La lettre juridique n°466 du 15 décembre 2011 : Entreprises en difficulté

[Chronique] Chronique mensuelle de droit des entreprises en difficulté - Décembre 2011

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par Pierre-Michel Le Corre, Professeur à l'Université de Nice Sophia Antipolis et Emmanuelle Le Corre-Broly, Maître de conférences à l'Université du Sud-Toulon-Var

le 15 Décembre 2011

Lexbase Hebdo - édition affaires vous propose de retrouver, cette semaine, la chronique de Pierre-Michel Le Corre, Professeur à l'Université de Nice Sophia Antipolis, Directeur du Master 2 Droit des difficultés d'entreprises et Emmanuelle Le Corre-Broly, Maître de conférences à l'Université du Sud-Toulon-Var, Directrice du Master 2 Droit de la banque et de la société financière de la Faculté de droit de Toulon, retraçant l'essentiel de l'actualité juridique rendue en matière de procédures collectives. Ce mois-ci, les auteurs ont choisi de s'arrêter sur deux arrêts rendus par la Chambre commerciale de la Cour de cassation, tous deux promis aux honneurs du Bulletin. Dans le premier, en date du 22 novembre 2011 et commenté par Emmanuelle Le Corre-Broly, la Cour régulatrice avait à répondre à la question de savoir s'il y a lieu au paiement de tous les dividendes arriérés et, dans l'affirmative, à quelle date, lorsque l'admission définitive d'une créance intervient alors qu'un ou plusieurs dividendes du plan ont déjà été versés. La position adoptée par la Haute juridiction est limpide : si la créance a été contestée et si l'admission définitive de la créance intervient alors qu'un ou plusieurs dividendes du plan ont déjà été versés, il y a place au paiement de tous les dividendes arriérés, sitôt effectuée la notification de l'ordonnance du juge-commissaire ou, en cas d'appel, de la signification de la décision d'admission de la créance au passif. Enfin, dans le second arrêt sélectionné ce mois-ci, daté du 8 décembre 2011 et commenté par le Professeur Le Corre, la Chambre commerciale, prend position sur l'épineuse question de savoir si une nouvelle dénonciation s'impose à l'organe ayant qualité à recevoir les dénonciations de saisies, dans le délai de huitaine, lorsque la saisie a été dénoncée avant l'ouverture de la procédure collective entre les mains du débiteur.
  • Le règlement des créanciers admis au passif postérieurement au règlement des premiers dividendes du plan (Cass. com., 22 novembre 2011, n° 10-24.129, F-P+B N° Lexbase : A0014H3W)

Comme en témoigne la pratique, la route de l'admission de la créance au passif du débiteur en difficulté peut être longue et ponctuée de nombreuses étapes : les expertises, les multiples renvois avant plaidoiries, l'exercice de voies de recours en sont les principales. Dans ces conditions, il est fréquent que la décision définitive d'admission de la créance au passif intervienne plusieurs mois, voire plusieurs années, après l'arrêté du plan de continuation (sous l'empire de la loi du 25 janvier 1985 N° Lexbase : L4126BMR), de sauvegarde ou de redressement (sous l'empire de la loi du 26 juillet 2005 N° Lexbase : L5150HGT). En conséquence, les premiers dividendes du plan auront déjà été versés à certains créanciers, alors que la créance d'autres créanciers n'aura pas encore été admise au passif. Une importante question intéresse alors ces créanciers qui prendront "le train en marche", une fois leur créance admise : si l'admission définitive de la créance intervient alors qu'un ou plusieurs dividendes du plan ont déjà été versés, y aura-t-il lieu au paiement de tous les dividendes arriérés et, dans l'affirmative, à quelle date ? Telle est la question à laquelle répond la Chambre commerciale de la Cour de cassation, dans un arrêt, appelé à la publication au Bulletin, rendu le 22 novembre 2011.

