Lexbase Avocats n°98 du 17 novembre 2011 : Avocats/Institutions représentatives

[Le point sur...] Les conditions d'inscription au tableau de l'Ordre

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N8623BS8

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par Fabien Girard de Barros, Directeur de la publication

le 17 Novembre 2011

L'article 1er de la loi du 31 décembre 1971 (loi n° 71-1130 N° Lexbase : L6343AGZ) dispose qu'une nouvelle profession dont les membres portent le titre d'avocat est substituée aux professions d'avocat, d'avoué près les cours d'appel et de conseil juridique. Les membres de ces professions font d'office partie, à moins qu'ils n'y renoncent, de la nouvelle profession. Les conseils juridiques, inscrits sur la liste dressée par le procureur de la République au 1er janvier 1992 (cf. loi n° 90-1259 du 31 décembre 1990 N° Lexbase : L7803AIT), sont inscrits au tableau du barreau établi près le tribunal de grande instance auprès duquel ils sont inscrits comme conseil juridique avec effet à la date de leur entrée dans la profession, s'ils l'exerçaient avant le 16 septembre 1972, ou de leur inscription sur la liste. Et, sauf renonciation à faire partie de la profession d'avocat (cf. l'article 26 de la loi n° 2011-94 du 25 janvier 2011, portant réforme de la représentation devant les cours d'appel N° Lexbase : L2387IP4), les avoués près les cours d'appel sont inscrits, à la date de leur première prestation de serment dans l'une ou l'autre des professions d'avoué et d'avocat, au tableau du barreau établi près le tribunal de grande instance dans le ressort duquel est situé leur office et les sociétés d'avoués sont inscrites au barreau établi près le tribunal de grande instance dans le ressort duquel est fixé leur siège. Ainsi, si la loi du 31 décembre 1971 prévoit l'inscription "sans condition", autre que celles auxquelles est soumis l'ensemble des avocats, afférentes, notamment, aux principes essentiels (lire nos obs., Les principes essentiels de la Profession d'avocat, Lexbase Hebdo n° 87 du 1er septembre 2011 - édition professions N° Lexbase : N7268BSY), au tableau de l'Ordre, le décret du 27 novembre 1991 (décret n° 91-1197 N° Lexbase : L8168AID) prévoit, quant à lui, les qualités requises pour demander cette inscription. Si la règle de droit commun commande que les personnes demandant leur inscription soient titulaires du certificat d'aptitude à la profession d'avocat (I), il existe de nombreuses dispenses du respect des conditions de diplôme, de la formation théorique et pratique et du certificat d'aptitude à la profession d'avocat et du stage (II et III). Enfin, les personnes ayant acquis la qualité d'avocat à l'étranger suivent, également, un régime particulier (IV et V).

I - Les personnes titulaires du certificat d'aptitude à la profession d'avocat

Aux termes de l'article 93, 1°, du décret du 27 novembre 1991, peuvent être inscrits au tableau d'un barreau les titulaires du certificat d'aptitude à la profession d'avocat.

Le 3° du même article dispose, également, que les personnes ayant acquis la qualité d'avocat dans un Etat ou une unité territoriale n'appartenant pas à l'Union européenne ou à l'Espace économique européen et qui ont subi avec succès le certificat d'aptitude à la profession d'avocat ou l'examen de contrôle des connaissances prévu au dernier alinéa de l'article 11 de la loi du 31 décembre 1971, peuvent être inscrits au tableau. Et, l'article 93-1 du décret du 27 novembre 1991 précise que sont inscrits sur une liste spéciale du tableau et sont alors tenus à la prestation du serment les ressortissants des Etats membres de l'Union européenne, des autres Etats parties à l'accord sur l'Espace économique européen ou de la Confédération suisse ayant acquis leur qualité d'avocat dans l'un de ces Etats membres ou parties autre que la France ou dans la Confédération suisse et souhaitant exercer en France leur activité sous leur titre professionnel d'origine.

Les titulaires du certificat d'aptitude à la profession d'avocat sont, alors, tenus de prêter le serment prévu au deuxième alinéa de l'article 3 de la loi du 31 décembre 1971.

