La lettre juridique n°456 du 6 octobre 2011 : Droit financier

[Jurisprudence] De la responsabilité des dépositaires et gestionnaires en temps de crise

Réf. : CA Paris, Pôle 5, 4ème ch., 18 mai 2011, n° 08/02503 (N° Lexbase : A3586HRA)

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par Jean-Baptiste Lenhof, Maître de conférences à l'ENS - Cachan Antenne de Bretagne, Membre du centre de droit financier de l'Université de Paris I (Panthéon-Sorbonne)

le 06 Octobre 2011

Si la crise financière produit encore, en 2011, ses effets sur les marchés, elle commence seulement aujourd'hui à émerger véritablement au plan judiciaire, à l'occasion de décisions de justice condamnant certains opérateurs boursiers pour des fautes commises durant la tourmente de l'été 2007. L'arrêt commenté, rendu le 18 mai dernier par la cour d'appel de Paris, renvoie, ainsi, aux "circonstances exceptionnelles" prévues par les dispositions de l'article L. 214-30 du Code monétaire et financier (N° Lexbase : L6945IBT), applicables à l'espèce (disposition déplacée à l'article L. 214-8-7 N° Lexbase : L9062IQP par l'ordonnance n° 2011-915 du 1er août 2011, relative aux organismes de placement collectif en valeurs mobilières et à la modernisation du cadre juridique de la gestion d'actifs N° Lexbase : L8775IQ3), circonstances auxquelles ont été confrontés un dépositaire et un gestionnaire de fonds communs de placement (FCP).
Le 1er octobre 1999, les fondateurs de la société Odyssée Venture (Odyssée), gérant pour le compte de tiers des fonds de capital investissement, concluent un partenariat avec les sociétés Oddo, qui portent sur la gestion et l'administration de fonds communs de placement à caractère innovant (FCPI) et en prévoient la commercialisation. La société Oddo et Cie (Oddo Cie) y est désignée dépositaire des fonds, la société Oddo Asset Management (OAM) en étant gestionnaire. La convention prévoit que ces dernières doivent fournir diverses prestations dans le domaine de la gestion administrative et comptable, la mise à disposition d'outils d'analyse et de gestion de données, l'assistance dans la communication financière et le marketing. Elle établit, par ailleurs, que les gérants d'Odyssée doivent consulter OAM préalablement aux investissements.
Le 25 août 2006, Odyssée dénonce la convention, alors que les FCPI avaient été créés et que leurs "disponibilités" avaient été investies, pour un montant évalué de plus de 63 millions d'euros dans deux FCP monétaires (Oddo cash arbitrage et Oddo cash titrisation) gérés par OAM. A l'occasion de la chute des marchés boursiers, les deux fonds sont liquidés, occasionnant des pertes importantes. Odyssée intente, alors, une action contre les sociétés Oddo, le tribunal de commerce de Paris décidant, par un jugement du 16 janvier 2008 (T. com. Paris, 16 janvier 2008, aff. n° 2007068518 N° Lexbase : A9843HXT), que les allégations de manquement et de non-respect de leur devoir d'information et de conseil par les sociétés Oddo Cie et OAM doivent faire l'objet d'un sursis à statuer, et renvoyant la cause au rôle d'attente. Les motifs avancés étaient que le constat des manquements aux "règles ou à la déontologie des opérations de bourse" était subordonné à la prise d'une autre décision, boursière, celle-là, dans le cadre du recours intenté par Odyssée devant l'Autorité des marchés financiers (AMF).
L'AMF ayant, par deux décisions du 18 juin 2009 (2 décisions AMF du 18 juin 2009 N° Lexbase : L5742IEE et N° Lexbase : L5741IED), reconnu des manquements et prononcé une sanction pécuniaire de 300 000 euros et un avertissement à l'encontre, respectivement, des sociétés OAM et Oddo et Cie, la cour d'appel de Paris décide de recevoir l'appel d'Odyssée.

L'arrêt d'appel, ainsi étayé de la décision de sanction de l'AMF, avait à répondre à des questions portant sur la responsabilité des sociétés Oddo, à raison "de fautes et manquements d'une particulière gravité". A ce titre, les sociétés faisaient l'objet de demandes tendant à reconnaître l'existence de fautes relatives à l'inexécution d'obligations d'information, de conseil et de bonne foi, parallèlement à des manquements strictement boursiers. Ces fautes étant intimement liées le juge aura, en pratique, à examiner, d'abord, la responsabilité relevant des relations entre professionnel et investisseur (I) pour, ensuite, considérer celle qui était encourue au titre des opérations réalisées sur le marché (II).