En l'espèce, une société avait été placée en redressement judiciaire en mai 2005. A l'issue de la période d'observation, un plan de continuation avait été arrêté, lequel prévoyait le paiement de la totalité du passif "tel qu'il sera définitivement admis" en dix annuités, la première étant payable le 31 décembre 2007. A l'ouverture de la procédure collective, la trésorerie d'Alès avait déclaré une créance qui avait fait l'objet d'une contestation. Ce n'est que par un arrêt rendu le 17 juin 2010 que la cour d'appel de Nîmes devait définitivement fixer le montant de l'admission au passif (CA Nîmes, 2ème ch., sect. B, 17 juin 2010, n° 08/04298 N° Lexbase : A8282E7U). La décision des juges d'appel avait, en outre, précisé que le paiement des trois premières annuités -dont le paiement était prévu par le plan les 31 décembre 2007, 2008 et 2009-, d'un montant respectif de 5 %, 5 % et 7 % de la créance, devrait être effectué lorsque l'arrêt d'appel serait signifié.

Le débiteur et le représentant des créanciers s'étaient pourvus en cassation, en faisant grief à l'arrêt de la cour d'appel d'avoir prévu le paiement des dividendes arriérés. Au soutien de leur pourvoi, ils soutenaient que l'admission définitive de la créance n'ouvrirait pas droit aux créanciers à participer à la répartition des échéances du plan antérieures à cette admission, mais leur permettrait seulement de participer à la répartition des échéances postérieures.

La Chambre commerciale rejette le pourvoi dans les termes suivants : "attendu qu'ayant relevé que le jugement du 19 décembre 2006 [le jugement arrêtant le plan] prévoyait un paiement intégral de chaque créance chirographaire définitivement admise en dix échéances à compter du 31 décembre 2007, la cour d'appel qui a ordonné l'admission de la créance du trésorier au passif de [la société débitrice...] a, à bon droit et sans méconnaître l'autorité de chose jugée attachée à ce jugement, dit que le paiement des annuités échues devra être effectuée lorsque l'arrêt sera signifié".

La position adoptée par la Chambre commerciale est limpide : si la créance a été contestée et si l'admission définitive de la créance intervient alors qu'un ou plusieurs dividendes du plan ont déjà été versés, il y a place au paiement de tous les dividendes arriérés, sitôt effectuée la notification de l'ordonnance du juge-commissaire ou, en cas d'appel, de la signification de la décision d'admission de la créance au passif.

C'est la première fois, à notre connaissance, que les Hauts magistrats se prononcent sur cette question, pourtant d'une grande importance pratique et dont la problématique a, sans nul doute, dû se présenter à de multiples reprises. La réponse apportée doit être approuvée sans réserve.

En effet, au regard des textes, on ne peut que constater une totale déconnection entre l'absence d'admission définitive des créances et la propension à participer au plan, ce qui ne cadre pas avec l'idée qu'il ne pourrait y avoir de régularisation des dividendes arriérés après admission définitive de la créance. Cette autonomie des procédures d'élaboration du plan, d'un côté, de vérification et d'admission des créances, d'un autre côté, peut être observée à plusieurs titres.

D'abord, en période d'observation, les créanciers antérieurs sont consultés, peu important que leur qualité de créancier n'ait pas encore été établie par une décision judiciaire. Cette consultation ne préjuge évidemment pas de leur admission comme cela résulte de l'article L. 626-21, alinéa 1er, du Code de commerce (N° Lexbase : L2323IND ; C. com., art. L. 621-79, al. 1er N° Lexbase : L6931AIK, sous l'empire de la loi du 25 janvier 1985) qui dispose que "l'inscription d'une créance au plan et l'octroi de délais ou remises par le créancier ne préjuge pas l'admission définitive de la créance au passif". Le créancier ne peut donc pas, du seul fait qu'il a été consulté, prétendre à une reconnaissance de dette. Ce n'est que dans la mesure de son admission ultérieure au passif que les droits du créancier consulté devront être pris en compte pour son règlement effectif dans le cadre du plan.

