La lettre juridique n°457 du 13 octobre 2011 : Fonction publique

[Jurisprudence] Les fonctionnaires ne peuvent bénéficier de la protection fonctionnelle pour des activités exercées dans le secteur privé

Réf. : CE 3° et 8° s-s-r., 26 septembre 2011, n° 329228, publié au recueil Lebon (N° Lexbase : A1510HYL)

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par Christophe De Bernardinis, Maître de conférences à l'Université de Metz

le 17 Décembre 2011

Des dispositions relatives au droit de la fonction publique autorisent l'Etat ou les collectivités territoriales, souvent à la demande de ses agents, à placer ceux-ci soit dans une autre administration que celle d'origine, soit auprès d'une entreprise publique ou privée. Deux mécanismes sont envisageables : la mise à disposition ou le détachement. En cas de mise à disposition, le fonctionnaire demeure dans son corps d'origine. Il est réputé occuper son emploi et continue à percevoir la rémunération correspondante. Toutefois, il effectue son service dans une autre administration que la sienne ou auprès d'un organisme d'intérêt général, public ou privé. En cas de détachement, en revanche, le fonctionnaire est placé hors de son corps d'origine mais il continue à bénéficier, dans ce corps, de ses droits à avancement et à la retraite, sauf s'il est placé hors cadre. La difficulté est donc de déterminer, en cas de contentieux, le droit applicable. Faut-il faire jouer les règles du droit de la fonction publique ou celles du droit du travail, dès lors que l'intéressé serait mis à disposition ou détaché dans une entreprise de droit privé ? Outre la question du juge compétent (juge administratif ou judiciaire), les enjeux pratiques pour les trois parties intéressées (l'administration, le fonctionnaire et l'organisme d'accueil) sont considérables. Parmi ces enjeux figure en bonne place l'application issue des règles de droit public de la protection fonctionnelle de l'agent public détaché dans une entreprise privée. Il ressort des faits de l'espèce que le requérant a été détaché à la direction générale d'EDF en qualité de directeur de la prospective et des relations internationales et de délégué général auprès du directeur général adjoint. Une lettre anonyme en date du 11 février 2005 le mettant en cause à raison des activités qu'il exerçait, à la suite de son détachement de la fonction publique dans l'entreprise privée, a déclenché une enquête préliminaire du parquet à son encontre. Ayant introduit une action en dénonciation calomnieuse à l'encontre de l'auteur de la lettre anonyme, il demande la protection fonctionnelle prévue par les dispositions de l'article 11 de la loi n° 83-634 du 13 juillet 1983, portant droits et obligations des fonctionnaires (1). La demande est faite dans le cadre de cette première action mais aussi dans le cadre d'une autre action toujours prise sous le chef de dénonciation calomnieuse mais, cette fois-ci, à son encontre, engagée par un avocat que le requérant avait attaqué pour falsification d'une pièce produite en justice dans le cadre du contentieux relatif à l'élection du nouveau directeur exécutif du Fonds "e7", association à but non lucratif dont EDF est membre et où il exerçait jusqu'alors sa fonction en tant que fonctionnaire détaché.

Le Conseil d'Etat rappelle que la protection fonctionnelle n'est due qu'à raison de faits liés à l'exercice par des fonctionnaires de leurs fonctions dans une collectivité publique. Les faits à l'origine des demandes de protection présentées par le requérant, fonctionnaire détaché à la direction générale d'EDF, se rattachent aux activités qu'il a exercées dans cette dernière société. Ils ne se rattachent donc pas à des fonctions exercées dans une collectivité publique et n'ouvrent, en conséquence, pas droit au bénéfice de la protection. Le requérant, maintenu par arrêté du 29 janvier 2004 en service détaché auprès d'EDF pour une durée de cinq ans à compter du 1er mai 2003, ne peut, pour l'application de ces dispositions, utilement soutenir que la transformation de l'établissement public EDF en société anonyme n'a pas modifié sa position statutaire. L'obligation de protection due par l'Etat à ses fonctionnaires ne s'applique donc pas dans le cas de faits se rattachant à des activités exercées hors de l'administration, telles que les fonctions de directeur exercées par l'intéressé au sein d'EDF, société anonyme.

