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N9091BSI
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par Anne-Laure Blouet Patin, Directrice de la Rédaction
le 08 Décembre 2011
Cette mission de défense et d'assistance de l'avocat se traduit aussi dans l'activité quotidienne du Barreau de Nancy. Ainsi, depuis le début du mandat du Bâtonnier Stéphane Massé et à ce jour, il a été procédé à plus de 900 commissions d'office, 465 désignations en matière d'aide juridictionnelle civile, 98 devant les juridictions administratives, 170 pour les auditions d'enfants. Ont été assurées 216 audiences devant le juge des enfants, 92 devant le tribunal pour enfants et 40 devant la chambre spéciale des mineurs de la cour. Enfin, 450 ordonnances de fixation d'honoraires ont été rendues par le Bâtonnier et ses délégataires.
Puis le Bâtonnier est revenu sur les temps forts de l'actualité et des réformes introduites sous son mandat.
Pour Maître Massé, l'instauration d'une taxe de 35 euros depuis le 1er octobre en première instance et de 150 euros pour avoir le droit d'interjeter appel au 1er janvier 2012, constitue "la remise en cause même du principe de gratuité de la Justice et pire l'instauration d'une rupture de l'égalité entre les citoyens. Ce n'est pas la même chose de payer 35 et 150 euros de taxe, selon que l'on gagne un peu plus du SMIC, ce qui vous exclut du bénéfice de l'aide juridictionnelle et donc de la dispense du timbre électronique ou mobile, ou que l'on gagne 5 ou 10 000 euros par mois. Mais la communication de la Chancellerie est allée plus loin dans l'inacceptable en insistant sur le fait que cette taxe contribue au financement de l'aide juridique pour payer les Avocats qui peuvent désormais assister les gardés à vue... Cela signifie quoi pour le citoyen ? Que le justiciable qui doit saisir le conseil de Prud'hommes pour obtenir des rappels de salaire ou contester son licenciement ou celui qui doit avoir recours au juge civil parce que son propriétaire laisse son appartement dans un état insalubre, ou parce que le père ne veut pas payer de pension alimentaire, va devoir payer pour que le vendeur de drogue, le cambrioleur ou le voleur qui vous arrache votre portable avec un bon coup de poing au passage, puisse bénéficier d'un avocat gratuit tout au long de sa garde à vue, et sans, lui, payer la moindre taxe! Voilà ce que cela signifie pour le citoyen".
Le Bâtonnier a annoncé la signature prochaine d'une convention, avec les Bâtonniers de son ressort, sur la communication électronique. Pour mémoire, le barreau de Nancy est abonné au RPVA depuis 2007 et donc à la communication électronique il y a maintenant plus de 4 ans...
Cette thématique a été également l'occasion pour Stéphane Massé de rappeler qu'il ne faut pas perdre de vue que l'oralité de l'audience doit être préservée. "La plaidoirie a un sens même si elle peut et doit évoluer. Le rapport à l'audience, facilité par la transmission numérique des actes et des pièces, est une bonne chose lorsque cela permet de déterminer les questions à débattre, et les plaidoiries interactives ou par observations peuvent clarifier les débats, mais la plaidoirie doit demeurer, et nous devons y veiller, parce qu'elle est indissociable de l'audience. Si la plaidoirie est supprimée ou évitée, il convient d'être logique, c'est l'audience qu'il faut supprimer".
Cette réforme a et va entraîner un bouleversement d'ampleur, avec des conséquences pratiques très importantes. D'abord pour les avocats, qui ne sont pas familiarisés avec la procédure d'appel, ensuite pour les magistrats, qui après avoir toujours travaillé pour tout le ressort quelques dizaines d'avoués, vont devoir communiquer avec plusieurs centaines d'avocats.
A cet égard le Bâtonnier souligne que "cette réforme initiée dans l'intérêt du justiciable, est d'autant plus injuste qu'au sein de [la] cour, [les] avoués effectuaient et effectuent encore pour quelques jours un véritable travail de rédaction des actes et un réel suivi de la mise en état, à la différence de la quasi totalité des autres cours où les avoués se contentent d'apposer leur cachet sur les conclusions établies par les avocats".
Une avancée considérable, positive cette fois et qu'il appartient à la profession d'exploiter est l'acte d'Avocat, consacré par la loi du 28 mars 2011 (loi n° 2011-331, de modernisation des professions judiciaires ou juridiques et certaines professions réglementées N° Lexbase : L8851IPI). Désormais, le contreseing d'un avocat apposé sur un acte sous seing privé se voit reconnaître des effets de droit au regard, selon l'expression consacrée, de la pleine foi de l'écriture et de la signature des parties. Rappelant que l'acte d'avocat demeure sous seing privé et ne remplacera pas l'acte authentique, le Bâtonnier insiste sur le fait que cet outil "garantit l'exécution de l'obligation d'information des parties et traduit un accompagnement dans le quotidien des personnes physiques ou morales qui bénéficient ainsi de la compétence du professionnel qu'est l'avocat, avec pour contrepartie pour ce dernier, l'engagement de sa responsabilité professionnelle. Cette participation de l'avocat contribue dès lors à renforcer la sécurité juridique de l'acte". Et de conclure que c'est à la profession de "communiquer sur ce nouvel outil et de l'utiliser dans tous les domaines où il est prévu. L'acte d'avocat n'est pas réservé au droit immobilier ou commercial mais a vocation à s'appliquer également en matières sociale, pénale s'agissant des intérêts civils, fiscale et surtout familiale".
Le Bâtonnier a tenu à rappeler que cette réforme reste avant tout une avancée majeure dont la profession ne peut que se réjouir, malgré les difficultés d'indemnisation et d'organisation matérielle des permanences.
Néanmoins, pour Maître Massé, "la notion de secret de l'enquête, qui a déjà été mise à mal partiellement avec la réforme, n'est plus de mise dans un Etat de droit comme la France, patrie des droits de l'Homme. La pseudo justification d'une restriction liée à la sérénité de l'enquête est une mauvaise excuse. Il est d'ailleurs révélateur que l'accès au dossier au profit de l'avocat soit réclamé par certains enquêteurs eux-mêmes, pour éviter les auditions qui n'apportent rien si ce n'est une perte de temps lorsque le gardé à vue se réfugie dans son droit de garder le silence. Et ce droit au silence n'est pas un cadeau fait au mis en cause ou à l'avocat comme certains ont pu le croire. C'est tout simplement l'application d'un principe fondamental de notre droit : nul ne peut contribuer à sa propre incrimination".
"Et pour que l'enquête se déroule sereinement et que les auditions soient utiles à la manifestation de la vérité car c'est quand même cela le but de l'enquête préliminaire, la manifestation de la vérité, il convient que celui qui est interrogé sache ce qu'on lui reproche exactement et les éléments qui le mettent en cause".
Le Bâtonnier insiste sur le fait que "la religion de l'aveu doit être définitivement bannie. [...] Aux aveux fragiles doit se substituer la recherche d'une preuve solide et ce dans l'intérêt même des enquêteurs, cela ne pouvant que renforcer le poids de l'enquête lorsqu'elle aboutira sur le bureau du juge. Et l'avocat doit y contribuer".
Concluant sur une note d'espoir, le Bâtonnier a rappelé que l'avocat restera l'empêcheur de tourner en rond, le rempart contre l'arbitraire, celui vers qui se tourneront toujours ceux qui veulent faire reconnaître leurs droits ou qui auront besoin d'être défendus.
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