On remarquera encore que le créancier qui n'a pas encore été définitivement admis au passif peut toucher, à titre provisionnel, des dividendes. L'article L. 626-21, alinéa 2, prévoit que si le mandataire judiciaire a proposé l'admission d'une créance non contestée, le versement de dividendes peut intervenir, à titre provisionnel, sitôt la décision arrêtant le plan devenue définitive, à condition que ce paiement provisionnel soit prévu par celle-ci. Si le créancier perçoit, dans le cadre de ces dividendes provisionnels, plus que ce à quoi il a droit compte tenu, ultérieurement, de son admission ou non au passif, il y a bien évidemment lieu à répétition de l'indu (1). Il est logique qu'en sens inverse, le créancier puisse bénéficier du paiement des dividendes arriérés lorsque la créance contestée est définitivement admise postérieurement au paiement de certains dividendes.

La solution posée par cet arrêt, si elle cadre parfaitement avec cette déconnection existant entre l'adoption du plan, le règlement du créancier et son admission définitive, présente en outre le mérite d'éviter que le débiteur, par l'intermédiaire du mandataire judiciaire, soit tenté, à des fins dilatoires, de contester ou d'exercer des voies de recours aux fins de différer la décision d'admission de la créance afin que celle-ci intervienne le plus tardivement possible et donc après le paiement des premiers dividendes du plan. Le créancier n'a pas à être pénalisé par des lenteurs procédurales conduisant à une admission tardive de sa créance. Doivent ainsi être dissipées toutes les inquiétudes du créancier qui ne serait admis qu'après le règlement de certains dividendes du plan. Il pourra rattraper le retard pris au jour de la notification ou de la signification de la décision d'admission de la créance au passif, en obtenant le paiement de tous les dividendes arriérés.

Il apparaît que cette décision, dont l'importance est soulignée par sa publication au Bulletin, est de principe. Ainsi, même s'il est conseillé au créancier de solliciter du juge qui admettra sa créance qu'il mentionne, dans sa décision, la possibilité d'obtenir le paiement des dividendes arriérés, il n'apparaît pas discutable que, nonobstant l'absence de toute précision en ce sens, le créancier pourra exiger la paiement de ces dividendes arriérés.

Notons que la situation du créancier qui a déclaré sa créance dans les délais et qui est admis alors que certains dividendes du plan ont d'ores et déjà été réglés, doit être distinguée de celle du créancier relevé de la forclusion. Certes, par principe, le créancier qui est relevé de forclusion, peut être admis dans les répartitions et les dividendes comme les créanciers ayant déclaré dans les délais. Cependant, si des distributions sont déjà intervenues au jour de sa demande, le créancier doit, pour reprendre l'expression d'un auteur, "en faire son deuil" (2), dans la mesure où l'article L. 622-26, alinéa 1er, du Code de commerce (N° Lexbase : L2534IEL) prévoit que les créanciers relevés de forclusion "ne peuvent alors concourir que pour les distributions postérieures à leur demande". Cependant, en pratique, il y a fort à parier que leur demande sera antérieure au versement du premier dividende dans la mesure où la demande en relevé de forclusion doit désormais être effectuée dans un délai relativement court : celui de six mois à compter de la publication du jugement d'ouverture au BODACC (3), délai porté à un an pour les créanciers placés dans l'impossibilité de connaître l'existence de leur créance avant l'expiration de ce délai de six mois (C. com., art. L. 622-26, al. 3). Il n'en demeure pas moins que ce n'est que dans cette seule hypothèse, et parce qu'un texte spécial le prévoit, qu'un créancier pourtant finalement admis -en l'occurrence, le créancier relevé de forclusion- est susceptible d'être privé du droit de bénéficier de tous les dividendes prévus dans le cadre du plan. Un tel texte est restrictif de droit et mérite, à ce titre, une interprétation restrictive. Il est exclu de l'étendre à des hypothèses voisines, comme celle sur laquelle nous raisonnons. Par conséquent, à défaut de texte spécial en ce sens, il est radicalement inconcevable de priver un créancier diligent (c'est-à-dire qui a déclaré sa créance dans les délais), mais finalement admis après le paiement de certains dividendes du plan, de la possibilité de prétendre, lorsque la décision définitive d'admission lui aura été notifiée, au paiement des dividendes arriérés.

