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par Grégory Singer, Rédacteur en chef de Lexbase Hebdo - édition sociale
le 13 Octobre 2011
Pascal Saint Geniest a ensuite présenté son discours de rentrée. Le Bâtonnier a, dans un premier temps, évoqué l'histoire du barreau de Toulouse et ses anciens grands noms. Il a rappelé aux nombreux présents qu'était célébré, ce jour, le bicentenaire du rétablissement du barreau à Toulouse. Dans un second temps, le Bâtonnier s'est livré à un bilan de l'année 2011 "qui restera, pour les pénalistes français, l'année de la nouvelle garde à vue". Si la réforme est porteuse d'avancées espérées en matière de droits et de libertés individuelles, "la loi du 14 avril 2011 (1) est-elle mal née, forcée, précipitée et nous ne doutons pas du sort que les questions prioritaires de constitutionnalité dont elle fait l'objet et les pourvois en cassation à venir réserveront à quelques-unes de ses dispositions". Le Bâtonnier a rappelé que les avocats n'ont ainsi pas été rémunérés pendant plus de quatre mois. "Quelle satisfaction éprouver lorsque l'Etat n'accepte de verser que 300 euros pour 24 heures de travail libéral accompli aussi la nuit et les jours fériés, avec des contraintes chronologiques qui défient toute organisation ; et les 24 heures suivantes ne représentent-elles plus que 150 euros, soit 6,25 euros d'honoraires pour une heure de travail !". Monsieur le Bâtonnier est, également, revenu sur le décret du 6 juillet 2011 (2) "qui méprise les règles de la TVA entre avocats successifs pendant une même garde à vue" et l'instauration d'une contribution pour l'aide juridique sur les procédures (3), "taxation médiévale mise en oeuvre selon des formes archaïques -le timbre fiscal !-".
Dans son discours, le Bâtonnier Saint Geniest rappelle que "le placement en garde à vue est bien le début de la procédure pénale et qu'à ce titre, il ne saurait être distingué des autres temps de celle-ci, notamment s'agissant du droit à un procès équitable et à l'égalité des armes, et que seul un regroupement des lieux de garde à vue permettra d'offrir à notre pays la justice pénale qu'il mérite dans le cadre de procédures respectueuses des droits de tous et en mutualisant les moyens à mettre en oeuvre". Les difficultés financières touchant la justice en France sont aussi largement évoquées. En effet, l'Ordre apporte son aide concrète et matérielle "à des bureaux d'aide juridictionnelle malades" et a été sollicité par la cour d'appel de Toulouse à l'occasion du procès de la catastrophe AZF, qui s'ouvrira le 3 novembre 2011, "le plus grand procès français de l'année". L'instauration des jurés citoyens dans les tribunaux correctionnels (4) est rappelée dans ce discours, la cour d'appel de Toulouse se voyant "réserver la primeur expérimentale de cette réforme".
Mais, l'année 2011 "est aussi l'année d'un événement rare pour le juriste qui a assisté -et certains en étaient médusés - à la naissance d'un nouvel acte juridique, l'acte contresigné par avocat" (5). Pour le Bâtonnier, "l'acte d'avocat est l'un des moyens de sécuriser davantage les droits de nos concitoyens et de leurs entreprises ; son succès est certain, il reste simplement à le construire".
Pascal Saint Geniest a, enfin, abordé des sujets créant certains remous au sein de la profession. Pour ce dernier, les cabinets sont devenus des entreprises placées dans un cadre concurrentiel. "Accepter les règles de la concurrence, c'est aussi s'inscrire dans un territoire qui ne serait plus celui, confiné et désormais étouffant, de nos tribunaux de grande instance". Il faut ainsi repenser la correspondance entre les avocats "au lieu de taxer sur des bases déconnectées de toute réalité économique, des correspondants lointains".
La question de l'avocat en entreprise a été soulevée (6). La Bâtonnier estime que cette réforme va être imposée aux avocats. Son véritable enjeu n'est pas vraiment de savoir si les avocats en entreprise perdraient leur indépendance selon lui mais "ce qui compte est bien de faire de nos barreaux, dans les régions, les lieux où les avocats en entreprise auront envie de s'inscrire". Cette réforme touche un autre pan de la profession, la protection du secret professionnel. Ce dernier, "régulièrement attaqué et critiqué, constitue la pierre angulaire sans laquelle il n'est pas d'avocat qui vaille et il ne peut se réduire au fragile privilège de confidentialité qu'envisage le rapport 'Prada'".
Avant de remettre les prix aux lauréats de la Conférence, le Bâtonnier Saint Geniest a rappelé son optimisme et sa confiance sur l'avenir du barreau de Toulouse, troisième hors de l'Ile de France, et espéré, qu'en 2012, presque au terme de son bâtonnat, "parler cette fois des progrès du droit en France et dans le monde".
La séance fut levée et la rentrée s'est poursuivie par une réception donnée au sein du tribunal de grande instance de Toulouse.
(1) Loi n° 2011-392 du 14 avril 2011, relative à la garde à vue (N° Lexbase : L9584IPN).
(2) Décret n° 2011-810 du 6 juillet 2011, relatif à l'aide à l'intervention de l'avocat au cours de la garde à vue et de la retenue douanière (N° Lexbase : L7032IQI).
(3) Décret n° 2011-1202 du 28 septembre 2011 (N° Lexbase : L1504IR7) ; circulaire du 30 septembre 2011 (N° Lexbase : L1562IRB) et les obs. d'A.-L. Blouet Patin, Contribution pour l'aide juridique : présentation du nouveau dispositif, Lexbase Hebdo n° 92 du 6 octobre 2011 - éditions professions (N° Lexbase : N8001BS7).
(4) Loi n° 2011-939 du 10 août 2011, sur la participation des citoyens au fonctionnement de la justice pénale et le jugement des mineurs (N° Lexbase : L9731IQH).
(5) Loi n° 2011-331 du 28 mars 2011, de modernisation des professions judiciaires ou juridiques et certaines professions réglementées (N° Lexbase : L8851IPI) et les obs. de D. Bakouche, L'introduction en droit français du contreseing de l'avocat par la loi n° 2011-331 de modernisation des professions judiciaires ou juridiques et certaines professions réglementées, Lexbase Hebdo n° 77 du 26 mai 2011 - éditions professions (N° Lexbase : N2914BSQ).
(6) Rapports "Darrois" et "Prada".
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