Le Quotidien du 21 septembre 2020 : Bancaire

[Brèves] Quelques précisions utiles intéressant les pouvoirs des sociétés de gestion ainsi que la prescription applicable à l’action fondée sur un TEG erroné

Réf. : Cass. com., 9 septembre 2020, deux arrêts, n° 19-10.651, F-P+B (N° Lexbase : A54833TA) et n° 19-10.652, F-P+B (N° Lexbase : A54153TQ)

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par Jérôme Lasserre Capdeville, Maître de conférences - HDR, Université de Strasbourg

le 16 Septembre 2020

► D’une part, depuis le 3 janvier 2018, une société gestion a, en tant que représentant légal d’un fonds commun de titrisation, qualité légale pour assurer, y compris par la voie d’une action en justice, tout ou partie du recouvrement des créances transférées ;

► D’autre part, le délai de prescription de l’action exercée en raison d’un taux effectif global erroné court dès la conclusion du contrat si cette erreur était apparente au terme d’une simple vérification de l’offre en question.

Faits et procédure. Par un acte du 9 octobre 2007, la banque A. avait consenti à M. et Mme V. deux prêts destinés à restructurer un crédit immobilier et des crédits à la consommation. La banque avait, par un bordereau du 18 décembre 2013, cédé un certain nombre de créances à un fonds commun de titrisation (FCT), dont les créances relatives aux prêts consentis à M. et Mme V.. Ces derniers ayant été défaillants, le FCT, représenté par sa société de gestion, la société C., avait saisi le tribunal d’instance d’une requête en saisie des rémunérations de M. V. et de Mme V..

Décisions. Le 23 novembre 2018, la cour d’appel de Rennes (CA Rennes, 23 novembre 2018, deux arrêts, n° 17/00865 N° Lexbase : A6095YMP et RG n° 17/00868 N° Lexbase : A6129YMX) a autorisé la saisie pour le paiement des sommes dues au titre des emprunts, les deux membres du couple avaient formé, chacun, un pourvoi en cassation. Deux moyens identiques, figurant dans les pourvois en question, attirent l’attention. Nous prendrons ici le cas de Mme V. (décision n° 19-10.652)

En premier lieu, cette dernière considérait qu’il résultait des dispositions combinées des articles L. 214-46 (N° Lexbase : L7121IAY), L. 214-49-4 (N° Lexbase : L7139IAN) et L. 214-49-7 (N° Lexbase : L7136IAK) du Code monétaire et financier (dans leur rédaction antérieure à l’ordonnance n° 2013-676  du 25 juillet 2013 N° Lexbase : L9338IX7) que si, ne jouissant pas de la personnalité morale, un fonds commun de titrisation est, à l’égard des tiers et dans toute action en justice, représenté par sa société de gestion, il appartient à celui qui lui transfère des créances par bordereau, ou à l’entité qui en était chargée au moment du transfert, de continuer à assurer le recouvrement de ces créances et, pour ce faire, d’exercer les actions en justice nécessaires, la possibilité offerte aux parties de confier tout ou partie de ce recouvrement à une autre entité désignée à cet effet supposant que le débiteur en soit informé. Dès lors, en retenant que la société de gestion avait qualité pour agir en recouvrement des créances cédées au FCT, quand elle avait pourtant relevé que la banque avait été chargée du recouvrement des créances cédées, ce dont il résultait que la société de gestion n’était pas chargée de ce recouvrement et que, faute de qualité à agir à cette fin, l’action qu’elle avait formée à l’encontre du débiteur était irrecevable, la cour d’appel aurait violé l'article L. 214-46 du Code monétaire et financier par fausse interprétation.

La Cour de cassation ne se montre pas réceptive à ce moyen.