I - Responsabilité et relations avec l'investisseur

La responsabilité relative aux relations avec l'investisseur renvoie, dans l'arrêt, à des sujétions fort générales, telles les obligations de bonne foi et d'information des investisseurs (A). La question se pose, toutefois, au-delà de l'absence d'exécution de ces obligations, de leur contenu et de leur étendue (B) lorsque l'autre partie présente la qualité d'investisseur averti.

A - Responsabilité relative aux obligations de bonne foi et d'information des investisseurs

Les premiers arguments d'Odyssée concernaient la violation d'obligations d'information par Oddo Cie et OAM, à propos de la gestion des fonds "monétaires", Oddo Cash arbitrage et Oddo cash titrisation, sur lesquels l'investisseur avait placé ses liquidités. Elle soutenait qu'OAM ne lui avait signalé la présence de subprimes dans ces fonds qu'à compter d'un courriel du 6 juillet 2007. Odyssée avait adressé, alors, une lettre recommandée avec accusé de réception le même jour à Oddo Cie, avec la mention suivante : "nos contacts avec OAM ne nous ont pas permis jusqu'à présent d'identifier avec certitude les fonds concernés par la thématique 'subprime'. Nous aurions besoin des conseils d'un spécialiste de la gestion taux, pour arbitrer sans précipitation au sein de la gamme et être certains d'une réelle diversification des stratégies de gestion entre les OPCVM sélectionnés". Cette lettre n'aurait jamais reçu de réponse.

Quant à la faute, ici, il conviendra de souligner que l'appelante semblait se placer sur le terrain de la violation d'une obligation contractuelle, telle que résultant de la convention particulière passée avec le dépositaire et le gestionnaire. Il s'agissait, semble-t-il, de la part d'Odyssée, d'une demande d'expertise en exécution des engagements contractuels pris dans l'accord de participation du 1er octobre 1999. La motivation de l'arrêt, cependant, ne semble pas retenir cette interprétation.

Il relève, en effet, que l'appellation du fonds "cash titrisation" était explicite, mais ne permettait pas de mesurer l'exposition du risque à l'immobilier américain, que l'avertissement adressé par OAM par courriel était "facile à décrypter pour un professionnel" mais qu'il n'y avait aucune indication de la proportion de subprime dans le fonds. Il s'ensuivait, alors, que la connaissance, par Odyssée, du fonctionnement des marchés financiers n'excusait : ni "la teneur ambiguë du message [le courriel], ni le défaut de réponse au courrier du 6 juillet [la lettre recommandée]".

Ainsi isolé, l'argument relatif au courrier du 6 juillet 2007 pourrait prêter le flanc à la critique. Il suffit, en effet, de rappeler que l'accord de participation du 1er octobre 1999 avait été dénoncé par Odyssée le 25 août 2006, soit un an avant la crise et, qu'en conséquence, sa demande, ainsi libellée : "Nous aurions besoin des conseils d'un spécialiste de la gestion taux, pour arbitrer sans précipitation" en référait, implicitement, à l'exécution d'un accord qu'elle avait elle-même dénoncé.

La cour d'appel de Paris contourne, toutefois, cet obstacle en replaçant l'inexécution des obligations dans un cadre plus général soulignant, pour étayer le constat de la faute, qu'en dépit de la dénonciation de l'accord de participation, "ces sociétés [Oddo] restaient débitrices des obligations résultant de la réglementation des marchés financiers et de l'obligation générale de bonne foi afférentes à ces qualités ; que les décisions d'investissement relevaient [d'Odyssée], mais qu'elles devaient être éclairées" (nous soulignons). Ainsi, lui est-il possible de constater la faute, au motif que les comportements des intimés étaient constitutifs de "manquements par OAM et Oddo et Cie à leurs obligations de bonne foi et d'information des investisseurs".

On mesure, de la sorte, que la réponse à la demande, tout en se plaçant dans un registre institutionnel, à savoir les obligations résultant du statut professionnel des sociétés Oddo, demeure imprégnée de fait, comme si la mention que les "décisions [...] devaient être éclairées" en référait à la persistance d'un devoir d'assistance dû a un ancien partenaire.

