Réf. : CA Aix-en-Provence, 26 novembre 2019, n° 18/00926 (N° Lexbase : A5275Z7I)
Lecture: 4 min
N1718BYB
Citer l'article
Créer un lien vers ce contenu
par Marie Le Guerroué
le 21 Janvier 2020
► A manqué à son devoir de conseil et de mise en garde l’avocat rédacteur d’un acte de cession qui n’a pas prévenu pas de manière explicite ses clients de ce que la cession ne pouvait, en l'état de la cessation d'exploitation du fonds plusieurs mois avant la cession, porter que sur certains éléments du fonds, à l'exclusion de la clientèle.
Tel est l’enseignement de l’arrêt rendu par la cour d’appel d’Aix-en-Provence le 26 novembre 2019 (CA Aix-en-Provence, 26 novembre 2019, n° 18/00926 N° Lexbase : A5275Z7I).
Espèce. Des clients avaient fait assigner devant le tribunal de grande instance un avocat rédacteur d’acte pour voir juger que sa responsabilité professionnelle était engagée à raison d'un manquement à ses obligations de mise en garde et de conseil à l'occasion de la cession des éléments de fonds de commerce et obtenir sa condamnation à leur verser des dommages et intérêts, outre le remboursement de ses honoraires. Ils lui reprochaient de ne pas avoir appelé leur attention sur le fait qu'ils n'acquéraient que des éléments du fonds de commerce et non le fonds lui-même.
Obligations de l’avocat rédacteur. La cour rappelle que l'avocat rédacteur d'acte doit assurer la validité et la pleine efficacité de l'acte selon les prévisions des parties, qu'il doit veiller, lorsqu'il est le seul rédacteur de l'acte, à l'équilibre des intérêts des parties et qu'il est tenu d'informer et d'éclairer de manière complète les parties sur les effets et la portée de l'opération projetée. Les cessionnaires mettent également en avant, d'une part l'offre d'achat de droit d'entrée faisant référence au fonds en son entier, y compris la clientèle et l'achalandage y attachés, d'autre part, la présentation du bien faite par l'agent immobilier, de la cession d'un fonds de commerce comprenant la clientèle, du du mail adressé à l’avocat la veille de la signature de l'acte, s'interrogeant sur certaines mentions de l'acte et en demandant la modification. Il y écrivait notamment, s'agissant de la vente du fonds : "Oter le paragraphe précisant que nous n'avons pas acheté le fonds de commerce sur un chiffre d'affaire ! Parce que c'est faux ! S'il n'y avait pas de chiffre d'affaire, nous n'aurions pas acheté un droit au bail, donc moins cher... D'ailleurs les banques n'auraient jamais prêté sans tenir compte des bilans précédents !!!".
Analyse. La cour en déduit que l'intention des cessionnaires était donc bien de faire l'acquisition d'un fonds de commerce et de sa clientèle. Elle note aussi que, certes, l'acte était intitulé «cession d'éléments de fonds de commerce avec contrat de prêt» et mentionnait expressément, dans la désignation des éléments cédés, que les éléments incorporels cédés étaient l'enseigne et le droit à l'établissement d'un nouveau bail, sans évoquer la clientèle mais, également, que l'acte comportait d'autres clauses contenant une ambiguïté ou une contradiction. Elle ajoute que certes la cession ne pouvait pas comprendre la clientèle puisque la Sarl avait cessé son activité et qu'il ne peut y avoir de vente de fonds de commerce sans clientèle mais pour la cour il appartenait précisément à l'avocat, en connaissance de cet élément, de bien préciser la situation à ses clients, candidats acquéreurs d'un fonds de commerce. Le seul fait de mentionner que l'acquéreur n'entendait pas acquérir en considération des chiffres d'affaires et résultats réalisés par le cédant tels que déclaré dans l'acte était insuffisant pour lui permettre d'appréhender que la cession ne comportait pas la clientèle. D'ailleurs, si le cessionnaire s'est interrogé la veille de la signature sur cette clause, c'est bien qu'il croyait encore acquérir un fonds de commerce avec la clientèle attachée.
Responsabilité. La cour retient en conséquence que l’avocat a manqué à son devoir de conseil et de mise en garde en ne prévenant pas de manière explicite ses clients et la SAS de ce que la cession ne pouvait, en l'état de la cessation d'exploitation du fonds plusieurs mois avant la cession, porter que sur certains éléments du fonds, à l'exclusion de la clientèle (cf. l’Ouvrage "La profession d'avocat" N° Lexbase : E4311E7S).
© Reproduction interdite, sauf autorisation écrite préalable
newsid:471718