Emmanuelle Le Corre-Broly, Maître de conférences à l'Université du Sud-Toulon-Var, Directrice du Master 2 Droit de la banque et de la société financière

  • Dénonciation d'une saisie-attribution aux organes de la procédure collective (Cass. civ. 2, 8 décembre 2011, n° 10-24.420, FS-P+B N° Lexbase : A1972H4S)

Les règles de l'administration contrôlée en période d'observation d'une procédure de sauvegarde ou de redressement judiciaire et celles du dessaisissement dans la liquidation judiciaire exercent une influence sur la conduite des procédures et la dénonciation des actes de procédure. La saisie-attribution n'échappe pas à la règle lorsque le débiteur est le saisi.

La difficulté ne peut en réalité se poser que lorsque la saisie n'a pas joué avant le jugement d'ouverture de la procédure lorsqu'elle concerne une créance antérieure, soumise à la discipline collective, et plus spécialement à la règle de l'arrêt des voies d'exécution.

L'article L. 622-21, II du Code de commerce (N° Lexbase : L3741HB8), dans la rédaction que lui donne la loi de sauvegarde des entreprises (loi n° 2005-845 N° Lexbase : L5150HGT), n'a pas pour objet de remettre en cause les situations acquises. De même que les actions résolutoires ayant joué au jour du jugement d'ouverture ne seront pas remises en cause, les voies d'exécution terminées à cette date ne seront pas affectées par la règle de l'arrêt des voies d'exécution. Une saisie-attribution a joué au jour du jugement d'ouverture si, au plus tard la veille de cet événement, la saisie a été signifiée au tiers saisi. La rétroactivité de celui-ci à zéro heure de sa date conduit en effet à considérer que la saisie pratiquée le jour du jugement d'ouverture est effectuée après jugement (4), même si le contraire a aussi été jugé (5).

La saisie-attribution produit un effet attributif immédiat au profit du saisissant à concurrence de la créance saisie disponible entre les mains du tiers, et ne peut en conséquence plus être remise en cause, si à la date du jugement d'ouverture, l'acte de saisie a été signifié au tiers saisi (6). La créance, qui a fait l'objet d'une saisie-attribution effectuée avant le jugement d'ouverture et qui a produit ses effets, est définitivement sortie du patrimoine du débiteur saisi et est entrée, par l'effet de la saisie-attribution, dans celui du créancier. Elle n'a donc pas à être déclarée (7).

Il importera peu que la dénonciation n'ait pas été effectuée au débiteur saisi, à cette date (8), cette mesure n'étant pas considérée comme une voie d'exécution (9).

Si la saisie a joué au jour du jugement, parce qu'elle a été signifiée au tiers saisi au plus tard la veille, elle doit être dénoncée dans les huit jours. Ce délai de huitaine est la source de certaines difficultés, si la date du jugement d'ouverture est comprise à l'intérieur de ce délai.

Deux situations sont alors à distinguer.

Dans une première situation, qui a fait l'objet d'arrêts de la Cour de cassation, la dénonciation au tiers saisi, dans le délai de huitaine, n'a pas été faite avant le jugement d'ouverture, et plus exactement au plus tard la veille du jugement d'ouverture. En ce cas, il faut observer les règles d'assistance et de représentation du débiteur, pour savoir à qui la saisie doit être dénoncée.