En pratique, cependant, cette interprétation, n'aura aucune conséquence puisque le juge, en dépit du constat de la faute, rejette la responsabilité des deux sociétés Oddo en décidant que le lien de causalité avec le préjudice allégué n'était pas suffisamment démontré. Odyssée, selon lui, avait été alertée du risque nouveau encouru, et n'en avait pas tiré les conséquences utiles, alors qu'il "était encore temps de le faire" en raison des très faibles pertes qui auraient pu être enregistrées si elle avait liquidé ses parts au 6 juillet 2007.

B - Responsabilité et étendue des obligations de bonne foi et d'information des investisseurs

Ce raisonnement trouve, toutefois, une forme de justification -factuelle- dans la gestion hasardeuse des deux fonds litigieux par les intimés, avant cette date fatidique du 6 juillet 2007. Il s'avère, en effet, que l'AMF avait établi, qu'entre le 5 mars 2007 et le 5 juillet 2007, un autre fonds, "Oddo Cash", particulièrement exposé aux risques d'actifs toxiques, avait transféré lesdits actifs dans Oddo cash arbitrage et Oddo cash titrisation. L'AMF, dans ses deux décisions du 18 juin 2009, devait relever, par ailleurs, que ces deux fonds, présentés comme étant "dynamiques", faisaient partie d'une gamme où figurait un fonds classique sans que leur politique de gestion en soit distinguée, et qu'ils avaient été commercialisés sans qu'une explication "claire" du risque ait été fournie.

Odyssée soutenait, donc, qu'OAM et Oddo Cie devaient être déclarées responsables pour non-respect des intérêts des porteurs de fonds, en raison du transfert d'actifs toxiques du fonds Oddo cash vers les deux fonds "dynamiques". Cette demande, toutefois, portait sur deux volets, car Odyssée s'appuyait sur la décision de l'AMF qui avait elle-même développé, de façon très significative, des arguments relatifs au défaut d'information des investisseurs.

Sur cette partie des griefs, il s'avère que seul Oddo Cie sera mise en cause par la cour d'appel. S'appuyant sur la décision de sanction de l'AMF, elle rappelle, en effet, que l'Autorité avait mis en avant la substance de son règlement général, la synthèse des textes applicables en la matière permettant d'établir, d'après elle, que "les informations utiles sont communiquées au mandant afin de lui permettre de confier la gestion de ses actifs ou de prendre une décision d'investissement ou de désinvestissement en toute connaissance de cause". La cour d'appel, de constater, alors, l'existence d'une obligation de continuité de l'information, et d'ajouter que le "devoir d'information et de conseil comporte la mise en garde contre les risques encourus".

Rappelant, au surplus, les exigences de cohérence et d'exhaustivité quant aux règles de publicité concernant les OPCVM, elle relèvera, de la part d'Oddo Cie, le manque d'information sur l'exposition au risque, que n'aurait pu compenser la qualité de professionnel d'Odyssée et l'absence de précision sur la nature toxique des créances titrisées. Elle soulignera, enfin, que le site internet d'Oddo n'évoquait pas l'exposition des fonds aux subprimes, et que, tandis que les analystes d'Oddo mettaient en garde contre cette même exposition, les sociétés transféraient les actifs toxiques d'un fonds à un autre sans en avertir les investisseurs.

Le juge reprend, alors, une partie de ses arguments précédents relatifs au défaut d'information en décidant que : "dans un tel contexte, le défaut de réponse, par [Oddo Cie et OAM] à la lettre recommandée avec accusé de réception du 6 juillet 2007 demandant des informations sur le niveau de subprime dans les fonds était un manquement supplémentaire et grave à l'obligation d'information et de bonne foi dus à tout investisseur, indépendamment d'une éventuelle obligation renforcée" (nous soulignons).

Ainsi la cour ne se place plus, ici, dans le cadre de la violation d'une obligation résultant de la convention de 1999, "l'obligation d'information et de bonne foi" étant, cette fois, explicitement analysée au regard des infractions à la réglementation boursière. Ce point est patent lorsqu'elle précise que cette "obligation" est celle qui est due "à tout investisseur", et que le manquement est "supplémentaire", c'est-à-dire qu'il s'ajoute à celui que les sociétés Oddo auraient commis à l'occasion de leurs relations avec Odyssée.

