Réf. : Cass. crim., 7 janvier 2020, n° 19-86.465, F-P+B+I (N° Lexbase : A47823AD)
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par June Perot
le 22 Janvier 2020
► En vertu du principe de la libre communication entre la personne mise en examen et son avocat, résultant de l'article 6 de la CESDH (N° Lexbase : L7558AIR), la délivrance d'un permis de communiquer entre une personne détenue et son avocat est indispensable à l'exercice des droits de la défense ; il en découle que le défaut de délivrance de cette autorisation à un avocat désigné, avant un débat contradictoire différé organisé en vue d'un éventuel placement en détention provisoire, fait nécessairement grief à la personne mise en examen.
C’est ainsi que se prononce la Chambre criminelle de la Cour de cassation dans un arrêt rendu le 7 janvier 2020 (Cass. crim., 7 janvier 2020, n° 19-86.465, F-P+B+I N° Lexbase : A47823AD ; v. déjà en ce sens : Cass. crim., 12 décembre 2017, n° 17-85.757, F-P+B N° Lexbase : A1221W8Q ; Cass. crim., 9 mai 2019, n° 19-81.346, F-D N° Lexbase : A8546ZB7 ; Cass. crim., 4 décembre 2018, n° 18-85.674, F-D N° Lexbase : A7811YPY).
Résumé des faits. A la suite du décès d’un homme, tué par arme à feu, un individu soupçonné a été mis en examen des chefs d’assassinat en bande organisée et association de malfaiteurs. Il a comparu devant le JLD en vue de son placement détention provisoire et a sollicité un délai pour préparer sa défense, de sorte que l’examen de l’affaire a été renvoyé au mercredi 18 septembre suivant, avec incarcération provisoire de l’intéressé.
Par deux envois reçus au greffe du cabinet du juge d’instruction le lundi 16 septembre 2019, un premier avocat, désigné par le mis en examen lors de sa première comparution comme son conseil, avec un second avocat, a sollicité un permis de communiquer qu’il a obtenu le jeudi 19 septembre suivant. Le 18 septembre 2019, est intervenu, en l’absence des avocats choisis par l’intéressé, le débat contradictoire différé, au terme duquel l’intéressé a été placé en détention provisoire et a porté, sur le procès-verbal, une mention manuscrite indiquant : «je forme un appel référé liberté», appel qui a fait l’objet d’une transcription au greffe du tribunal le jour même.
Le mis en examen a signé une déclaration d’appel au greffe de l’établissement pénitentiaire, demandant à comparaître personnellement. La présidente de la chambre de l’instruction, saisie du référé-liberté, a dit n’y avoir lieu de remettre l’intéressé en liberté et a renvoyé l’affaire devant la chambre de l’instruction.
En cause d’appel. Pour rejeter la demande de nullité de l’ordonnance de placement en détention provisoire de l’intéressé, l’arrêt attaqué énonce qu’il n’a pas été porté atteinte aux droits de la défense dès lors que, selon les propres déclarations de l’intéressé, le premier avocat était en possession de tous les documents nécessaires à sa défense et que, lors du débat contradictoire du 18 septembre 2019, aucune écriture n’a été déposée et aucun des avocats choisis ne s’est présenté au cabinet du juge des libertés et de la détention pour prendre connaissance du dossier et s’entretenir confidentiellement avec l’intéressé avant la tenue du débat. Un pourvoi a été formé.
A hauteur de cassation. Le moyen critiquait l’arrêt en ce qu’il a rejeté la demande d’annulation de l’ordonnance de placement en détention provisoire alors que la délivrance d’un permis de communiquer est indispensable à l’exercice des droits de la défense. En refusant d’annuler le débat contradictoire préalable à un placement en détention provisoire tenu sans que le conseil de la personne mise en examen ait pu obtenir avant l’audience un permis de communiquer, bien qu’il ne soit justifié d’aucune impossibilité de délivrer ce permis avant l’audience, la chambre de l’instruction a violé l’article 6 § 3 de la Convention européenne des droits de l’Homme et les articles préliminaire (N° Lexbase : L3311LTS), 115 (N° Lexbase : L0931DY7), R. 57-6-5 (N° Lexbase : L0339IPA) et R. 57-6-6 (N° Lexbase : L0340IPB) du Code de procédure pénale.
Obligation de délivrer le permis de communiquer. Reprenant la solution susvisée, la Haute juridiction censure l’arrêt au visa, notamment, du texte européen (article 6 CESDH). Elle considère qu’en se déterminant ainsi, en l’absence de circonstance insurmontable ayant empêché la délivrance à l’avocat, en temps utile, d’un permis de communiquer avec la personne détenue, permis qui, au demeurant, aurait pu être délivré d’office à l’avocat choisi dès la décision d’incarcération provisoire, la chambre de l’instruction a méconnu les articles 6 § 3 de la CESDH et les articles préliminaire, 115, R. 57-6-5 et R. 57-6-6 du Code de procédure pénale et le principe ci-dessus rappelé.
L'article 6, § 3, de la CESDH accorde à tout accusé le droit de «se défendre lui-même ou avoir l'assistance d'un défenseur de son choix». L'article 115, alinéa 1er, du Code de procédure pénale dispose : «Les parties peuvent à tout moment de l'information faire connaître au juge d'instruction le nom de l'avocat choisi par elles ; si elles désignent plusieurs avocats, elles doivent faire connaître celui d'entre eux auquel seront adressées les convocations et notifications [...]». La Chambre criminelle rappelle ici l’importance qui doit être accordée à cette liberté de communication entre le détenu et son conseil et au respect des droits de la défense. Pour autant, cette obligation de délivrer peut-elle cesser en présence d’une circonstance insurmontable alors que la Chambre criminelle précise que, dans tous les cas, le permis aurait pu être délivré d’office à l’avocat choisi dès la décision d’incarcération provisoire ? Et si oui, de quelle nature peut-elle être ?
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