Par extension, peuvent être, également, inscrits au tableau les sociétés civiles professionnelles et les sociétés d'exercice libéral d'avocats (décret du 27 novembre 1991, art. 93, 4°). La Cour de cassation précise, dans un arrêt rendu le 3 juillet 2008, qu'une société constituée en conformité avec la législation d'un Etat membre et ayant son siège statutaire à l'intérieur de l'Union, que l'article 48 du Traité CE assimile à une personne physique ressortissante d'un Etat membre pour l'application des dispositions relatives au droit d'établissement, bénéficie du libre exercice de ce droit dans les conditions définies par la législation du pays d'établissement pour ses propres ressortissants. Il en est ainsi d'une société d'avocats qui peut, en vertu des dispositions de l'article 87 de la loi du 31 décembre 1971 modifiée, transposant celles de l'article 11 de la Directive 98/5/CE du 16 février 1998 (N° Lexbase : L8300AUX), être inscrite sur la liste spéciale du tableau d'un barreau français, comme peuvent l'être sur un tel tableau, selon le droit interne, les sociétés ou groupements d'avocats, dès lors qu'ils remplissent les conditions relatives à la détention du capital social, à leur dénomination et aux titulaires des pouvoirs de direction, d'administration et de contrôle (Cass. civ. 1, 3 juillet 2008, n° 06-20.514, FS-P+B N° Lexbase : A4816D9A).

II - Les personnes dispensées de la condition de diplôme, de la formation théorique et pratique et du certificat d'aptitude à la profession d'avocat et du stage

Aux termes de l'article 97 du décret du 27 novembre 1991, sont dispensés de la condition de diplôme prévue à l'article 11 (2°) de la loi du 31 décembre 1971 (une maîtrise en droit ou master I ; ou de titres ou diplômes reconnus comme équivalents pour l'exercice de la profession), de la formation théorique et pratique, du certificat d'aptitude à la profession d'avocat et du stage :

1° les membres et anciens membres du Conseil d'Etat et les membres et anciens membres du corps des tribunaux administratifs et des cours administratives d'appel ;

2° les magistrats et anciens magistrats de la Cour des comptes, des chambres régionales des comptes et des chambres territoriales des comptes de la Polynésie française et de la Nouvelle-Calédonie ;

3° les magistrats et anciens magistrats de l'ordre judiciaire régis par l'ordonnance n° 58-1270 du 22 décembre 1958 (N° Lexbase : L5336AGQ).

La Cour de cassation, dans un arrêt rendu le 20 juillet 1994, précise qu'un magistrat peut former une demande d'inscription au tableau de l'Ordre, pour que celle-ci ne prenne effet qu'à compter de la date à laquelle il bénéficierait de sa mise en disponibilité. En effet, seul l'exercice de la profession d'avocat, subordonné à la prestation de serment après acceptation de la demande, est incompatible avec l'exercice d'une autre profession ; la demande d'admission au barreau ne peut être assortie de la condition d'obtention préalable de la mise en disponibilité du magistrat (Cass. civ. 1, 20 juillet 1994, n° 93-11.930, publié N° Lexbase : A7597ABY).

Par ailleurs, toujours selon la même juridiction, en énonçant que les anciens magistrats de l'ordre judiciaire régis par l'ordonnance du 22 décembre 1958 étaient dispensés du Capa et du stage, s'ils demandaient leur inscription au tableau de l'ordre, l'article 97, 3°, du décret du 27 novembre 1991 n'a nullement entendu exclure du bénéfice de cette disposition les magistrats qui avaient cessé leurs fonctions avant la promulgation de cette ordonnance, mais a seulement précisé, au moyen de cette référence au statut de la magistrature, que cette dérogation ne concernait que les magistrats de l'ordre judiciaire visés par l'article 1er de l'ordonnance n° 58-1270 du 22 décembre 1958 (Cass. civ. 1, 15 novembre 1977, n° 76-13.150, publié N° Lexbase : A6165CHS) ;

4° les Professeurs d'Université chargés d'un enseignement juridique ;

5° les avocats au Conseil d'Etat et à la Cour de cassation ;

6° les anciens avoués près les cours d'appel ;

7° les anciens avocats inscrits à un barreau français et les anciens conseils juridiques.

III - Les personnes dispensées de la formation théorique et pratique et du certificat d'aptitude à la profession d'avocat et du stage

Dans le même sens, l'article 98 du décret du 27 novembre 1991 ajoute que sont dispensés de la formation théorique et pratique et du certificat d'aptitude à la profession d'avocat :

1° les notaires, les huissiers de justice, les greffiers des tribunaux de commerce, les administrateurs judiciaires et mandataires judiciaires au redressement et à la liquidation des entreprises, les anciens syndics et administrateurs judiciaires, les conseils en propriété industrielle et les anciens conseils en brevet d'invention ayant exercé leurs fonctions pendant cinq ans au moins ;

2° les maîtres de conférences, les maîtres assistants et les chargés de cours, s'ils sont titulaires du diplôme de docteur en droit, en sciences économiques ou en gestion, justifiant de cinq ans d'enseignement juridique en cette qualité dans les unités de formation et de recherche.