La présentation qui est faite, ainsi, de la responsabilité née de manquements à l'information appelle, alors, deux remarques.

La première tient au constat que le raisonnement fondé sur la violation d'obligations d'information, essentiellement conçues pour protéger l'investisseur non-professionnel semble peu adapté, en l'espèce, pour apprécier la responsabilité d'Oddo Cie à l'égard d'Odyssée. Le juge, il est vrai, rappelle expressément les compétences d'Odyssée en matière boursière, mais il n'en tire aucune conséquence quant à l'intensité des obligations inexécutées et/ou des manquements constatés. Un doute subsiste, de la sorte, quant à savoir si l'utilisation du terme "tout investisseur" renvoie à un champ d'obligation d'information minimal que le professionnel devrait à son client, quel que soit son degré d'expertise, ou s'il vise à étendre, dans certains cas (qui resteraient, alors, à déterminer) cette information lorsque la technicité de l'investissement le rend nécessaire.

La seconde remarque, c'est que l'incertitude précédente s'accroît lorsque la cour d'appel termine son considérant en mentionnant " une éventuelle obligation renforcée" (nous soulignons) : s'agirait-il ainsi de souligner qu'entre un professionnel et un investisseur avisé, l'obligation pourrait "éventuellement" être renforcée (à moins que le terme ne renvoie aux obligations de l'accord de partenariat de 1999) ? En toute hypothèse le récipiendaire d'une information ne peut produire de preuve négative : celle de n'avoir pas été informé. C'est donc, logiquement, à celui sur qui pèse le devoir d'information d'établir la preuve positive qu'il a bien rempli son obligation.

II - Responsabilité et opérations sur le marché

Dans l'appréciation de la responsabilité née des opérations sur le marché, les fondements permettant de constater la faute présentent, par comparaison, davantage de solidité, car s'appuyant sur la violation de textes de la réglementation boursière. Indépendamment des contingences liées à l'appréciation de la faute contractuelle, la cour d'appel, en effet, s'appuie explicitement sur des textes pour établir la responsabilité liée, d'une part, au non-respect des intérêts des porteurs de fonds (A) et, d'autre part, à l'inexécution des ordres de rachat (B).

A - Opérations sur le marché et respect des intérêts des porteurs de fonds

C'est au motif de la violation des articles L. 533-11 du Code monétaire et financier (N° Lexbase : L3085HZB) -l'arrêt mentionne de manière erronée l'article L. 539-11- et 314-3 du règlement général de l'AMF , qui établissent le principe du respect des intérêts des porteurs des fonds, que l'arrêt va établir la faute d'OAM, la responsabilité de cette dernière étant seule mise en jeu en raison de sa qualité de gestionnaire.

Le juge s'appuie, pour ce faire, sur le constat, opéré par l'AMF et rapporté dans sa décision de sanction, de la méconnaissance du principe précité. Ce dernier s'établissait, en l'espèce, de la vente des produits de titrisation liés au marché immobilier américain aux deux fonds litigieux, et de la réalisation de ces opérations sans recourir au marché, ce qui avait conduit à les garder secrètes. Il ressortait, enfin, de la "localisation" corrélative de certains profits exceptionnels dans le fonds Oddo cash, au détriment des autres. Cette dernière circonstance constituait, selon le juge, une méconnaissance caractérisée du respect des intérêts des porteurs de chacun des fonds : l'ensemble des opérations réalisées par OAM était, ainsi, commis : "en violation tant des règles du marché que de l'obligation générale de bonne foi"

La faute ainsi démontrée, le juge s'en rapporte au lien de causalité, constatant que les fautes commises avaient eu un effet direct sur la baisse de valeur des actifs des fonds litigieux. Il ajoutera, par ailleurs, que la collusion entre Oddo Cie et OAM était établie par les constatations de l'AMF, les opérations fautives ayant débuté juste après une réunion du comité des risques exceptionnels, le 5 mars 2007, et, que jusqu'au 27 juillet de la même année, certains dirigeants, personnes physiques et sociétés Oddo avaient retiré, par rachats, 76 % des sommes qu'ils avaient investies dans les deux fonds.