Par principe, le fonctionnaire détaché est, en principe, soumis aux règles qui régissent sa situation dans l'emploi qu'il exerce par la voie du détachement. Ce sont, ainsi, les règles du droit public qui s'appliquent s'il est détaché auprès d'une administration publique, mais ce sont les règles du droit privé qui vont s'appliquer s'il est détaché auprès, notamment, d'une entreprise de droit privé (2). En ce sens, le fonctionnaire détaché se voit appliquer le statut de salarié. A ce jour, ni le juge administratif, ni la doctrine administrative, n'ont préconisé d'étendre le bénéfice de la protection fonctionnelle aux agents de droit privé dont les liens avec le service sont beaucoup plus distendus que ceux des agents de droit public et dont les obligations professionnelles ne sont pas les mêmes. L'octroi d'une protection fonctionnelle aux agents de droit privé travaillant pour le compte d'un service public à caractère industriel et commercial ne serait pas conforme à la raison d'être de cette garantie, ni à sa finalité. C'est en ce sens que le Conseil d'Etat a pu juger en l'espèce. Les rapports entre un fonctionnaire détaché et la société anonyme EDF ne pouvant être que des rapports de droit privé, ce dernier ne peut bénéficier de la protection fonctionnelle.

Mais l'application du statut de salarié au fonctionnaire détaché laisse néanmoins, en l'espèce, un sentiment de malaise et peut paraître, à certains égards, en contradiction avec la dynamique nouvelle instituée en matière de mobilité telle qu'elle résulte de la loi n° 2009-972 du 3 août 2009, relative à la mobilité et aux parcours professionnels dans la fonction publique (3). Il existe, en outre, aujourd'hui une jurisprudence nouvelle qui incite à étendre le bénéfice de la protection fonctionnelle aux agents publics placés dans un rapport de droit privé, voire, dans certains cas, à appliquer cumulativement à une même relation de travail le statut de fonctionnaire et le Code du travail. La naissance plus générale d'un droit public du travail cumulé au fait que la protection n'ait cessé de s'étendre au-delà des textes statutaires pouvait logiquement amener, en ce sens, à l'application de la protection fonctionnelle à l'agent public détaché dans une entreprise privée. Le Conseil d'Etat a choisi une solution contraire dans la logique du rapport de droit privé unissant le fonctionnaire détaché à l'entreprise privée (I). Il aurait pu, à l'inverse, tenir compte de la nouvelle logique d'application liée à la mise en place d'un droit public du travail pouvant régir la situation particulière de ces agents publics (II).

I - Une décision qui s'inscrit dans la logique de la situation de droit privé du fonctionnaire détaché

Dans la logique d'application des rapports de droit privé unissant le fonctionnaire détaché à l'entreprise privée (A), le Conseil d'Etat n'a jamais appliqué la protection fonctionnelle à un agent public détaché auprès d'une entreprise privée (B), et ceci, malgré une extension toujours croissante du bénéfice de la protection.

A - Un contrat de droit privé qui régit la situation du fonctionnaire détaché

Le détachement de tout fonctionnaire obéit à trois principes essentiels posés par le statut général des lois de 1983 et 1984 (4) et de leurs décrets d'application : l'autonomie des deux carrières l'une par rapport à l'autre (dans le corps d'origine et dans l'organisme d'accueil), le maintien des droits à l'avancement et à la retraite dans le corps d'origine et, enfin, la soumission aux règles qui régissent la fonction dans laquelle l'agent public est détaché.