Pour la Cour de cassation, dans un arrêt rendu le 28 février 1989, l'expression "chargé de cours" désigne une fonction universitaire déterminée et sa signification n'a pas été modifiée par le fait que cette fonction n'est plus actuellement conférée (Cass. civ. 1, 28 février 1989, n° 87-17.569, publié N° Lexbase : A3172AHX) ;

3° les juristes d'entreprise justifiant de huit ans au moins de pratique professionnelle au sein du service juridique d'une ou plusieurs entreprises.

Ainsi, la dispense partielle de formation accordée aux juristes d'entreprise remplissant la condition de pratique professionnelle ne constitue pas un droit attaché à l'ancienneté, mais un mode d'accès à une profession à caractère dérogatoire (Cass. civ. 1, 8 novembre 2007, n° 05-18.761, FS-P+B N° Lexbase : A4151DZR).

Le respect de la condition de diplôme

La Cour de cassation exige que le juriste d'entreprise qui souhaite être inscrit au tableau de l'Ordre soit titulaire d'une maîtrise en droit (actuel master I) ou de titres ou diplômes reconnus comme équivalents pour l'exercice de la profession d'avocat. Le titulaire d'un diplôme d'études comptables supérieures ne peut donc pas prétendre au régime de la dispense de l'article 98, 3°, du décret du 27 novembre 1991 (Cass. civ. 1, 4 février 1997, n° 95-11.318, publié N° Lexbase : A0309ACG ; Cass. civ. 1, 17 janvier 1984, n° 83-11.434, publié N° Lexbase : A0789AAH).

L'exigence du diplôme n'est requise qu'au moment de l'inscription au barreau, peu importe que l'activité juridique ait été effectuée avant l'obtention de ce dernier (Cass. civ. 1, 31 mars 1998, n° 95-18.398 N° Lexbase : A6384CKN).

Par arrêté conjoint du Garde des Sceaux, ministre de la Justice et du ministre de l'Education nationale et de l'Enseignement supérieur, les diplômes d'études supérieures spécialisées des disciplines juridiques ont été reconnus comme équivalents à la maîtrise en droit pour l'exercice de la profession d'avocat. C'est donc à tort qu'un conseil de l'Ordre a estimé, dans la décision querellée, que le diplôme d'études supérieures spécialisées en droit des collectivités locales, qui constitue une discipline juridique spécifique, dont l'appelant est incontestablement titulaire, n'était pas équivalent à la maîtrise en droit (CA Saint-Denis de la Réunion, 25 juillet 2011, n° 11/00604 N° Lexbase : A2677HXG).

L'exercice de l'activité de juriste

Dans un arrêt du 6 février 2004 (Cass. mixte, 6 février 2004, n° 00-19.107 N° Lexbase : A2248DBU), la Cour de cassation rappelle que ne peuvent bénéficier de cette dispense, "que les juristes spécialisés chargés, dans l'entreprise, uniquement de l'étude et de la résolution des problèmes juridiques posés par les activités de celle-ci" (voir : Cass. civ. 1, 18 décembre 2002, n° 00-14.727 N° Lexbase : A4996A4S). Par conséquent, la Haute juridiction censure les juges du fond qui avaient accordé une dispense à Mme X "tout en constatant que l'intéressée n'exerçait pas ses fonctions exclusivement dans un service spécialisé" chargé de tels problèmes juridiques.

L'activité de juriste doit être exercée à titre exclusif ; le requérant qui était investi d'importantes responsabilités dans l'entreprise avec "pouvoir de décision dans l'organisation et le fonctionnement de la vie commerciale, juridique et fiscale de la société", et qui avait procédé à la "mise en place des structures humaines et techniques des agences de montage et d'entretien ainsi qu'aux négociations d'importants marchés de fournitures à l'exportation", si, dans l'exercice de ce pouvoir de direction, il s'est inévitablement trouvé dans l'obligation d'envisager les conséquences juridiques des opérations dans lesquelles s'engageait la société, cette circonstance, "commune à tout dirigeant d'entreprise", ne permettait pas de considérer qu'il remplissait les conditions exigées pour bénéficier de la dispense de formation (Cass. civ. 1, 14 novembre 1995, n° 94-10.002, publié N° Lexbase : A6181ABK ; dans le même sens CA Paris, Pôle 2, 1ère ch., 13 janvier 2011, n° 10/05870 N° Lexbase : A5983GQN).