Dans la procédure de sauvegarde, en présence d'un administrateur, la dénonciation s'imposait à cet organe, quelle que soit sa mission, sous l'empire de la loi de sauvegarde des entreprises, dans sa rédaction d'origine. La solution manquait assurément de logique. Plus justement, depuis l'ordonnance du 18 décembre 2008 (ordonnance n° 2008-1345, portant réforme du droit des entreprises en difficulté N° Lexbase : L2777ICT), la dénonciation à l'administrateur ne s'impose que s'il a une mission d'assistance (C. com., art. L. 622-23 N° Lexbase : L3488IC8). En ce cas, la dénonciation doit être faite, d'une part, au débiteur et, d'autre part, à son administrateur. Si ce dernier n'a qu'une mission de surveillance, la dénonciation au débiteur est suffisante, nonobstant l'ouverture de sa sauvegarde. La solution est la même, en l'absence d'administrateur. L'absence de dénonciation au débiteur dans le délai entraînera caducité de la saisie (10).

Dans la procédure de redressement judiciaire, à défaut d'administrateur, la dénonciation doit être effectuée entre les mains du débiteur. En présence d'un administrateur, la dénonciation à cet organe s'impose, de manière systématique. Si l'administrateur a une mission d'assistance, la solution dégagée pour la procédure de sauvegarde est applicable en redressement judiciaire. Si l'administrateur a une mission d'administration, il représente le débiteur. En ce cas, la dénonciation s'impose au seul administrateur (C. com., art. L. 631-14, al. 5 N° Lexbase : L2453IEL).

La situation est comparable en liquidation judiciaire. Du fait des règles du dessaisissement, la dénonciation s'impose au liquidateur.

Une hésitation est permise lorsqu'un administrateur est en fonction en liquidation judiciaire.

L'administrateur judiciaire, nommé en liquidation judiciaire pour administrer l'entreprise, devient le chef d'entreprise intérimaire, comme cela est le cas en période d'observation ; il prend l'une des trois fonctions d'un liquidateur classique : celle de représentation des droits patrimoniaux du débiteur.

La signification des actes et des décisions de justice intéressant le patrimoine du débiteur doit intervenir entre les mains de l'administrateur judiciaire. Les saisies-attributions pratiquées par des créanciers postérieurs méritants -créanciers de l'article L. 622-17 (N° Lexbase : L3493ICD) ou de l'article L. 641-13 du Code de commerce (N° Lexbase : L3405IC4)-, doivent être dénoncées à l'administrateur judiciaire. De la même façon, la dénonciation après jugement d'ouverture d'une saisie pratiquée avant le jugement d'ouverture doit intervenir entre les mains de l'administrateur judiciaire nommé en liquidation pour assurer la poursuite provisoire de l'activité.

L'absence de dénonciation à l'organe compétent, dans le délai de huit jours, de la saisie pratiquée emportera sa caducité (11). Précisons toutefois que le tiers saisi qui n'a pas qualité pour se prévaloir de cette absence de dénonciation (12). La Cour de cassation n'admet pas que le délai de dénonciation se trouve interrompu par l'effet du jugement d'ouverture (13).

Précisons, en outre, que, dans la procédure de sauvegarde et de redressement, indépendamment de la désignation d'un administrateur judiciaire et quelle que soit sa mission, la dénonciation au mandataire judiciaire s'impose. Cependant, le délai de huitaine posé par la législation des voies d'exécution n'intéresse, nous semble-t-il, que le débiteur, son assistant ou son représentant. La dénonciation n'a donc pas, à notre sens, à être faite, à peine de caducité, au mandataire judiciaire, dans le délai de huitaine. Cependant, tant qu'elle ne sera pas intervenue, la saisie sera inopposable à la procédure collective.

Dans une seconde situation, la saisie a été dénoncée avant l'ouverture de la procédure collective. Cela n'est possible qu'entre les mains du débiteur. La question qui se pose alors, et qui est au coeur de l'arrêt commenté, est de savoir si une nouvelle dénonciation s'impose à l'organe ayant qualité à recevoir les dénonciations de saisies, dans le délai de huitaine, sauf caducité de la saisie-attribution pratiquée.

A cette question, censurant la décision des juges du fond, la Cour de cassation répond qu'une nouvelle dénonciation n'est pas exigée, alors que la saisie-attribution avait été dénoncée dans le délai légal au débiteur à la tête de ses biens.