En ce sens, et suivant une jurisprudence aujourd'hui classique, le fonctionnaire détaché auprès d'une personne morale de droit privé pour exercer des fonctions se trouve lié à cette personne morale par un contrat de travail de droit privé. L'intéressé doit être soumis aux règles de celui-ci sauf dispositions expresses. Il est juridiquement soumis au droit du travail applicable à son nouvel emploi : statut du personnel de l'entreprise d'accueil, règlement intérieur, règlement du comité d'hygiène de sécurité et des conditions de travail, participation au comité d'entreprise, application des conventions collectives. En cas de litige avec l'entreprise d'accueil, le conseil des prud'hommes est compétent (5). Les dispositions légales relatives aux congés payés sont applicables (6). En cas de chômage partiel, l'allocation spéciale est due (7). La contribution à l'assurance chômage est obligatoire comme pour les autres salariés de l'organisme d'accueil (8). Enfin, le fonctionnaire détaché doit être affilié au régime de retraite supplémentaire institué dans l'entreprise privée par voie conventionnelle (9).

Il y a, ainsi, un souci de la jurisprudence de vouloir uniformiser le statut de ceux qui travaillent dans une entreprise ou une association. L'appartenance à une communauté humaine, celle des travailleurs, implique sans doute l'application de droits et obligations communs : droit d'être inscrit sur les listes électorales prud'homales (10), droit d'être désigné délégué syndical (11), ou encore le droit de participer aux élections des délégués du personnel (12). Il y a, en outre, pour les services des ressources humaines, un intérêt pratique incontestable à ne pas gérer un personnel aux statuts multiples.

Enfin, la situation du personnel de l'administration relevant d'un statut de droit privé relève de liens, par essence, beaucoup plus distendus que dans le cas des agents publics et ne sauraient par conséquent être institutionnalisés. C'est précisément la spécificité de ces liens qui justifie la protection fonctionnelle. Par exemple, le Conseil d'Etat a pu juger que les agents détachés dans une entreprise privée ne pouvaient pas obtenir un avancement de grade dans leur cadre d'emplois d'origine, les services accomplis au sein de l'entreprise privée n'étant pas considérés comme des services effectifs au sens des statuts particuliers (13). Les salariés de droit privé de l'administration se trouvent généralement dans une situation dont la précarité et l'instabilité relatives ne sauraient postuler les mêmes garanties.

B - Une protection fonctionnelle jamais étendue aux agents de droit privé

Si le bénéfice de la protection fonctionnelle n'a jamais été étendu aux agents de droit privé, elle n'a, pour autant, jamais cessé de croître au fil des ans. Peu importe le fait qu'ils soient stagiaires (14) ou titulaires. Peu importe leur position statutaire -mise à disposition (15) ou détachement (16)- ou leur lieu d'affectation (17). Il en est de même quelque soit la nature de l'emploi occupé (temps complet ou non, temps partiel, temps plein), ou leur situation administrative au moment de la demande, que l'agent soit en congé maladie (18) ou temporairement suspendu de ses fonctions (19), voire encore admis à la retraite (20).

En ce sens, l'obligation de protection qui incombe à une administration envers l'un de ses agents a été érigée en principe général du droit que l'agent soit poursuivi civilement par un tiers pour une faute de service qui n'a pas le caractère de faute personnelle détachable de l'exercice des fonctions (21) ou qu'il soit pénalement mis en cause pour des faits qui n'ont pas le caractère d'une faute personnelle (22). Une telle consécration conjuguée à la portée essentiellement fonctionnelle de ce principe a même permis au juge administratif d'étendre la protection aux collaborateurs occasionnels du service public (23), ainsi qu'aux personnes investies d'un mandat électif local (24) ou aux élus des chambres consulaires (25).

