La lettre juridique n°835 du 10 septembre 2020 : Urbanisme

[Jurisprudence] De l’application automatique des prescriptions d’un PPRN aux autorisations de construire

Réf. : CE 6° et 5° ch.-r., 22 juillet 2020, n° 426139, mentionné aux tables du recueil Lebon (N° Lexbase : A61983RY)

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par Jean-Philippe Strebler, Maître de conférences associé à l’Université de Strasbourg, urbaniste qualifié (opqu), directeur du PETR Sélestat-Alsace centrale

le 09 Septembre 2020

 


Mots clés : Droit de l’urbanisme • permis de construire • risque d’inondation

En combinant plan de prévention des risques naturels prévisibles (PPRNP) et article R. 111-2 du Code de l’urbanisme, le refus d’autorisation n’est que la solution « ultime » si le projet, conforme aux prescriptions du PPRNP ne peut pas faire l’objet de prescriptions spéciales permettant d’assurer la sécurité.


 

Cet arrêt du 22 juillet 2020 est l’occasion pour le Conseil d’État de préciser davantage comment les dispositions de l’article R. 111-2 du Code de l’urbanisme (N° Lexbase : L0569KWY) – article d’ordre public qui s’applique même en présence d’un plan local d’urbanisme et qui permet d’imposer des prescriptions voire de refuser un projet de nature à porter atteinte à la salubrité ou à la sécurité publique – se combinent avec les prescriptions d’un plan de prévention des risques naturels prévisibles (PPRNP) qui sont précisément destinées à assurer la sécurité des personnes et des biens exposés à ces risques (C. env., art. L. 562-1 N° Lexbase : L7809IUR et suivants).

Le 18 septembre 2017, le maire de Vigneux-sur-Seine (30 000 habitants, située au sud-est de l’aéroport d’Orly) avait accordé à la société Altarea Cogedim un permis de construire pour un important ensemble immobilier de 758 logements (près de 40 000 m² de surface de planche, pour quelque 2 000 habitants), accompagnés de commerces et d’une crèche (60 berceaux), au bord du bras de la Darse, sur une friche industrielle, dans une zone « ciel » d’aléa « moyen » du plan de prévention du risque d’inondation (PPRI) de la vallée de Seine. La préfète de l’Essonne a déféré cette autorisation au tribunal administratif de Versailles qui, par un jugement du 8 octobre 2018 [1] a annulé le permis de construire en relevant, outre l’avis défavorable émis par l’Agence régionale de santé, que l’étude hydraulique jointe au dossier indique qu’en cas de crue centennale, le site serait intégralement inondé sous un mètre d’eau en moyenne, et qu’en cas de crue moins importante, l’îlot central serait inondé ainsi qu’une grande partie des parcelles voisines.

Le tribunal en a déduit qu’au vu de l’importance du projet et de l’installation d’un établissement accueillant de très jeunes enfants, le maire avait commis une erreur manifeste d’appréciation dans l’application de l’article R. 111-2 du Code de l’urbanisme, selon lequel « Le projet peut être refusé ou n'être accepté que sous réserve de l'observation de prescriptions spéciales s'il est de nature à porter atteinte à la salubrité ou à la sécurité publique du fait de sa situation, de ses caractéristiques, de son importance ou de son implantation à proximité d'autres installations ».

Or, le Conseil d’État, suivant les conclusions de son rapporteur public O. Fuchs, estime que le tribunal a commis une erreur de droit en s’abstenant de rechercher si les prescriptions du plan de prévention des risques d’inondation de la vallée de la Seine applicables à la zone « ciel » d’aléa « moyen » avaient été respectées, et si, éventuellement complétées par des prescriptions spéciales, elles n’étaient pas de nature à prévenir les risques d’atteinte à la sécurité publique. Dès lors, le jugement du tribunal est annulé et l’affaire est renvoyé au même tribunal pour qu’il mette en œuvre la « méthode » exposée par le Conseil d’État, qui se décompose en plusieurs paliers.