Mais le décret du 27 novembre 1991 n'exige pas que le juriste d'entreprise ait diversifié son activité dans plusieurs branches du droit (Cass. civ. 1, 13 mars 1996, n° 94-13.856, publié N° Lexbase : A9779ABS).

Est considéré comme un juriste d'entreprise pouvant bénéficier de la dispense de formation le titulaire d'un mandat général pour représenter et défendre les intérêts d'une caisse générale de Sécurité sociale devant les juridictions de l'ordre judiciaire et de l'ordre administratif, appelé à collaborer, avec le responsable du service contentieux, à la vie juridique de cet organisme (Cass. civ. 1, 3 mars 1993, n° 91-12.674, publié N° Lexbase : A5831AHG).

En revanche, les clercs de notaire ne sont pas des juristes d'entreprises (Cass . civ. 1, 14 janvier 1976, n° 73-11.841, publié N° Lexbase : A3795CHZ ; Cass. civ. 1, 17 novembre 1987, n° 86-16.457, publié N° Lexbase : A2088AHS).

Dans le même sens, la requérante qui ne justifie pas avoir exercé son activité au sein d'un service juridique structuré alors qu'elle n'était qu'une assistante, qu'elle n'avait qu'une activité de proposition, les décisions étant prises par son père, dirigeant de l'entreprise, et que les dossiers contentieux relevaient de la responsabilité finale des conseils de l'entreprise, avoués et avocats ne peut solliciter son inscription au tableau de l'Ordre sur dispense de l'article 98, 3° du décret du 27 novembre 1991 (CA Poitiers, 1ère ch., 23 avril 2010, n° 10/00202 N° Lexbase : A4034EXP). En effet, les fonctions de juriste se caractérisent par l'autonomie et la capacité à diriger d'autres personnes indépendamment de la qualification effective de l'emploi (Cass. civ. 1, 28 mai 2009, n° 08-15.687, F-D N° Lexbase : A3888EHH).

Enfin, un arrêt de la Cour de cassation du 28 mars 2008 a de facto exclu les juristes français à l'étranger de cette prérogative, cet arrêt précisant que ces huit années de pratique professionnelle doivent avoir été effectuées sur le territoire français (Cass. civ. 1, 28 mars 2008, n° 06-21.051, FS-P+B N° Lexbase : A6034D7M).

Dans une réponse publiée le 3 février 2011, le Garde des Sceaux énonce que le principe reste, en effet, que l'accès à la profession d'avocat est subordonné à une condition de diplôme en droit, à un examen d'accès dans un centre régional de formation professionnelle d'avocats, au suivi d'une formation théorique et pratique de dix-huit mois et à la réussite du certificat d'aptitude à la profession d'avocat. La pratique professionnelle exigée du juriste d'entreprise lui permettant d'être dispensé de toute formation spécifique comme de tout examen pour accéder à la profession d'avocat, doit être de nature à garantir une connaissance effective et suffisante de l'impétrant en droit national. C'est d'abord en droit interne que des compétences professionnelles sont attendues d'un avocat inscrit à un barreau français. Pour tenir compte du développement de la libre circulation des prestataires de services dans l'Union européenne comme de l'enrichissement apporté par une expérience professionnelle à l'étranger, la Chancellerie mène actuellement, en concertation avec le Conseil national des barreaux, une réflexion sur la possibilité d'assouplir ce texte tout en maintenant une réelle exigence de compétence en droit français à l'égard des bénéficiaires de cette passerelle professionnelle (QE n° 15890 de M. Richard Yung, JO Sénat 11 novembre 2010, p. 2945, réponse publ. 3 février 2011, p. 253, 13ème législature N° Lexbase : L3485IPR).

La nature de l'entreprise dans laquelle est exercée la profession de juriste

A la qualité d'entreprise une caisse de Sécurité sociale, organisme de droit privé assumant une mission de service public, qui, dans la gestion des systèmes de protection sociale, exerce une activité propre et constitue une unité économique de services (Cass. civ. 1, 16 mars 1994, n° 92-13.108, publié N° Lexbase : A6137AHR).