La nature fonctionnelle de la protection, combinée avec la jurisprudence du Conseil d'Etat voyant dans l'article 11, alinéa 2, de la loi de 1983 l'illustration d'un principe général du droit, incite à étendre le bénéfice de la protection bien au-delà des textes statutaires : ayants droit des fonctionnaires d'autorité lorsque ces derniers sont décédés dans l'exercice de leurs fonctions ou lorsque leurs proches, du fait des fonctions qu'ils exercent, sont victimes de menaces, violences, voies de fait, injures, diffamations ou outrages, agents non titulaires, etc..

La garantie profite donc à tous les agents publics, quelles que soient leur situation juridique, la nature de leurs fonctions et la collectivité qui les emploie, dès lors que cette qualité leur est reconnue, c'est-à-dire à partir du moment où, employés par une personne publique, ils assurent une mission de service public. Seuls restent encore exclus de la protection fonctionnelle les agents qui, à l'égard de l'Etat, des collectivités territoriales et de leurs établissements publics, se trouvent dans une situation de droit privé. Si, en effet, c'est bien l'étroitesse du lien qu'entretiennent les agents publics avec l'administration qui fonde en partie la protection statutaire, il paraît pour le moins délicat d'en admettre le bénéfice au profit des salariés de droit privé dont la situation relativement précaire ne saurait postuler des garanties identiques. Pour autant, certains éléments plaident, aujourd'hui, pour une mise en place de garanties identiques. Parmi ces éléments, figure, au premier rang, la logique nouvelle d'application d'un droit public du travail.

II - Une décision qui aurait pu s'inscrire dans la logique nouvelle d'application d'un droit public du travail

Dans la logique nouvelle d'application, aujourd'hui, dans certains cas, d'un droit public du travail, le Conseil d'Etat a pu dernièrement passer outre le statut de droit privé des fonctionnaires de France Télécom investis de mandats représentatifs pour leur octroyer une protection qui ne leur était pas offerte par leur statut. Cet exemple pourrait être transposé au cas des fonctionnaires détachés dans une entreprise privée (B), sachant que l'application unique du statut de droit privé peut amener certaines contrariétés (A).

A - Une application unique du statut de droit privé qui peut déboucher sur certaines contrariétés

La nature fonctionnelle de la protection combinée avec la jurisprudence du Conseil d'Etat voyant, dans cette dernière, l'illustration d'un principe général du droit, permettent d'étendre toujours plus le bénéfice de la protection bien au-delà des textes statutaires. Certains arguments incitent, depuis quelques temps, à penser que même les agents liés à la collectivité publique par un contrat de droit privé devraient pouvoir bénéficier de cette protection statutaire. Le ministre de l'Intérieur a, en ce sens, recommandé aux collectivités locales, employeurs de contrats emplois solidarité et d'emplois jeunes, de mettre en oeuvre, à leur profit, cette protection fonctionnelle (26). Or, les contrats aidés sont des contrats de droit privé par détermination de la loi. Il convient de tenir compte qu'il n'en demeure pas moins que leurs titulaires exercent des fonctions proches de celles des agents publics lorsque la personne qui les emploie est une personne publique gérant un service public à caractère administratif. Les titulaires de contrats aidés se voient protégés par leur administration dans un souci d'égalité de traitement, et cette façon de raisonner peut largement être transposé au cas d'espèce. Puisque la protection fonctionnelle relève, au moins en partie, d'un principe général du droit, il serait assez logique que, comme dans le cas des agents publics non titulaires, l'analogie des fonctions entraîne l'identité de la protection.

Par ailleurs, lorsqu'un agent est victime de menaces, insultes ou voies de fait, son statut de droit public ou de droit privé importe peu à l'agresseur : c'est ce qu'il représente, le service public dans le cadre duquel la victime exerce ses fonctions, qui est alors visé. La nature institutionnelle de la garantie, le souci de protéger l'Etat, la collectivité ou ses services publics à travers les agents, militent, là encore, en faveur d'une telle extension.