Selon elle, en effet, s’il résultait des dispositions combinées des articles L. 214-46, L. 214-49-4 et L. 214-49-7 du Code monétaire et financier (dans leur rédaction alors applicable) que la société de gestion d’un fonds de titrisation n’avait pas qualité pour agir en recouvrement des créances qui avait été cédées à celui-ci par bordereau, sauf si elle avait été désignée à cet effet et si le débiteur en avait été informé par lettre simple, et si, par suite, l’action du fonds de titrisation était irrecevable à la date du dépôt de la requête en saisie des rémunérations du débiteur, « la disparition de cette fin de non-recevoir, en application de l'article 126 du Code de procédure civile (N° Lexbase : L1423H4H), a résulté de l’entrée en vigueur, le 3 janvier 2018 en cours d'instance, de l'ordonnance n° 2017-1432 du 4 octobre 2017 (N° Lexbase : L9403LGD), modifiant l'article L. 214-172 du Code monétaire et financier (N° Lexbase : L9508LGA) et conférant à la société de gestion, en tant que représentant légal du fonds, qualité légale pour assurer, y compris par la voie d'une action en justice, tout ou partie du recouvrement des créances transférées ».

Dès lors, par ce motif de pur droit, suggéré par la défense, substitué à ceux critiqués, la décision déférée se trouve légalement justifiée du chef écartant la fin de non-recevoir pour défaut de qualité opposée par le débiteur. Le moyen est par conséquent rejeté.

En second lieu, l’auteur du pourvoi reprochait aux juges du fond d’avoir déclaré prescrite son action en nullité fondée sur une erreur de taux effectif global. Mme V. déclarait ainsi que le point de départ du délai de prescription de l’action en nullité du TEG ne peut être fixé à la date de la convention que si l’emprunteur était effectivement en mesure de déceler, par lui-même, à la lecture de l’acte de prêt, l’erreur affectant le TEG. Dès lors, en se bornant à affirmer, pour retenir la date de la conclusion du contrat litigieux comme point de départ du délai de prescription de son action et déclarer cette dernière prescrite, que dès la signature du contrat l’intéressée disposait de tous les éléments lui permettant de vérifier le calcul du TEG, sans toutefois rechercher, comme elle le devait, si Mme V. était effectivement en mesure de déceler l’erreur invoquée, à la seule lecture de l’acte de prêt, en procédant elle-même au calcul litigieux, la cour d’appel aurait privé sa décision de base légale au regard de l’article 1304 du Code civil (N° Lexbase : L8527HWQ), dans sa rédaction alors applicable.

Ici encore, le moyen est rejeté par la Haute juridiction. Selon elle, après avoir relevé qu’il ressortait des propres explications de Mme V. que le caractère erroné du taux était apparent dès la souscription de l'offre au terme d’une simple vérification, la cour d’appel a estimé, dans l’exercice de son pouvoir souverain d’appréciation, que, « dès la signature du contrat, Mme [V.] disposait de tous les éléments lui permettant de vérifier le calcul du taux effectif global, de sorte que le point de départ de la prescription devait être fixé à la date de la conclusion du contrat, justifiant ainsi légalement sa décision de ce chef ».

On notera que, pour une fois, la Chambre commerciale ne se contente pas de déclarer que le délai de prescription de l’action court à compter du jour où l'emprunteur a connu ou aurait dû connaître le vice affectant le TEG, c’est-à-dire, s’agissant d’un prêt, nécessairement la date de la convention (v. par ex., Cass. com., 10 juin 2008, n° 06-19.452, FS-P+B+R+I N° Lexbase : A0335D9B ; Cass. com., 4 mai 2017, n° 15-19.141, F-P+B+I N° Lexbase : A9446WBH). L’appréciation se fait, ici, d’une façon plus concrète, à l’instar de la jurisprudence de la première chambre civile. Au final néanmoins, cela n’a aucune incidence, les circonstances de fait permettant aux juges du fond de penser que la prise de connaissance de l’erreur de taux était en l’occurrence possible dès la souscription du crédit.

Ces solutions ont été rendues de la même manière, par la Chambre commerciale de la Cour de cassation, en réponse au pourvoi de M. V. (pourvoi n° 19-10.651).

Ces arrêts étant quasiment identiques, on peut se demander s’il était utile pour la Haute juridiction de les vouer, tous les deux, à une publication au Bulletin. Un seul aurait pu, selon nous, parfaitement suffire.

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