La solution est sans surprise. Dès lors qu'au jour de la dénonciation, cette dernière a valablement été effectuée à une personne ayant qualité pour la recevoir, une nouvelle dénonciation est inutile.

Cela ne signifie pas que l'organe assistant ou représentant le débiteur soit désarmé. En effet, si la dénonciation est faite, comme le prévoit la loi dans le délai de huitaine de la signification de la saisie, et si à l'intérieur du délai de huitaine survient le jugement d'ouverture, cela signifie que l'administrateur judiciaire qui assiste ou représente le débiteur, ou, en cas de liquidation judiciaire, le liquidateur qui représente le débiteur, ne peut bénéficier d'un délai complet pour contester la saisie devant le juge de l'exécution.

La Cour de cassation a déjà été confrontée à cette problématique. Elle admet l'interruption du délai de contestation si, pendant son cours, survient la liquidation (14). La solution est la même si, pendant le cours du délai, un jugement de sauvegarde ou de redressement, dans lequel un administrateur, ayant reçu une mission d'assistance (en sauvegarde ou en redressement judiciaire) ou d'administration (en redressement judiciaire), a été nommé.

Comme le précise, dans l'arrêt rapporté, la Cour de cassation, l'absence de dénonciation à l'organe assistant ou représentant le débiteur ne s'impose pas à peine de caducité. En revanche, si l'administrateur a des moyens à invoquer pour contester la saisie, il le pourra, faute pour cette dernière d'être à l'abri d'un recours. Seule une nouvelle dénonciation, qui n'est pas enfermée dans le délai de huitaine de la signification au tiers saisi (15), permettra de rendre définitive la saisie en la mettant à l'abri d'un recours.

Ainsi, une chose est d'admettre que l'efficacité de la saisie ne nécessite pas une nouvelle dénonciation à l'organe assistant ou représentant le débiteur. Une autre chose est de considérer que la saisie puisse devenir définitive par l'écoulement du délai de contestation. Efficace, la saisie le sera. Définitive, la saisie ne le sera qu'au prix d'une nouvelle dénonciation.

Pierre-Michel Le Corre, Professeur à l'Université de Nice Sophia Antipolis, Directeur du Master 2 Droit des difficultés d'entreprises


