Le Quotidien du 3 juin 2020 : Internet

[Brèves] Juridiction compétente pour connaître d’une action tendant à la suppression de contenus dénigrants et à la réparation des préjudices en résultant : renvoi préjudiciel

Réf. : Cass. civ. 1, 13 mai 2020, n° 18-24.850, FS-P+B+I (N° Lexbase : A05863MN)

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[Brèves] Juridiction compétente pour connaître d’une action tendant à la suppression de contenus dénigrants et à la réparation des préjudices en résultant : renvoi préjudiciel. Lire en ligne : https://www.lexbase.fr/article-juridique/58202589-0
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par Vincent Téchené

le 27 Mai 2020

► Les dispositions de l'article 7, point 2, du Règlement n° 1215/2012 (N° Lexbase : L9189IUU) doivent-elles être interprétées en ce sens que la personne qui, estimant qu'une atteinte a été portée à ses droits par la diffusion de propos dénigrants sur internet, agit tout à la fois aux fins de rectification des données et de suppression des contenus, ainsi qu'en réparation des préjudices moral et économique en résultant, peut réclamer, devant les juridictions de chaque Etat membre sur le territoire duquel un contenu mis en ligne est ou a été accessible, l'indemnisation du dommage causé sur le territoire de cet Etat membre, conformément à l'arrêt « eDate Advertising » (CJUE, 25 octobre 2010, aff. C-509/09 et C-161/10 N° Lexbase : A8916HYU, points 51 et 52) ou si, en application de l'arrêt « Svensk Handel » (CJUE, 17 octobre 2017, aff. C-194/16 N° Lexbase : A9082WUW, point 48), elle doit porter cette demande indemnitaire devant la juridiction compétente pour ordonner la rectification des données et la suppression des commentaires dénigrants ?

Telle est la question préjudicielle que la Cour de cassation renvoie à la CJUE aux termes d’un arrêt rendu le 13 mai 2020 (Cass. civ. 1, 13 mai 2020, n° 18-24.850, FS-P+B+I N° Lexbase : A05863MN).

L’affaire. Une société tchèque ayant pour activité la production et la diffusion de contenus pour adultes, notamment via son site internet, a constaté qu’un réalisateur, producteur et distributeur de films pornographiques commercialisés sur ses sites internet hébergés en Hongrie où il exerce son activité et où il est domicilié, tenait des propos dénigrants diffusés sur plusieurs sites et forums. Après avoir mis en demeure ce réalisateur de retirer les propos litigieux, la société tchèque l’a assigné devant le président du TGI de Lyon pour, d'une part, le voir condamner sous astreinte à cesser tout acte de dénigrement à son encontre et à l'encontre de son site internet, et à publier un communiqué judiciaire en français et en anglais sur chacun des forums concernés. D'autre part, elle demandait être elle-même autorisée à poster un commentaire sur les forums en cause et, enfin, obtenir paiement d'un euro symbolique en réparation de son préjudice économique et d'une somme de même montant pour celle de son préjudice moral. Le défenseur a soulevé l'incompétence de la juridiction française.

C’est dans ces conditions qu’en cause d'appel, la société tchèque a repris ses demandes de suppression et de rectification et a porté sa demande de dommages-intérêts à la somme provisionnelle de 10 000 euros au titre de ses préjudices matériel et moral subis en France.

La décision. La Cour de cassation rappelle, d’abord, que dans son arrêt « Svensk Handel », la CJUE a dit pour droit qu'une personne qui prétend que ses droits de la personnalité ont été violés par la publication de données inexactes la concernant sur internet et par la non-suppression de commentaires à son égard ne peut pas, devant les juridictions de chaque Etat membre sur le territoire duquel les informations publiées sur internet sont ou étaient accessibles, former un recours tendant à la rectification de ces données et à la suppression de ces commentaires.

Par ailleurs, se référant à la nature ubiquitaire des données et contenus mis en ligne sur un site internet et au fait que la portée de leur diffusion est en principe universelle, elle a précisé qu'une demande visant à la rectification des données et à la suppression des contenus mis en ligne sur un site internet est une et indivisible et ne peut, par conséquent, être portée que devant une juridiction compétente pour connaître de l'intégralité d'une demande de réparation du dommage en vertu de la jurisprudence résultant des arrêts du 7 mars 1995, « Shevill e.a. » (CJUE, 7 mars 1995, aff. C-68/93 N° Lexbase : A0139AW3, points 25, 26 et 32), ainsi que « eDate Advertising e.a. » (points 42 et 48), et non devant une juridiction qui n'a pas une telle compétence (point 48).

Or, pour la Cour de cassation, cette jurisprudence rendue en matière d'atteinte alléguée aux droits de la personnalité au moyen de contenus mis en ligne sur un site internet est transposable aux actes de concurrence déloyale résultant de la diffusion sur des forums internet de propos prétendument dénigrants.

Ainsi, elle retient qu’il en résulte que seules les juridictions du premier de ces Etats, compétentes pour connaître de l'intégralité d'une demande de réparation du dommage en vertu de la jurisprudence résultant des arrêts précités « Shevill » et « eDate Advertising » ou celles du second dans lequel le défendeur est domicilié, étaient compétentes pour ordonner le retrait des commentaires prétendument dénigrants imputés, en l’espèce au réalisateur, et leur rectification par publication d'un communiqué.

Ensuite, s'agissant de la juridiction compétente pour connaître de la demande de dommages-intérêts formée en réparation des préjudices moral et économique consécutifs aux propos dénigrants, la Haute juridiction estime qu’il s’agit là de déterminer si la solution consacrée par la CJUE dans son arrêt « Svensk Handel »  du 27 octobre 2017, doit être interprétée en ce sens que la personne qui, estimant qu'une atteinte a été portée à ses droits par la diffusion de propos dénigrants sur internet, agit tout à la fois aux fins de rectification des données et de suppression des contenus, ainsi qu'en réparation des préjudices moral et économique en résultant, peut réclamer, devant les juridictions de chaque Etat membre sur le territoire duquel un contenu mis en ligne est ou a été accessible, l'indemnisation du dommage causé sur le territoire de cet Etat membre, conformément à l'arrêt « eDate Advertising » (points 51 et 52) ou si, en application de l'arrêt « Svensk Handel » (point 48), elle doit porter cette demande indemnitaire devant la juridiction compétente pour ordonner la rectification des données et la suppression des commentaires dénigrants.

Cette question, qui est déterminante pour la solution du litige que doit trancher la Cour de cassation, pose une difficulté sérieuse d'interprétation du droit de l'Union européenne, de sorte qu’elle renvoie la question préjudicielle précitée.

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