En outre, si, par principe, le fonctionnaire détaché est soumis aux règles régissant la fonction qu'il exerce par l'effet de son détachement, il doit contribuer à l'assurance chômage comme les autres salariés de l'organisme au sein duquel il exerce ses fonctions (27). La solution est pourtant loin d'être acquise puisque l'intéressé ne court pas le risque d'être au chômage comme les autres salariés puisqu'il réintègre son corps d'origine à l'issue du détachement. L'on peut ainsi parler de versement de cotisations sans cause qui, dans une optique civiliste, vaut, également, pour le contrat de travail (28). Enfin, dans le même ordre d'idée, la rupture du contrat du fonctionnaire détaché s'analyse aussi, dans une optique de droit privé, comme un licenciement. Or, le droit au licenciement est construit à partir de l'idée selon laquelle la perte de l'emploi consécutive à la rupture du contrat de travail doit être indemnisée sauf faute grave du salarié. Si, en cours de contrat, le lien de subordination peut expliquer l'application du Code du travail, à l'expiration du contrat, les fonctionnaires détachés et les salariés de droit commun ne sont pas dans une situation identique. Autant les seconds risquent d'être au chômage, autant les premiers n'ont jamais quitté leur corps d'origine. Le droit positif impose donc aux organismes de droit privé l'obligation de verser des indemnités de licenciement qui compensent un préjudice inexistant, ce qui s'analyse à nouveau comme un paiement sans cause (29).

B - L'exemple de la protection des fonctionnaires de France Télécom investis de mandats représentatifs

Le salarié investi d'un mandat syndical ou représentatif bénéficie d'une protection exorbitante du droit commun qui fait, notamment, obstacle à ce que l'employeur lui impose sans son accord un changement dans ses conditions de travail. Mais la question du bénéfice de cette protection se pose, en revanche, s'agissant de fonctionnaires exerçant leur service dans des sociétés de droit privé. Ces travailleurs, placés sous l'autorité de cette société, sont amenés à participer avec les salariés de l'entreprise à l'organisation et au fonctionnement de leur entreprise par l'intermédiaire des institutions représentatives. Cela signifie, entre autre, que les fonctionnaires peuvent être élus, comme délégué du personnel ou membre du comité d'entreprise, ou désignés délégués syndicaux selon les règles établies dans le secteur privé. Cependant, aucune des dispositions relatives à la protection des salariés investis de mandats représentatifs ou syndicaux ne leur est applicable. Sont-ils pour autant dépourvus de toute protection à l'encontre de l'entreprise privée qui déciderait d'un changement de leurs conditions de travail ?

Face à l'absence générale de protection, précisément en cas de changement dans les conditions de travail, la Cour de cassation avait pris la décision de transposer purement et simplement les solutions appliquées aux salariés protégés du secteur privé concernant certains personnels de France Télécom ayant conservé le statut de fonctionnaire malgré la transformation de l'établissement public en une société de droit privé (30). Elle donnait, ainsi, compétence au juge judiciaire pour connaître du trouble manifestement illicite résultant de l'atteinte portée au mandat de représentation, tout en laissant au juge administratif le soin d'examiner la décision de mutation dont avait fait l'objet le fonctionnaire de France Télécom. Cependant, dans une décision très récente, le Conseil d'Etat décida de statuer de manière doublement différente (31). D'abord, le Conseil d'Etat ne dissocie pas la décision de mutation de ses effets sur le mandat représentatif et attribue la pleine et exclusive compétence du juge administratif sur la question. Ensuite, le Conseil dote, pour la première fois, le fonctionnaire investi d'un tel mandat d'une protection spécifique qui ne fait pas a priori obstacle à un changement des conditions de travail. Celui-ci peut être imposé au fonctionnaire, à charge pour lui d'exercer un recours afin de contester la mesure en raison d'une atteinte trop importante au principe de participation et de faire prononcer sa suspension ou son annulation. Le juge administratif doit, alors, faire la pesée entre les intérêts du service et ceux de la collectivité de travail.