B - Absence d'exécution des ordres de rachat et préjudice

La mise en jeu de la responsabilité pour la non-exécution des ordres de rachat procède du même raisonnement, le juge faisant reposer la faute sur la violation des articles L. 214-30 du Code de marchés financiers qui prévoit que les ordres de rachat passés par l'investisseur "peuvent être suspendus à titre provisoire par la société de gestion quand des circonstances exceptionnelles l'exigent et si l'intérêt des porteurs de parts le commande, dans des conditions fixées par le règlement du fonds".

En l'espèce, il s'avère, qu'à la suite de publications alarmantes sur le site Oddo, Odyssée avait adressé à OAM, les 25 et 26 juillet 2007, dans des délais qui imposaient leur exécution le jour même, des ordres de rachat de ses parts des fonds Oddo cash arbitrage et Oddo cash titrisation, ainsi que la souscription au fonds Oddo cash qui était, lui, dépourvu de risques liés à la crise. Ces ordres ne seront, cependant, jamais exécutés, OAM invoquant, pour se justifier, l'existence de "circonstances exceptionnelles" prévues à l'article L. 214-30 précité, circonstances qui l'avaient contrainte à suspendre les rachats de parts. Elle précisera que cette décision de suspension "immédiate" avait été annoncée par un communiqué du 27 juillet dans l'après-midi, lequel indiquait que la décision de suspension avait été prise par OAM le 26 juillet.

Le juge, toutefois, rejette toute possibilité pour OAM de se retrancher derrière cette notion de "circonstance exceptionnelle", constatant que la société pouvait, soit procéder à une suspension du rachat des parts provisoire, soit à une suspension définitive pour fermeture, mais "avec effet seulement après que l'annonce eut été rendue publique, même en cas de circonstances exceptionnelles". Il estime que, dès lors, c'était de manière fautive qu'elle avait procédé de manière rétroactive à une suspension définitive pour "fermeture" des fonds, en n'exécutant pas des ordres donnés avant la publication de sa décision et, au surplus, avant que ladite décision ait été prise.

Il s'avère, toutefois, que sur l'appréciation du préjudice subi, ce défaut d'exécution des ordres, n'avait eu que peu de conséquences, la situation, selon les termes même de l'arrêt, étant, au 26 juillet 2007, "très obérée", au point que, même si les ordres avaient été exécutés, le différentiel de perte eut été faible. L'essentiel du dommage, comme le souligne clairement la rédaction, résultait du défaut d'information et, notamment, du défaut de réponse à la lettre du 6 juillet 2007, "date à laquelle il était encore temps d'agir". Elle découlait, également, d'une gestion fautive des fonds litigieux, la situation ayant été aggravée par les opérations effectuées, en toute connaissance de cause, par M. Philippe O. et la SAS Oddo.

La responsabilité ainsi établie revient, on le mesure, à rattacher le préjudice à la violation des obligations d'information par le dépositaire et le gestionnaire. Le volet relatif aux fautes réalisées lors des opérations sur le marché a, quant à lui, pour seul effet de mettre en jeu la responsabilité des personnes physiques et morales qui avaient fait baisser la valeur liquidative des fonds litigieux. La responsabilité de tous les intervenants à l'affaire étant établie, il restait à la Cour d'appel à examiner d'éventuelles causes d'exonération.

Sur ce dernier point, le juge va apprécier les fautes d'Odyssée avec la même intransigeance que celle dont il avait fait preuve à l'encontre du dépositaire et du gestionnaire. Il relève, ainsi, que la société avait participé à son propre préjudice en opérant des choix néfastes, ayant pris l'option d'une liquidation immédiate en dépit du risque de décote considérable encouru, alors qu'elle aurait pu limiter considérablement ses pertes si elle était demeurée investie (la valeur liquidative d'un des deux fonds étant remontée de 174,93 % en deux an et demi). Par ailleurs, les magistrats parisiens vont estimer que, même si Odyssée avait pu "agir à temps", il n'est pas établi qu'elle n'aurait pas enregistré d'autres pertes, en raison de la répercussion de la crise sur l'ensemble du marché boursier.

C'est par ces motifs que la cour d'appel condamne solidairement les sociétés OAM, Oddo Cie, et Philippe Oddo SAS à payer à Odyssée les sommes de 10 500 000 euros et 1 200 000 euros de dommages-intérêts pour les comptes de FCPI mentionnés dans ses conclusions gérés par elle, et 2 500 000 en réparation de son préjudice propre. Quant au préjudice commercial d'image et de manque à gagner, sur les commissions, la Cour l'évaluera globalement à 2 500 000 euros.

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