Le Quotidien du 3 juillet 2020 : Majeurs protégés

[Brèves] De l’interdiction faite à un parent d’entretenir toute relation avec un majeur protégé

Réf. : Cass. civ. 1, 24 juin 2020, n° 19-15.781, F-P+B (N° Lexbase : A71003PN)

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par Anne-Lise Lonné-Clément

le 01 Juillet 2020

► Ayant fait ressortir la nécessité d’une rupture totale du lien familial, dans l’attente d’une évolution du comportement du majeur protégé, et l’impossibilité d’un encadrement des visites ou de contacts téléphoniques, la cour d’appel a statué dans l’intérêt de la majeure protégée, souverainement apprécié, justifiant légalement sa décision, au regard des articles 459-2 (N° Lexbase : L8445HWP) et 415, alinéa 3 (N° Lexbase : L8397HWW), du Code civil et 8 CESDH (N° Lexbase : L4798AQR), d’interdire au requérant toute relation avec sa sœur, placée sous tutelle.

Un jugement du 5 septembre 2011 avait placé une femme sous tutelle pour une durée de cinq ans. Lors du renouvellement de la mesure, le 11 juillet 2016, le juge des tutelles a, après une ordonnance de dispense d’audition du 7 juin 2016, désigné un mandataire judiciaire à la protection des majeurs, en qualité de tuteur. Un arrêt du 17 mai 2018, rendu après une expertise médicale, a confirmé ce jugement et rejeté la demande du frère de la majeure protégée, tendant à sa désignation en qualité de tuteur. Par requête du 27 avril 2018, le tuteur a saisi le juge des tutelles afin que les visites du frère à sa soeur soient interdites.

Contestation de l’interdiction pure et simple de toute relation. Le frère faisait grief à l’arrêt de lui interdire toute visite à sa soeur, quel que soit le lieu de vie institutionnel de celle-ci, et notamment à la maison de retraite, et de lui interdire de rencontrer sa soeur, quel que soit le lieu de vie institutionnel de celle-ci, ou de lui téléphoner.

Pour contester une telle mesure, il soutenait, notamment, que l’interdiction pure et simple faite à un parent d’entretenir une relation avec un majeur protégé ne peut être prononcée que dans la mesure où elle est strictement nécessaire, toute autre mesure moins contraignante ayant été jugée insuffisante. Aussi, selon le requérant, en ordonnant à l’encontre de l’exposant une interdiction de visites, ainsi qu’une interdiction de rencontrer et même de téléphoner à sa soeur, sans préciser toutefois la nécessité de cette rupture totale du lien familial plutôt qu’un encadrement des visites à sa soeur, la cour d’appel avait privé sa décision de base légale au regard de l’article 459-2 du Code civil, ensemble les articles 415 du Code civil et 8 de la Convention de sauvegarde des droits de l’Homme et des libertés fondamentales.

Appréciation souveraine des juges du fond quant à l’intérêt du majeur protégé. La cour d’appel avait relevé que le rapport d’expertise médicale du 21 septembre 2017 avait confirmé, après examen des nombreux certificats communiqués par le frère et consultation des divers praticiens intervenant auprès de la personne protégée, les troubles graves de la personnalité et du comportement dont celle-ci souffrait, en rapport avec une structure psychotique de type schizophrénique, et avait précisé qu’elle n'était pas à même d'exprimer sa volonté de manière cohérente et adaptée.

L’arrêt avait constaté que la requête du tuteur tendant à la suppression de toutes les visites du requérant à sa soeur était accompagnée d'un certificat médical du 27 avril 2018, précisant que la nouvelle hospitalisation de la majeure protégée en service de psychiatrie résultait de l'impossibilité, pour la maison de retraite dans laquelle elle résidait, de gérer les intrusions multiples du frère, et que les contacts de l’intéressée avec son frère étaient des facteurs majeurs de déstabilisation psychique. Il avait ajouté qu'il était préconisé, par l'ensemble du service de psychiatrie, l'interdiction de toute visite et ce, quel que soit le lieu de vie institutionnel de l’intéressée.

Il avait énoncé qu’était également joint à la requête la lettre du chef de pôle du centre hospitalier au frère, datée du 6 avril 2018, lui indiquant que, dans l'intérêt de sa soeur, les visites n’étaient pas autorisées. Il constatait que la posture du frère, qui persistait à se présenter comme le seul compétent pour déterminer l’intérêt de sa soeur, au risque de parasiter sa prise en charge, ne cessait de s'illustrer, au sein des divers lieux de vie et dans les salles d'audience, et que celui-ci n’entendait pas le message des professionnels, alors même que l'ordonnance de référé du 28 septembre 2018, rendue à l’occasion de la demande de suspension de l'exécution provisoire, avait suggéré une meilleure acceptation de sa part du projet mis en place pour sa soeur avant d'envisager un rétablissement des visites.

Il avait relevé encore que l’irrespect par le frère du déroulement de l'audience, au point de motiver son invitation à quitter la salle, ne permettait pas d'augurer positivement d'une évolution, et que la virulence de ses propos, voire la violence, le recours à certains stratagèmes, comme illustré dans les diverses plaintes déposées par le tuteur professionnel, légitimaient l'interdiction des visites, seule de nature à permettre le retour d’une certaine sérénité autour de la personne protégée.

Il avait observé enfin que cette sérénité était bénéfique à la majeure protégée, qui n’avait plus été hospitalisée en psychiatrie depuis la décision d’interdiction, sans que les attestations versées par son frère ne suffisent à contredire cette réalité médicale.

La Cour de cassation estime alors que, par ces motifs, qui faisaient ressortir la nécessité d’une rupture totale du lien familial, dans l’attente d’une évolution du comportement du frère, et l’impossibilité d’un encadrement des visites ou de contacts téléphoniques, la cour d’appel, qui n’était pas tenue de suivre le requérant dans le détail de son argumentation ni de s’expliquer sur les éléments de preuve qu’elle décidait d’écarter, avait statué dans l’intérêt de la majeure protégée, souverainement apprécié, justifiant légalement sa décision au regard des textes susvisés.

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