Réf. : Cass. crim., 19 août 2020, n° 20-82.171, F-P+B+I (N° Lexbase : A09993SS)
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par Adélaïde Léon
le 23 Septembre 2020
► Le détenu qui fonde sa demande de mise en liberté sur la violation des articles 2 (N° Lexbase : L4753AQ4) et 3 (N° Lexbase : L4764AQI) de la Convention européenne de sauvegarde des droits de l’Homme (CESDH), du fait de ses conditions de détention dans le contexte de l’épidémie de covid-19 dans un établissement pénitentiaire en situation de surpopulation carcérale, doit faire état de ses conditions personnelles de détention de façon suffisamment crédible et actuelle pour constituer un commencement de preuve de leur caractère indigne et alléguer que sa vie a été exposée à un risque réel et imminent en raison de ses conditions de détention dans le contexte de ladite épidémie.
Rappel des faits. Une personne détenue provisoirement a saisi le juge d’instruction d’une demande de mise en liberté. Par ordonnance, le juge des libertés et de la détention (JLD) a rejeté cette demande. L’intéressé a interjeté appel de cette décision soutenant que les conditions de sa détention durant la crise sanitaire justifiait sa remise en liberté compte tenu de la surpopulation carcérale et de l’état de délabrement de l’établissement pénitentiaire lesquels rendaient impossible la mise en place des mesures de distanciation nécessaires.
En cause d’appel. La chambre de l’instruction a confirmé l’ordonnance du JLD en précisant que la situation sanitaire liée à l’épidémie de covid-19, si elle justifie l’adoption de mesures spécifiques, ne saurait constituer un obstacle légal au maintien en détention provisoire d’une personne à l’égard de laquelle il existe des raisons plausibles de soupçonner qu’elle a commis une infraction.
L’intéressé a formé un pourvoi contre cette décision.
Moyens du pourvoi. Le pourvoi dénonce la violation des articles 2 et 3 de la CESDH respectivement relatifs au droit à la vie et à l’interdiction de la torture. Selon le requérant, il appartient au juge de s’assurer que la privation de liberté est exempte de tout traitement inhumain et dégradant. À défaut, il doit ordonner la mise en liberté de l’intéressé en l’astreignant, le cas échéant, à un contrôle judiciaire.
L’intéressé faisait valoir que son maintien en détention au cours de l’épidémie de covid-19 dans un établissement pénitentiaire en situation de surpopulation carcérale l’exposait à un risque sanitaire très élevé portant atteinte à son droit à la vie et à la dignité et constituait ainsi un traitement inhumain ou dégradant. Il précisait notamment que les mesures de distanciation sociale et les gestes barrières étaient rendus impossibles par la grande promiscuité dans l’établissement. Il estimait avoir décrit ses conditions personnelles de détention comme constitutives de mauvais traitements en raison d’un risque élevé pour sa santé et sa sécurité en période de crise pandémique liée à un virus potentiellement mortel.
L’auteur du pourvoi reprochait par ailleurs à la chambre de l’instruction d’avoir subordonné sa remise en liberté à la réunion des conditions des articles 147-1 (
Décision de la Cour. La Cour rejette le pourvoi formé par le demandeur estimant que la chambre de l’instruction n’a méconnu aucun des textes visés par celui-ci.
S’agissant de l’article 3 de la CESDH, la Cour constate que le demandeur n’a pas fait état de ses conditions personnelles de détention au sein de l’établissement pénitentiaire de façon suffisamment crédible, précise et actuelle susceptible de constituer un commencement de preuve de leur nature indigne. La Cour précise qu’il n’appartenait pas à la chambre de l’instruction de faire constater lesdites conditions.
Concernant l’article 2 de la CESDH, la Haute juridiction estime que le requérant n'a pas démontré que sa vie était exposée à un risque réel et imminent en raison de ses conditions personnelles de détention dans le contexte de l’épidémie de covid-19.
Enfin, la Cour écarte le débat sur l’article 147-1 du Code de procédure pénal jugeant le motif surabondant et soulignant que sa mise en œuvre n’avait pas été sollicitée.
Contexte. Jusqu’au 8 juillet 2020, selon la jurisprudence de la Cour, des conditions indignes de détention n’étaient pas susceptibles de faire, en elles-mêmes, obstacle au placement ou au maintien en détention provisoire d’un individu. La mise en liberté ne pouvait être ordonnée qu’en présence d’éléments propres à la personne concernée attestant que son état de santé physique ou mentale était incompatible avec la détention et à la condition qu’il n’existe pas de risque grave de renouvellement de l’infraction.
Dans un arrêt du 8 juillet 2020 (Cass. crim., 8 juillet 2020, n° 20-81.739, FS-P+B+R+I N° Lexbase : A71573Q7), la Cour de cassation était venu préciser que la constatation de conditions indignes de détention pouvait désormais constituer un obstacle au maintien de cette mesure.
Quelques semaines après l’arrêt du 8 juillet 2020 la Chambre criminelle vient ici préciser ses exigences de démonstration s’agissant des demandes de mise en liberté fondées sur des conditions de détention contraires aux articles 2 et 3 de la CESDH.
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