C'est à cette décision du Conseil d'Etat que se plie la Cour de cassation dont elle reprend in extenso l'énoncé des motifs. La soumission de la Cour est pleinement cohérente en ce qu'elle évite une division artificielle du contentieux et distingue bien ce qui relève à proprement parler du statut, qui dépend de la compétence du juge administratif, et du mandat, qui ressort de la compétence du juge judiciaire (32). Il y a là un exemple concret de la manière dont pourrait raisonner le juge administratif dans le contentieux relatif à la protection fonctionnelle de l'agent public détaché dans une entreprise privée même si, pour le détachement, les fonctionnaires en question ne sont pas "fonctionnaires de l'entreprise privée", mais liés à l'employeur d'affectation par un contrat de droit privé.


(1) Loi n° 83-634, 13 juillet 1983, portant droits et obligations des fonctionnaires (N° Lexbase : L6938AG3), JO, 14 juillet 1983, p. 2174. Aux termes de l'article 11, alinéa 1er, de la loi du 13 juillet 1983, "les fonctionnaires bénéficient, à l'occasion de leurs fonctions et conformément aux règles fixées par le Code pénal et les lois spéciales, d'une protection organisée par la collectivité publique qui les emploie à la date des faits en cause ou des faits ayant été imputés de façon diffamatoire au fonctionnaire".
(2) CE 1° et 2° s-s-r., 9 octobre 2002, n° 233596, mentionné aux tables du recueil Lebon (N° Lexbase : A2896A3N), Rec. CE, 2002, p. 622. La solution est identique pour les détachements dans les groupements d'intérêt économique (T. confl., 15 février 1999, n° 3141 N° Lexbase : A5563BQ4, Rec. CE, 1999, p. 705), les EPIC (T. confl., 20 juin 1994, n° 2862 N° Lexbase : A5920BKH, Rec. CE, 1994, p. 998), ou encore les associations investies d'une mission de service public (T. confl., 24 juin 1996, n° 3031 N° Lexbase : A5682BQI, Rec. CE, 1996, p. 547).
(3) Loi n° 2009-972 du 3 août 2009, relative à la mobilité et aux parcours professionnels dans la fonction publique (N° Lexbase : L6084IE3), JO, 6 août 2009, p. 13116. Elle consacre, en effet, un véritable droit au départ, puisque l'administration d'origine ne peut pas s'opposer à la demande d'un fonctionnaire d'être placé en position de détachement, en disponibilité ou hors-cadre, sauf raisons tirées des nécessités du ou en cas d'incompatibilité décelée par la Commission de déontologie (cf. D. Jean-Pierre, La loi du 3 août 2009 relative à la mobilité et aux parcours professionnels dans la fonction publique, JCP éd. A, 2009, n° 2232).
(4) Loi n° 84-16 du 11 janvier 1984, 11 janvier 1984, portant dispositions statutaires relatives à la fonction publique de l'Etat (N° Lexbase : L7077AG9).
(5) Cass. soc., 13 mars 2001, n° 99-40.139 (N° Lexbase : A0129ATX), RJS, 2001, première et seconde espèce.
(6) Ibid.
(7) CE 1° et 2° s-s-r., 9 octobre 2002, n° 233596, préc..
(8) Cass. soc., 27 juin 2000, n° 97-43.536 (N° Lexbase : A3555AU9).