Tout d’abord, en principe, il n’est pas nécessaire de reprendre les prescriptions d’un PPRNP dans les autorisations d’urbanisme puisque ces prescriptions s’imposent directement à elles [2].

Ensuite, invoquer les dispositions « générales » de l’article R. 111-2 du Code de l’urbanisme en présence d’un PPRNP suppose de vérifier, préalablement, que le projet respecte les prescriptions du PPRNP.

En outre, compte tenu d’une situation particulière qui apparaîtrait lors de cette vérification (si le PPRNP ne prend pas suffisamment le risque en compte ou si les prescriptions du PPRNP concernant ce risque paraissent insuffisantes ou inadaptées), l’autorisation peut alors, si nécessaire, comporter des prescriptions spéciales qui précisent les conditions spécifiques d’application du PPRNP, pour que le projet, sans modification substantielle, ne porte pas atteinte à la salubrité ou à la sécurité publique.

Enfin, au vu d’une appréciation concrète de la situation d’ensemble, si, sans apporter de modification substantielle au projet, l’autorisation ne peut pas être accordée avec des prescriptions permettant de respecter les dispositions de l’article R. 111-2, le permis peut être refusé. Le refus d’autorisation ne constitue ainsi qu’une solution ultime si l’autorisation ne peut pas être assortie de prescriptions spéciales permettant d’assurer la conformité du projet avec l’article R. 111-2 [3].

Le défaut de motivation d’une dérogation constitue un vice « régularisable » qui ne justifie pas l’annulation d’une autorisation. Par ailleurs, le tribunal administratif de Versailles avait relevé que l’autorisation dérogeait, comme le permet l’article L. 152-6 du Code de l’urbanisme (N° Lexbase : L9958LMR), aux obligations en matière d’aires de stationnement, mais que, contrairement aux exigences légales, cette dérogation n’avait pas été motivée. Le Conseil d’État considère que ce défaut de motivation constitue un vice susceptible d’être régularisé par un permis modificatif en application des articles L. 600-5 (N° Lexbase : L0035LNM) ou L. 600-5-1 (N° Lexbase : L0034LNL) du Code de l’urbanisme et que ce vice régularisable ne justifiait donc pas, à lui seul, le refus du tribunal de ne pas appliquer ces dispositions [4].

 

[1] TA Versailles, 8 octobre 2018, n° 1800713.

[2] CE, 3 décembre 2001, n° 236910 (N° Lexbase : A7503AX8), Rec. 627, JO 24 janvier 2002, Dr. adm., 2002, n° 71, BJDU 2002. 54, concl. [contraires] Fombeur, RFDA, 2002. 199, RFDA 2002. 982, note Chauvin, AJDA, 2002. 177, note H. Jacquot, Constr.-Urb., 2002, n° 71, obs. Benoit-Cattin, Envir. 2002, n° 2, p. 20, obs. Benoît ; CE, 4 mai 2011, n° 321357 (N° Lexbase : A0938HQS), Tables, pp. 1188-1190-1197, AJDA, 2011. 931, RDI, 2011. 411, obs. P. Soler-Couteaux, BJDU, 2011. 202, concl. E. Geffray, note C. Landais, Envir. 2011, comm. 92, note D. Gillig, JCP éd. A, 2011. comm. 2237.

[3] CE, 26 juin 2019, n° 412429 (N° Lexbase : A7035ZGN), Rec., AJDA, 2019. 1364, AJCT, 2019. 527, obs. R. Bonnefont, RDI, 2019. 475, obs. P. Soler-Couteaux, Dr. envir., 2019. 400.

[4] CE, 15 février 2019, n° 401384 (N° Lexbase : A4049YXA), Rec. avec les concl., AJDA, 2019. 367 ; et 752, chron. C. Malverti et C. Beaufils, RDI, 2019. 235, obs. M. Revert, AJCT, 2019. 262, obs. P. Peynet, RFDA, 2019. 543, concl. L. Dutheillet de Lamothe, BJDU 2019. 186, concl. L. Dutheillet de Lamotte.

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