Réf. : Cass. civ. 1, 13 mai 2020, n° 19-17.970, FS-P+B (N° Lexbase : A06423MQ)
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N3510BYN
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par Marie Le Guerroué
le 03 Juin 2020
► L'action en responsabilité pour faute lourde ou déni de justice n'est ouverte qu'aux usagers du service public de la Justice qui critiquent, au regard de la mission dont est investi ce service et en leur qualité de victime directe ou par ricochet de son fonctionnement, une procédure déterminée dans laquelle ils sont ou ont été impliqués ; celle-ci n'est donc pas ouverte au Bâtonnier et au conseil de l'Ordre des avocats au barreau de Paris qui soutenaient que l'installation de box vitrés dans les salles d'audience des juridictions françaises portait atteinte au principe de la présomption d'innocence, à la dignité de la personne humaine et affectait les droits de la défense mais qui ne formulaient pas de critiques à l'occasion d'une ou plusieurs affaires déterminées dans lesquelles un avocat de ce barreau serait intervenu.
Ainsi statue la première chambre civile de la Cour de cassation dans un arrêt du 13 mai 2020 (Cass. civ. 1, 13 mai 2020, n° 19-17.970, FS-P+B N° Lexbase : A06423MQ).
Faits/Procédure. Soutenant que l'installation de box vitrés dans les salles d'audience des juridictions françaises portait atteinte au principe de la présomption d'innocence, à la dignité de la personne humaine et affectait les droits de la défense, le syndicat des avocats de France avait, sur le fondement de l'article L. 141-1 du Code de l'organisation judiciaire (N° Lexbase : L2419LB9), assigné la ministre de la Justice et l'Agent judiciaire de l'Etat pour obtenir le retrait de ces installations et des dommages-intérêts.
Enoncé du moyen. Le Bâtonnier de l'Ordre des avocats au barreau de Paris et le conseil de l'Ordre de ce barreau font grief à l'arrêt (CA Paris, 19 mars 2019, n° 18/05017 (N° Lexbase : A7401Y4U ; v., aussi, N° Lexbase : N8282BXZ) de déclarer irrecevable leur demande, alors :
- qu’ils sont des usagers du service public de la Justice au sens de l'article L. 141-1 du Code de l'organisation judiciaire, susceptibles d'être victime directe ou par ricochet de son fonctionnement défectueux dès lors qu'est invoquée la violation d'un droit essentiel à l'exercice de la profession d'avocat tel que les droits de la défense et qu'en affirmant le contraire pour juger irrecevable l'action du conseil de l'Ordre des avocats du barreau de Paris et du Bâtonnier à raison de l'atteinte portée par l'installation de box vitrés dans les salles d'audience des juridictions françaises à l'exercice des droits de la défense, la cour d'appel a violé le texte susvisé ;
- qu'en retenant, pour juger irrecevable l'action des exposants, que l'appréciation d'un fonctionnement défectueux de la justice en matière d'enfermement dans des box vitrés des personnes poursuivies à l'audience ne pouvait se faire que in concreto dans des affaires déterminées, sans rechercher, comme elle y était invitée, si les box vitrés installés de façon permanente et inamovibles dans les salles d'audience des juridictions françaises n'était pas systématiquement et par principe utilisés, la cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard de l'article L. 141-1 du Code de l'organisation judiciaire (N° Lexbase : L2419LB9), ensemble l'article 6 de la Convention de sauvegarde des droits de l'Homme et des libertés fondamentales (N° Lexbase : L7558AIR) ;
- qu'en retenant, pour juger irrecevable l'action des exposants, que l'appréciation d'un fonctionnement défectueux de la Justice en matière d'enfermement dans des box vitrés des personnes poursuivies à l'audience ne pouvait se faire que in croncreto dans des affaires déterminées, bien qu'étaient dénoncés le caractère inadapté des box installés dans les salles d'audience des juridictions françaises, qui par leurs caractéristiques techniques, empêchaient dans tous les procès la personne poursuivie de communiquer librement et secrètement avec son avocat et de participer effectivement à la procédure, la cour d'appel a violé l'article L. 141-1 du Code de l'organisation judiciaire, ensemble l'article 6 de la Convention de sauvegarde des droits de l'Homme et des libertés fondamentales.
Réponse de la Cour. La Cour énonce que l'action en responsabilité pour faute lourde ou déni de Justice prévue à l'article L. 141-1 du Code de l'organisation judiciaire n'est ouverte qu'aux usagers du service public de la Justice qui critiquent, au regard de la mission dont est investi ce service et en leur qualité de victime directe ou par ricochet de son fonctionnement, une procédure déterminée dans laquelle ils sont ou ont été impliqués. Elle en déduit qu’ayant constaté que le Bâtonnier et le conseil de l'Ordre des avocats au barreau de Paris ne formulaient pas de critiques à l'occasion d'une ou plusieurs affaires déterminées dans lesquelles un avocat de ce barreau serait intervenu, la cour d'appel, qui n'avait pas à procéder à une recherche inopérante sur l'installation permanente et généralisée des box vitrés, n'a pu qu'en déduire qu'ils n'agissaient pas en qualité d'usagers du service public de la Justice, de sorte que leurs demandes étaient irrecevables sur le fondement de l'article L. 141-1 du code précité.
Rejet. Le moyen n'est donc, pour la Cour, pas fondé (cf. l’Ouvrage « La profession d’avocat » N° Lexbase : E9304ETR).
Pour aller plus loin : ⇒ E. Morain, Architecture et justice, Lexbase Pénal, février 2018 (N° Lexbase : N2630BXP). |
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