En revanche, la collectivité locale, même si elle est amenée à favoriser le maintien ou le développement de l'économie sur son territoire, n'est pas, elle-même, une entité à finalité économique, c'est-à-dire une entreprise ; dès lors, les fonctionnaires affectés à son service juridique ne peuvent, quelles que soient les fonctions par eux exercées, être qualifiés de "juristes d'entreprise" (Cass. civ. 1, 30 mars 1994, n° 92-18.764, publié N° Lexbase : A6226AH3). Mais il existe des dispenses spécifiques en faveur des fonctionnaires inscrites à l'article 98, 4°, du décret du 27 novembre 1991 (voir infra).

Le service juridique au sein duquel le juriste d'entreprise exerce ses fonctions

Pour pouvoir bénéficier de la dispense, le juriste d'entreprise doit justifier de huit années d'expérience professionnelle acquises dans le service juridique d'une ou plusieurs entreprises (Cass. civ. 1, 12 juillet 1989, n° 87-14.953, publié N° Lexbase : A9835AAI).

Le service juridique au sein duquel le juriste d'entreprise exerce ses fonctions doit être un service spécialisé chargé, dans l'entreprise, de l'étude des problèmes juridiques posés par l'activité de celle-ci (Cass. civ. 1, 28 novembre 1995, n° 93-18.606, publié N° Lexbase : A7971ABT).

Le juriste doit travailler au sein d'un service spécialisé d'une ou plusieurs entreprises quand bien même il serait le seul employé de ce service juridique (Cass. civ. 1, 26 janvier 1999, n° 96-14.188 N° Lexbase : A3247AYW).

La charge de la preuve du respect des conditions de la dispense par le juriste d'entreprise

Aux termes d'un arrêt rendu le 8 octobre 2009, la première chambre civile de la Cour de cassation rappelle qu'il appartient au juriste d'entreprise qui sollicite son inscription au tableau de l'Ordre des avocats, sous le bénéfice de la dispense de formation prévue à l'article 98, 3° du décret du 27 novembre 1991 modifié, d'apporter la preuve qu'il a effectivement exercé les fonctions de juriste d'entreprise pendant huit ans au moins (Cass. civ. 1, 8 octobre 2009, n° 08-10.283, FS-D N° Lexbase : A8696ELN). En l'espèce, c'est le procureur général qui avait formé un recours contre la délibération du conseil de l'Ordre ayant procédé à l'inscription sollicitée. Le moyen précise que la qualité de juriste éligible à une telle inscription suppose que le sollicitant avait, en droit ou en fait, la qualité de cadre, et que ses fonctions s'exerçaient exclusivement dans un service juridique spécialisé. Or, dans cette affaire, il avait eu trois statuts différents au sein du même groupe ; il avait, tout d'abord, été employé en qualité d'agent administratif, avec la qualification de juriste dans une société du groupe ; il avait, ensuite, bénéficié du statut de cadre, en qualité de juriste embauché par une autre société, membre du même groupe ; enfin, il avait été détaché au sein d'une troisième société, également membre du groupe, pour occuper un poste de juriste qui venait d'être créé, avant d'être de nouveau employé par la première société, pour exercer les fonctions de juriste au sein du département juridique et clientèle. Par ailleurs, le service juridique spécialisé peut, certes, être constitué d'une seule personne, mais encore est-il nécessaire d'établir l'existence d'un service spécifique, distinct des autres et chargé exclusivement des problèmes juridiques posés par l'activité de l'entreprise. Cette preuve n'était pas rapportée en l'espèce, l'activité du sollicitant en tant que juriste ayant été exercée uniquement au bénéfice de la clientèle. Enfin, la Cour relève que le sollicitant n'apporte pas de justification sur sa qualité de cadre, et qu'il ne fournit aucun élément concret sur son degré de responsabilité, ou sur l'existence d'un service juridique organisé dans les sociétés du groupe ayant pour mission de résoudre les problèmes d'ordre juridique, judiciaire ou fiscal se posant à l'entreprise.

4° les fonctionnaires et anciens fonctionnaires de catégorie A, ou les personnes assimilées aux fonctionnaires de cette catégorie, ayant exercé en cette qualité des activités juridiques pendant huit ans au moins, dans une administration ou un service public ou une organisation internationale.