(9) Cass. soc., 17 octobre 2000, n° 98-40.288 (N° Lexbase : A7678AHT).
(10) Ass. plén., 20 décembre 1991, n° 90-43.616 (N° Lexbase : A1108AAB), Dr. soc., 1992, p. 439, obs. J. Savatier.
(11) Cass. crim., 5 mai 1980, n° 77-92.979 (N° Lexbase : A1868CGB), Bull. crim., 1980, n° 133.
(12) Cass. soc., 21 juin 1978, n° 78-60.415 (N° Lexbase : A4289CIP), Bull. civ. V, 1978, n° 494.
(13) CE 3° et 8° s-s-r., 28 avril 2006, mentionnés aux tables du recueil Lebon, n° 278087 (N° Lexbase : A1991DPG) et n° 279673 (N° Lexbase : A2001DPS), JCP éd. A, 2006, A, n° 1150, note D. Jean-Pierre.
(14) CE 1° et 2° s-s-r., 3 mars 2003, n° 235052 (N° Lexbase : A3937A7X).
(15) CE 3° et 5° s-s-r., 24 février 1995, n° 112538, inédit au recueil Lebon (N° Lexbase : A2412ANN).
(16) CAA Paris, 1ère ch., 24 octobre 1996, n° 94PA02173, inédit au recueil Lebon (N° Lexbase : A1689BIE).
(17) CE, S., 14 février 1975, n° 87730, publié au recueil Lebon (N° Lexbase : A9972B7H) ; voir aussi CE, Ass., 6 novembre 1968, n° 70282, publié au recueil Lebon ([LXB=A4542B7D ]), Rec. CE, 1968, p. 545, à propos d'agents en service en Algérie, ou TA Nouméa, 31 décembre 1985, Rec. CE 1985, p. 670, à propos d'agents en service dans les îles Loyauté.
(18) CE 3° et 8° s-s-r., 12 mars 2010, n° 308974, mentionné aux tables du recueil Lebon (N° Lexbase : A1604ETL).
(19) CAA Marseille, 2ème ch., 16 novembre 2004, n° 00MA001794 (N° Lexbase : A3186DG4).
(20) CAA Lyon, 3ème ch., 7 novembre 2006, n° 03LY00384, mentionné aux tables du recueil Lebon (N° Lexbase : A4283DSG).
(21) CE 3° et 6° s-s-r., 5 mai 1971, n° 79494, publié au recueil Lebon (N° Lexbase : A3632B7N).
(22) CAA Bordeaux, 2ème ch., 25 mai 1998, n° 96BX01847, inédit au recueil Lebon (N° Lexbase : A6316BEN).
(23) CE, 27 octobre 1961, Rec. CE, 1961, p. 602.
(24) CAA Bordeaux, 2ème ch., 25 mai 1998, n° 96BX01847, préc..
(25) CE, Sect., 8 juin 2011, n° 312700, publié au recueil Lebon (N° Lexbase : A5418HTT).
(26) QE n° 26472 de M. Caillaud Dominique, JOANQ, 8 mars 1999, p. 1358, réponse publ. 16 août 1999, p. 4969, 11ème législature (N° Lexbase : L1725IRC), AJFP 200/1, p. 24.
(27) Cass. soc., 27 juin 2000, n° 97-43.536 (N° Lexbase : A3555AU9).
(28) C. trav., art. L. 1221-1 (N° Lexbase : L0767H9B).
(29) Cf. note T. Lahalle sous Cass., soc., 9 novembre 2005, n° 03-45.006, F-P+B (N° Lexbase : A5096DLC), JCP éd. A, 2006, n° 1087.
(30) Cass. soc, 5 mars 2008, n° 07-11.123, FS-P+B (N° Lexbase : A3316D7X), Bull. civ. V, n° 53, AJDA 2008, p. 498, JCP éd. S, 2008, n° 1309, obs. Kerbourc'h.
(31) CE 2° et 7° s-s-r., 24 février 2011, n° 335453, publié au recueil Lebon (N° Lexbase : A7017GZW), Dalloz actualité, 8 mars 2011, obs. de Montecler ; AJDA, 2011, p. 418.
(32) Cass. soc., 17 mai 2011, n° 10-15.577, FS-P+B (N° Lexbase : A2563HSQ), Dalloz actualité, 9 juin 2011, note B. Ines.

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