Réf. : Cass. crim., 9 septembre 2020, n° 19-84.301, FS-P+B+I (N° Lexbase : A16753T9)
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par Adélaïde Léon
le 23 Septembre 2020
► Justifie sa décision sans méconnaître le principe Ne bis in idem la cour d’appel qui condamne une infirmière libérale des chefs d’escroquerie et de faux dès lors que les juges se sont fondés, au titre du faux, sur des faits de falsification d’ordonnances médicales qui sont distincts des faits d’utilisation de ces documents retenus comme élément de l’escroquerie à des fins de facturation de soins fictifs ;
Tout jugement ou arrêt doit comporter les motifs propres à justifier la décision ; l’insuffisance ou la contradiction des motifs équivaut à leur absence ; ainsi, se contredit l’arrêt qui, après avoir souligné qu’il convient de respecter le principe de la limitation de la confiscation en valeur au montant du produit de l’infraction, ordonne la confiscation de biens dont la valeur excède nécessairement celle du produit de l’infraction.
Rappel des faits. Des caisses d’assurance maladie et des mutuelles ont porté plainte contre une infirmière libérale après avoir constaté la déclaration d’actes fictifs ou surcotés en vue d’obtenir le remboursement indu de prestations.
À l’issue d’une information judiciaire, l’intéressée a été renvoyée devant le tribunal correctionnel des chefs d’escroquerie, de faux et d’usage. Déclarée coupable des faits reprochés et condamnée notamment à des mesures de confiscation, la prévenue a interjeté appel contre la décision du tribunal. Le ministère public a également relevé appel de cette décision.
En cause d’appel. Les juges ont confirmé la déclaration de culpabilité des chefs d’escroquerie, faux et usage au motif que la prévenue avait facturé, au préjudice de diverses caisses d’assurance maladie et mutuelles, un grand nombre d’actes fictifs, surcotés ou comportant une modification du taux de prise en charge.
S’agissant de l’escroquerie, l’utilisation de la carte vitale de ses patients puis l’envoi de feuilles de soins papier, la modification des taux de prise en charge des malades, le fait de surcoter des actes et d’avoir recours à plusieurs fausses ordonnances médicales constituaient, selon les juges, des manœuvres frauduleuses ayant pour objet de réaliser des facturations fictives.
S’agissant des délits de faux et d’usage, la cour d’appel a retenu la réalisation et l’utilisation de fausses prescriptions censées avoir été rédigées par des médecins.
La cour d’appel a par ailleurs confirmé partiellement le jugement prononcé s’agissant de la confiscation et rappelé qu’il convenait de respecter le principe de la limitation de la confiscation en valeur au montant du produit de l’infraction.
Moyens du pourvoi. Il est d’abord reproché à la cour d’appel d’avoir méconnu le principe Ne bis in idem en déclarant la prévenue coupable de faux « constituées de fausses ordonnances et leur usage » et d’escroquerie « grâce à des manœuvres frauduleuses constituées […] par des fausses ordonnances ». D'après le pourvoi, la cour d’appel procédait ainsi à des déclarations de culpabilité de nature pénale portant sur des faits procédant d’une action unique caractérisée par une seule intention coupable.
Également, la cour d’appel se serait par ailleurs contredite et aurait ainsi violé les articles 131-21 du Code pénal (
Réponse de la Cour. S’agissant du principe Ne bis in idem, la Chambre criminelle rappelle qu’il s’en déduit « que des faits qui procèdent de manière indissociable d’une action unique caractérisée par une seule intention coupable ne peuvent donner lieu, contre le même prévenu, à deux déclarations de culpabilité de nature pénale, fussent-elles concomitantes ». En l’espèce, la Haute juridiction estime que la cour d’appel ne l’a pas méconnu puisqu’elle s’est fondée, au titre du faux, sur des faits de falsifications d’ordonnances médicales et, au titre de l’escroquerie, sur les faits distincts d’utilisation de ces documents à des fins de facturation de soins fictifs.
Concernant la confiscation, la Cour de cassation casse l’arrêt en ses seules dispositions relatives aux peines. Elle souligne qu’il résulte de l’article 131-21 du Code pénal que cette peine porte notamment sur les biens qui sont l’objet ou le produit direct ou indirect de l’infraction, à l’exception des biens susceptibles de restitution à la victime et que la confiscation peut être ordonnée en valeur. Par ailleurs, elle rappelle que l’article 593 du Code de procédure pénale précise que tout jugement ou arrêt doit comporter les motifs justifiant la décision et que la contradiction des motifs équivaut à leur absence.
La Chambre criminelle constate que la cour d’appel s’est contredite en prononçant la confiscation de bien dont la valeur d’ensemble ne pouvait qu’excéder celle du produit de l’infraction.
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