La Cour de cassation précise que les activités juridiques visées doivent être exercées à titre principal et non pas exclusif. Cependant, elle condamne les juges du fond qui, pour faire droit aux prétentions de la greffière, retiennent que son activité de greffier en chef "dirigeant l'ensemble du personnel d'un tribunal d'instance impliquait nécessairement l'exercice quotidien d'activités juridiques". Ils auraient en effet dû "caractériser l'exercice par l'intéressée d'activités juridiques" (Cass. civ. 1, 13 juin 2006, n° 05-11.072, FS-P+B N° Lexbase : A9478DPQ).

5° les juristes attachés pendant huit ans au moins à l'activité juridique d'une organisation syndicale.

6° les juristes salariés d'un avocat, d'une association ou d'une société d'avocats, d'un office d'avoué ou d'avocat au Conseil d'Etat et à la Cour de cassation, justifiant de huit ans au moins de pratique professionnelle en cette qualité postérieurement à l'obtention du titre ou diplôme mentionné au 2° de l'article 11 de la loi du 31 décembre 1971.

Par un arrêt du 25 juillet 2007, le Conseil d'Etat a rejeté la demande du Syndicat des avocats de France (Saf) visant à obtenir l'annulation pour excès de pouvoir de l'article 1er du décret n° 2005-1381 du 4 novembre 2005 (N° Lexbase : L1877HDU), définissant les conditions de cette dispense. Pour le syndicat, ce texte institue une condition d'accès de nature à créer une rupture du principe d'égalité. Le Conseil d'Etat énonce que "le pouvoir réglementaire a pris en compte les caractéristiques propres aux expériences professionnelles des uns et des autres, sans édicter de mesure manifestement disproportionnée au regard des différences qui existent tant entre ces expériences qu'entre les possibilités offertes d'une part aux juristes salariés d'un cabinet d'avocat par la voie de la promotion professionnelle, d'autre part aux juristes d'entreprise ou attachés à des organisations syndicales par un changement du cadre d'exercice de leur profession" (CE Contentieux, 25 juillet 2007, n° 288720 N° Lexbase : A4799DXZ).

Les personnes mentionnées aux 3°, 4°, 5° et 6° peuvent avoir exercé leurs activités dans plusieurs des fonctions visées dans ces dispositions dès lors que la durée totale de ces activités est au moins égale à huit ans ;

7° les personnes agréées par le président de la chambre d'appel de Mamoudzou dans la collectivité départementale de Mayotte justifiant de huit ans au moins de pratique professionnelle ;

8° les personnes ayant travaillé en qualité de collaborateur d'avoué postérieurement au 31 décembre 2008 et justifiant, au plus tard au 1er janvier 2012, de la réussite à l'examen d'aptitude à la profession d'avoué.

Bénéficient de cette dispense les collaborateurs d'avoué qui justifient d'un nombre d'années de pratique professionnelle fixé par décret en Conseil d'Etat en fonction du niveau de diplôme obtenu. Les années de pratique professionnelle comptabilisées sont celles exercées en qualité de collaborateur d'avoué ou, postérieurement à la date d'entrée en vigueur du chapitre Ier de la présente loi, en qualité de collaborateur d'avocat.

Enfin, le Conseil national des barreaux, lors de son assemblée générale des 23 et 24 septembre 2011, a définitivement adopté, après retour de la concertation de la profession, le rapport sur la réforme des conditions d'inscription particulières en fonction des activités précédemment exercées. Il a approuvé, en premier lieu, l'extension de la voie d'accès à la profession d'avocat prévue par l'article 98 du décret du 27 novembre 1991 aux collaborateurs de députés et assistants de sénateurs sous réserve de justifier des conditions de droit commun, à savoir :

- avoir obtenu une maîtrise en droit ou un diplôme reconnu comme équivalent ;

- bénéficier d'un statut de cadre ;

- justifier d'une activité juridique effective et à titre principal.

