Le Quotidien du 27 avril 2020 : Procédure pénale

[Brèves] Restitutions et principe de proportionnalité de l’atteinte au droit de propriété

Réf. : Cass. crim., 18 mars 2020, n° 19-82.978, F-P+B+I (N° Lexbase : A49563KR)

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par June Perot

le 22 Avril 2020

► Hormis le cas où le bien saisi constitue, dans sa totalité, l'objet ou le produit de l'infraction ou la valeur de ceux-ci, le juge qui en refuse la restitution, doit apprécier le caractère proportionné de l'atteinte ainsi portée au droit de propriété de l'intéressé, au regard de la situation personnelle de ce dernier et de la gravité concrète des faits, lorsqu'une telle garantie est invoquée ou procéder à cet examen d'office lorsqu'il s'agit d'une saisie de patrimoine ;

dès lors, justifie sa décision la cour d’appel qui, en l'état d’énonciations relevant de son pouvoir souverain d'appréciation, dont il résulte que les biens saisis constituent le produit et, s'agissant de l'ordinateur, l'instrument de l'infraction, et dès lors que le demandeur ne démontre pas, ni même n'allègue, avoir invoqué le caractère disproportionné du maintien des saisies pénales prononcé par elle, refuse la restitution de ces biens.

C’est ainsi que se prononce la Chambre criminelle de la Cour de cassation dans un arrêt rendu le 18 mars 2020 (Cass. crim., 18 mars 2020, n° 19-82.978, F-P+B+I N° Lexbase : A49563KR).

Résumé des faits. Un homme a été déclaré coupable par la chambre correctionnelle d’une cour d’appel du chef de pratiques commerciales trompeuses commises au préjudice de 21 personnes. Une peine de huit mois d'emprisonnement avec sursis et mise à l'épreuve partiel a été prononcée à son encontre. La cour d'appel a toutefois omis de se prononcer sur la restitution des objets saisis dans le cadre de la procédure, et notamment, de la somme de 2 944,61 euros figurant au solde créditeur d'un compte bancaire dont est titulaire le condamné auprès de l'établissement bancaire LCL, et d'un ordinateur portable.

L’intéressé a alors formé une demande de restitution en application de l’article 41-4 du Code de procédure pénale (N° Lexbase : L7474LPI), laquelle a été refusée au motif que les biens constituaient l’instrument ou le produit direct ou indirect des infractions, en l'espèce des pratiques commerciales trompeuses commises par le requérant au préjudice de six victimes.

Il a alors formé un recours contre cette décision.

Recours. Pour refuser de restituer les biens saisis dont l’intéressé demande la restitution, l'arrêt relève que l'article 41-4 du Code de procédure pénale énonce, dans sa dernière version, notamment, qu'il n'y a pas lieu à restitution lorsque le bien saisi est l'instrument ou le produit direct ou indirect de l'infraction et que la décision de non-restitution peut être fondée sur l'un de ces motifs ou pour tout autre motif, formule qui préexistait à la dernière modification de ces dispositions par la loi n° 2016-731 du 3 juin 2016 (N° Lexbase : L4202K87).

Les juges ajoutent qu'il résulte du dossier que l’intéressé a été condamné du chef de pratiques commerciales trompeuses au préjudice de six victimes, que ces pratiques ont généré un chiffre d'affaires et des revenus, ce d'autant qu'il était le gérant de fait d’une société, elle-même condamnée pour des infractions similaires.

Ils en concluent que l'ordinateur et les sommes saisis peuvent être considérés à la fois comme constituant le produit des infractions au sens de l'article 41-4 du Code de procédure pénale et également comme l'instrument ayant permis la commission des infractions dans la mesure où l'ordinateur personnel de l’intéressé lui a permis de procéder à la gestion de fait de sa société.

Un pourvoi est formé.

Décision. La Haute juridiction énonce qu’hormis le cas où le bien saisi constitue, dans sa totalité, l'objet ou le produit de l'infraction ou la valeur de ceux-ci, le juge qui en refuse la restitution, doit apprécier le caractère proportionné de l'atteinte ainsi portée au droit de propriété de l'intéressé, au regard de la situation personnelle de ce dernier et de la gravité concrète des faits, lorsqu'une telle garantie est invoquée ou procéder à cet examen d'office lorsqu'il s'agit d'une saisie de patrimoine.

Elle considère qu’en l'état de ces énonciations relevant de son pouvoir souverain d'appréciation, dont il résulte que les biens saisis constituent le produit et, s'agissant de l'ordinateur, l'instrument de l'infraction, et dès lors que le demandeur ne démontre pas, ni même n'allègue, avoir invoqué le caractère disproportionné du maintien des saisies pénales prononcé par elle, la cour d'appel a justifié sa décision.

Rappelons que lorsqu'une juridiction de jugement épuise sa compétence sans avoir statué sur le sort des biens placés sous main de justice, l'article 41-4 du Code de procédure pénale donne compétence au procureur de la République pour statuer sur la demande de restitution. Cette même disposition prévoit qu'il n'y a pas lieu à restitution lorsque le bien saisi est l'instrument ou le produit de l'infraction.

Ainsi, lorsque le bien est l'instrument de l'infraction, un requérant peut invoquer la disproportion de l'atteinte que porterait au droit de propriété le maintien de la saisie.

Pour aller plus loin

Cf. l’Ouvrage « Procédure pénale » (dir. J.-B. Perrier), ETUDE : Les actes d'investigation, Les perquisitions et saisies, Les saisies J.-Y. Maréchal (N° Lexbase : E7356ZKN)

 

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