne les contestations relatives au montant et au recouvrement de leurs honoraires, il relève de l’office même du juge de l’honoraire de déterminer, lorsque cela est contesté, si les prestations de l’avocat ont été fournies ou non à titre onéreux. Partant, c’est sans excéder ses pouvoirs que le premier président a décidé que le mandat qui liait l’avocate au défendeur n’avait pas été donné à titre onéreux (v. aussi, Cass. civ. 2, 4 juin 2009, n° 08-14.294, F-D N° Lexbase : E37343RQ).

  • Sur la charge de la preuve

Ordonnance. Le premier président, après avoir relevé que les parties « étaient mariés lorsque [le mari] a[vait] demandé à son épouse de se charger de la défense de ses intérêts et de ceux de sa soeur, dans le cadre de la succession de son père », et pris ainsi en considération « le contexte des relations entretenues alors par les parties », en avait déduit qu’aucune rémunération n’avait été convenue entre elles.

Réponse de la Cour. C’est sans inverser la charge de la preuve que le premier président, écartant de la sorte, en raison du contexte familial dans lequel l’assistance avait été apportée, la présomption selon laquelle le mandat est salarié lorsqu’il est exercé par une personne dans le cadre de sa profession habituelle, puis estimant souverainement que les termes des courriels émanant du défendeur et invoqués par l’avocate ne permettaient pas d’établir que le mandat avait été confié à titre onéreux, a statué. Pour conclure à l’inexistence d’un mandat à titre onéreux, le premier président ne s’est ainsi fondé, ni sur l’absence entre les parties d’une convention d’honoraires, ou d’échanges relatifs à des honoraires de diligences, ni sur un pacte de quota litis qui aurait été conclu entre elles.

Rejet. La Cour rejette par conséquent le pourvoi.

 

Commentaire, à paraître, par G. Deharo, Lexbase Avocats, décembre 2020, n° 309.

Pour aller plus loin : ÉTUDE : Les honoraires, émoluments, débours et modes de paiement des honoraires, Les avantages d'une convention d'honoraires (N° Lexbase : E37343RQ) et Le droit de l'avocat à percevoir un honoraire (N° Lexbase : E37303RL) in La profession d’avocat, Lexbase.

 

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