L'expérience professionnelle de huit années acquise en cette qualité pourra être cumulée avec les autres activités de juristes d'entreprises, de fonctionnaires de catégorie A, de juristes de syndicats et de juristes de cabinets d'avocats, de l'article 98 pour l'accès à la profession. Il a été proposé en deuxième lieu de soumettre toutes les personnes souhaitant bénéficier des dispositions des articles 97 et 98 du décret de 1991 à un examen préalable de contrôle des connaissances en déontologie. Une formation obligatoire de vingt heures sera organisée par les écoles d'avocats aux fins de préparation à cet examen. La réussite à cet examen conditionnera la prestation de serment et l'inscription au tableau de l'Ordre d'un barreau. Les conseils de l'Ordre conserveront leur compétence pour statuer sur la recevabilité des dossiers d'inscription. Le contenu de l'examen serait défini par un arrêté du Garde des Sceaux, ministre de la Justice, pris après avis du Conseil national des barreaux. Aucune dispense ne pourrait être accordée et nul ne pourrait se présenter plus de trois fois à l'examen de contrôle des connaissances. Il a été aussi proposé d'ajouter au texte une obligation pour les conseils de l'Ordre de notifier les décisions de rejet des demandes d'admission sur le fondement des articles 97 et 98 du décret de 1991 au président du Conseil national des barreaux, et pour ce dernier de tenir à jour une liste nationale des décisions de rejet à destination des Bâtonniers. Il s'agit d'un ensemble et la réforme doit donc intégrer la totalité des dispositions proposées. Cette proposition de réforme a été transmise au ministère de la Justice et des Libertés pour mise en application.

IV - La reconnaissance des qualifications professionnelles des personnes ayant acquis la qualité d'avocat dans un Etat membre de l'Union européenne ou dans un autre Etat partie à l'accord sur l'Espace économique européen autre que la France

Selon l'article 99 du décret du 27 novembre 1991, peuvent être inscrites au tableau d'un barreau sans remplir les conditions de diplômes, de formation théorique et pratique ou d'examens professionnels prévues aux articles 11 et 12 de la loi du 31 décembre 1971 les personnes qui, d'une part, ont suivi avec succès un cycle d'études postsecondaires d'une durée d'au moins un an ou d'une durée équivalente à temps partiel, dont l'une des conditions d'accès est l'accomplissement du cycle d'études secondaires exigé pour accéder à l'enseignement universitaire ou supérieur ou l'accomplissement d'une formation de niveau secondaire équivalente, ainsi que la formation professionnelle éventuellement requise en plus de ce cycle d'études postsecondaires et qui, d'autre part, justifient :

1° de diplômes, certificats, autres titres ou formations assimilées permettant l'exercice de la profession dans un Etat membre de l'Union européenne ou dans un autre Etat partie à l'accord sur l'Espace économique européen délivrés soit par l'autorité compétente de cet Etat et sanctionnant une formation acquise de façon prépondérante dans l'Espace économique européen ; soit par un pays tiers, à condition que soit fournie une attestation émanant de l'autorité compétente de l'Etat membre ou partie qui a reconnu les diplômes, certificats, autres titres ou formations assimilées, certifiant que leur titulaire a une expérience professionnelle de trois ans au moins dans cet Etat ;

2° ou de l'exercice à plein temps de la profession pendant deux ans au moins au cours des dix années précédentes dans un Etat membre ou partie qui ne réglemente pas l'accès ou l'exercice de cette profession, à condition que cet exercice soit attesté par l'autorité compétente de cet Etat. Toutefois, la condition d'une expérience professionnelle de deux ans n'est pas exigée lorsque le ou les titres de formation détenus par le demandeur sanctionnent une formation réglementée directement orientée vers l'exercice de la profession.

Sauf si les connaissances qu'il a acquises au cours de son expérience professionnelle sont de nature à rendre cette vérification inutile, l'intéressé doit subir devant le jury prévu à l'article 69 un examen d'aptitude dont le programme et les modalités sont fixés par arrêté du Garde des Sceaux, ministre de la Justice, après avis du Conseil national des barreaux :

1° lorsque sa formation porte sur des matières substantiellement différentes de celles qui figurent aux programmes de l'examen d'accès à un centre régional de formation professionnelle et du certificat d'aptitude à la profession d'avocat ;

2° lorsqu'une ou plusieurs des activités professionnelles dont l'exercice est subordonné à la possession de ces diplômes et examens ne sont pas réglementées dans l'Etat membre d'origine ou de provenance ou sont réglementées de manière différente et que cette différence est caractérisée par une formation spécifique requise en France portant sur des matières substantiellement différentes de celles couvertes par le diplôme dont le demandeur fait état ;

3° ou lorsque la durée de la formation dont il se prévaut est inférieure d'au moins un an à celle prévue par l'article 11 de la loi du 31 décembre 1971.

Le Conseil national des barreaux accuse réception du dossier du demandeur dans un délai d'un mois et, le cas échéant, informe le requérant de tout document manquant. Il se prononce par décision motivée au plus tard dans un délai de trois mois à compter de la présentation du dossier complet de l'intéressé. A défaut de notification d'une décision dans ce délai, la demande est réputée rejetée et l'intéressé peut se pourvoir devant la cour d'appel de Paris.