(1) CA Paris, 3ème ch., sect. B, 8 novembre 2007, n° 06/20420 (N° Lexbase : A5248D3R).
(2) P.-M. Le Corre, Droit et pratique des procédures collectives, Dalloz Action, 6ème éd., 2012/2013, n° 665.57.
(3) Ce délai était, sous l'empire de la législation antérieure à la loi de sauvegarde des entreprises, d'un an, et de façon peu orthodoxe par rapport à l'exigence du droit au procès équitable posé par l'article 6 § 1 de la CESDH (N° Lexbase : L7558AIR), courait à compter du jugement d'ouverture, évènement inconnu des créanciers.
(4) TGI Marmande, Jex, 24 septembre 1993, Rev. huissiers, 1994, 653 ; CA Montpellier, 2ème ch., sect. B, 20 avril 2004, RD banc. et fin., 2005/2, p. 28, n° 59, note F.-X. Lucas ; adde, P. Canet, Les voies d'exécution issues de la loi du 9 juillet 1991 face au redressement et à la liquidation judiciaires, Rev. proc. coll., 1995, 265, spéc. p. 268.
(5) CA Caen, 1ère ch., sect. civ., 29 avril 1997, Rev. proc. coll., 1997, 417, obs. Cadiou.
(6) Cass. com., 13 octobre 1998, n° 96-14.295, publié (N° Lexbase : A5719ACS), Bull. civ. IV, n° 237, Gaz. Pal., 1999, n° 245, p. 17, note M. Veron, D. Affaires, 1998, 2018, obs. A. Lienhard, Rev. proc. coll., 1999, 106, n° 18, obs. Canet ; Cass. com., 19 juin 2007, n° 06-12.916, F-D (N° Lexbase : A8736DWH), Gaz. proc. coll., 2007/4, p. 44, note I. Rohart-Messager.
(7) Cass. com., 3 mai 2011, n° 10-16.155, F-D (N° Lexbase : A2514HQ8), Gaz. pal., 9 juillet 2011, n° 189, p. 27, note Ph. Roussel Galle ; BJE, septembre/octobre 2011, comm. 118, p. 254, note M. Laroche.
(8) TGI Laval, Jex, 2 avril 1996 et TGI Laval, Jex, 23 avril 1996, D., 1997, jur. 43, note J. Prévault.
(9) TGI Lyon, Jex, 23 avril 1996, D., 1997, jur. 43, note J. Prévault.
(10) Cass. com. 13 octobre 1998, n° 96-14.295, préc. et note préc..
(11) Cass. com., 19 février 2002, n° 98-22.727, FS-P (N° Lexbase : A0220AYS), Bull. civ. IV, n° 37, D., 2002, AJ 1070, obs. V. Avena-Robardet, Act. proc. coll., 2002/6, n° 77, RD banc. et fin., 2002/3, p. 135, n° 105, obs. F.-X. Lucas, RD banc. et fin., 2002/3, p. 138, n° 109, obs. J.-M. Delleci, RJ com., 2002, n° 1604, obs. J.-L. Courtier ; Cass. com., 20 octobre 2009, n° 08-16.629, F-D, Rev. proc. coll. 2010/2, comm. 82, p. 72, note G. Berthelot ; CA Rennes, 1ère ch., sect. B, 16 mai 2002, n° 00/07127 (N° Lexbase : A9256DN7), RD banc. et fin., 2002/4, n° 146, obs. F.-X. Lucas.
(12) Cass. com., 10 juin 2008, n° 06-13.054, F-D (N° Lexbase : A0513D9U), RTDCiv., 2008, 555, n° 9, obs. R. Perrot ; CA Aix-en-Provence, 15ème ch., sect. A, 30 avril 2010, n° 08/22605 (N° Lexbase : A7462EZE).
(13) Cass. com., 4 mars 2003, n° 00-13.020, FS-P+B (N° Lexbase : A3568A7B), Bull. civ. IV, n° 34 ; D., 2003, AJ 907, obs. A. Lienhard ; Act. proc. coll., 2003/8, n° 104 ; D., 2003, somm. 1623, obs. F.-X. Lucas ; JCP éd. E, 2003, chron. 1396, p. 1576, n° 17, obs. Ph. Pétel ; JCP éd. E 2003, jur. 708, p. 814, note Ch. Delattre ; RD banc. et fin., 2003/3, n° 118, p. 170, obs. Delecci ; Procédures, juillet 2003, p. 10, n° 167, note R. Perrot ; Gaz. Pal., 5-6 septembre 2003, somm. 7, note Denner ; P.-M. Le Corre, La dénonciation au liquidateur d'une saisie-attribution ayant joué au jour du jugement d'ouverture, Lexbase Hebdo n° 66 du 10 avril 2003 - édition affaires (N° Lexbase : N6797AAY).
(14) Com. 19 janv. 1999, n° 96-18.256, n° 96-18.256, publié, Bull. civ. IV, n° 17 ; LPA, 9 mars 1999, n° 48, p. 8, note P. M. ; LPA, 1999, n° 94, p. 26, note F. Derrida ; D. Affaires, 1999, 478 ; JCP éd.E, 1999, chron. 815, n° 13, obs. P. P. ; RJ com., 2000, n° 1548, p. 29, note J.-L. Courtier ; D., 1999, jur. 245, note F. Derrida ; Defrénois, 2000, n° 1, p. 45, obs. J.-P. Sénéchal.
(15) Ph. Théry, L'incidence d'une procédure collective sur les procédures civiles d'exécution, Dr. et proc., 2002/3, p. 140, spéc. p. 144.

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