Le Quotidien du 20 février 2020 : Concurrence

[Brèves] Indemnisation du préjudice résultant des pratiques commerciales trompeuses : prise en compte de l’économie injustement réalisée

Réf. : Cass. com., 12 février 2020, n° 17-31.614, FS-P+B+R+I (N° Lexbase : A27263EP)

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par Vincent Téchené

le 19 Février 2020

► Appelée à statuer sur la réparation d’un préjudice résultant d’une pratique commerciale trompeuse pour le consommateur, conférant à son auteur un avantage concurrentiel indu par rapport à ses concurrents, les juges peuvent, pour évaluer l’indemnité devant être allouée, tenir compte de l’économie injustement réalisée.

Tel est l’enseignement d’un arrêt rendu par la Chambre commerciale de la Cour de cassation le 12 février 2020 (Cass. com., 12 février 2020, n° 17-31.614, FS-P+B+R+I N° Lexbase : A27263EP).

L’affaire.  La société A, spécialisée dans la création et la fabrication de produits d’arts de la table en cristal a assigné la société B, qui commercialise des produits en cristal fabriqués, taillés et polis en Chine et en Europe ainsi que des produits en verre, cristallin et luxion, lui reprochant des pratiques commerciales trompeuses consistant à laisser croire dans ses catalogues que l’ensemble de ses produits serait en cristal, à les présenter comme étant «made in France» et à se présenter elle-même comme un «haut lieu du verre taillé en Lorraine» et un «spécialiste de la taille». La société B ayant été condamné à payer 300 000 euros en réparation de son préjudice résultant des actes de concurrence déloyale par pratique commerciale trompeuse et tromperie, elle a formé un pourvoi en cassation.

La décision. Faisant œuvre de pédagogie, c’est aux termes d’un raisonnement particulièrement étayé, qu’il convient de reproduire, que la Chambre commerciale rejette le pourvoi.

Ainsi, elle commence par énoncer que le propre de la responsabilité civile est de rétablir, aussi exactement que possible, l’équilibre détruit par le dommage et de replacer la victime dans la situation où elle se serait trouvée si l’acte dommageable n’avait pas eu lieu, sans perte ni profit pour elle.

Elle rappelle ensuite qu’elle juge traditionnellement que «le juge apprécie souverainement le montant du préjudice, dont il justifie l’existence par la seule évaluation qu’il en fait, sans être tenu d’en préciser les divers éléments» (v. not. Ass. plén., 26 mars 1999, n° 95-20.640, publié N° Lexbase : A0535CKZ ; Cass. mixte, 6 septembre 2002, n° 98-22.981, publié N° Lexbase : A2644AZX ; Cass. civ., 2, 21 avril 2005, n° 04-06.023, FS-P+B N° Lexbase : A9709DH3 ; Cass. com., 16 janvier 2007, n° 05-16.222, F-D  N° Lexbase : A6164DTH). Mais elle juge également que méconnaît son office le juge qui refuse d’évaluer un dommage dont il a constaté l’existence en son principe (v. not. Cass. civ. 3, 6 février 2002, n° 00-10.543, FS-P+B N° Lexbase : A9344AXD ; Cass. civ. 3, 2 février 2011, n° 10-30.427, FS-D N° Lexbase : A3718GR7 ; Cass. com., 10 janvier 2018, n° 16-21.500 F-D N° Lexbase : A2029XAE) et qu’il ne peut allouer une réparation forfaitaire (v. not. Cass. civ. 1, 3 juillet 1996, n° 94-14.820 ; n° 94-14.820 N° Lexbase : A8519AB7 ; Cass. com., 23 novembre 2010, n° 09-71.665 F-D N° Lexbase : A7606GLB ; Cass. com., 3 juillet 2019, n° 17-18.681, F-D N° Lexbase : A3019ZIN), c’est-à-dire sans rapport avec l’étendue du préjudice subi.

En matière de responsabilité pour concurrence déloyale, la Chambre commerciale retient qu’il s’infère nécessairement un préjudice, fût-il seulement moral, d’un acte de concurrence déloyale (v. not. Cass. com., 22 octobre 1985, n° 83-15.096, publié N° Lexbase : A4344AA7 ; Cass. com., 11 janvier 2017, n° 15-18.669, F-D N° Lexbase : A0751S8C).

Puis la Cour de cassation poursuit son raisonnement, indiquant que cette jurisprudence, qui énonce une présomption de préjudice, sans pour autant dispenser le demandeur de démontrer l’étendue de celui-ci, répond à la nécessité de permettre aux juges une moindre exigence probatoire, lorsque le préjudice est particulièrement difficile à démontrer. En effet, précise-t-elle, si les effets préjudiciables de pratiques tendant à détourner ou s’approprier la clientèle ou à désorganiser l’entreprise du concurrent peuvent être assez aisément démontrés, en ce qu’elles induisent des conséquences économiques négatives pour la victime, soit un manque à gagner et une perte subie, y compris sous l’angle d’une perte de chance, tel n’est pas le cas de ceux des pratiques consistant à parasiter les efforts et les investissements, intellectuels, matériels ou promotionnels, d’un concurrent, ou à s’affranchir d’une réglementation, dont le respect a nécessairement un coût, tous actes qui, en ce qu’ils permettent à l’auteur des pratiques de s’épargner une dépense en principe obligatoire, induisent un avantage concurrentiel indu dont les effets, en termes de trouble économique, sont difficiles à quantifier avec les éléments de preuve disponibles, sauf à engager des dépenses disproportionnées au regard des intérêts en jeu.

Lorsque tel est le cas, il y a lieu d’admettre que la réparation du préjudice peut être évaluée en prenant en considération l’avantage indu que s’est octroyé l’auteur des actes de concurrence déloyale, au détriment de ses concurrents, modulé à proportion des volumes d’affaires respectifs des parties affectés par ces actes.

Ainsi, en conclue-telle que, appelée à statuer sur la réparation d’un préjudice résultant d’une pratique commerciale trompeuse pour le consommateur, conférant à son auteur un avantage concurrentiel indu par rapport à ses concurrents, la cour d’appel a pu, pour évaluer l’indemnité devant être allouée tenir compte de l’économie injustement réalisée, qu’elle a modulée en tenant compte des volumes d’affaires respectifs des parties affectés par lesdits agissements.

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