La décision du Conseil national des barreaux par laquelle est arrêtée la liste des candidats admis à se présenter à l'examen d'aptitude précise, le cas échéant, les matières sur lesquelles les candidats doivent être interrogés compte tenu de leur formation initiale et de leur expérience professionnelle. Nul ne peut se présenter plus de trois fois à l'examen d'aptitude.

Le Conseil national des barreaux établit tous les deux ans un rapport comportant un relevé statistique des décisions prises en application du présent article et un bilan de son application. Ce rapport est adressé au Garde des Sceaux, ministre de la Justice.

Dans un arrêt du 22 décembre 2010, la CJUE s'est prononcée sur l'inscription au tableau de l'ordre professionnel des avocats d'un Etat membre différent de celui dans lequel le diplôme a été homologué (CJUE, 22 décembre 2010, aff. C-118/09 N° Lexbase : A7086GNR). En vue d'accéder, sous réserve de subir avec succès une épreuve d'aptitude, à la profession réglementée d'avocat dans l'Etat membre d'accueil, les dispositions de la Directive 89/48/CEE du Conseil du 21 décembre 1988, relative à un système général de reconnaissance des diplômes d'enseignement supérieur qui sanctionnent des formations professionnelles d'une durée minimale de trois ans (N° Lexbase : L9825AUG), telle que modifiée par la Directive 2001/19/CE du 14 mai 2001 (N° Lexbase : L8080AUS), peuvent être invoquées par le titulaire d'un titre délivré dans cet Etat membre et sanctionnant un cycle d'études postsecondaires de plus de trois ans, ainsi que d'un titre équivalent délivré dans un autre Etat membre après une formation complémentaire de moins de trois ans et l'habilitant à accéder, dans ce dernier Etat, à la profession réglementée d'avocat qu'il exerçait effectivement dans celui-ci à la date à laquelle il a demandé à être autorisé à présenter l'épreuve d'aptitude. De plus, la Directive 89/48, telle que modifiée par la Directive 2001/19, doit être interprétée en ce sens qu'elle s'oppose à ce que les autorités compétentes de l'Etat membre d'accueil refusent à une personne se trouvant dans une situation telle que celle du requérant au principal l'autorisation de présenter l'épreuve d'aptitude à la profession d'avocat en l'absence de preuve de l'accomplissement du stage pratique exigé par la réglementation de cet Etat membre.

Enfin, aux termes d'un arrêté en date du 28 juillet 2011 et publié le 6 août 2001, les conditions d'inscription à un barreau français pour les personnes qui ont exercé les fonctions d'avocat dans un pays où la profession n'est pas réglementée sont assouplies (arrêté du 28 juillet 2011, modifiant l'arrêté du 7 janvier 1993 fixant le programme et les modalités de l'examen d'aptitude prévu à l'article 99 du décret n° 91-1197 du 27 novembre 1991, organisant la profession d'avocat N° Lexbase : L9767IQS). Désormais, une simple copie d'attestation de compétences délivrée par l'autorité compétente et la preuve par tous moyens de l'exercice de la profession pendant les dix années précédentes suffit, alors qu'avant il fallait fournir une copie certifiée conforme d'un titre de formation et une attestation originale de l'autorité compétente.

V - Les personnes ayant acquis la qualité d'avocat dans un Etat ou une unité territoriale n'appartenant ni à l'Union européenne, ni à l'Espace économique européen, ni à la Confédération suisse

Aux termes de l'article 100 du décret du 27 novembre 1991, les modalités et le programme de l'examen de contrôle des connaissances pour l'inscription au tableau d'un barreau français des personnes ayant acquis la qualité d'avocat dans un Etat ou une unité territoriale n'appartenant ni à l'Union européenne, ni à l'Espace économique européen, ni à la Confédération suisse sont fixés par arrêté du Garde des Sceaux, ministre de la Justice, après avis du Conseil national des barreaux.

L'examen est subi devant le jury prévu à l'article 69 du décret du 27 novembre 1991. Le Conseil national des barreaux peut, au vu des travaux universitaires ou scientifiques du candidat, dispenser celui-ci de certaines épreuves. Il le peut également lorsque la coopération développée avec ses homologues étrangers lui a permis de s'assurer que sa formation ou son expérience professionnelle rendait cette vérification inutile.

Nul ne peut se présenter plus de trois fois à l'examen de contrôle des connaissances.

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