La lettre juridique n°456 du 6 octobre 2011 : Avocats

[Focus] L'installation d'un jeune avocat : modalités à mettre en oeuvre et difficultés rencontrées

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par Samantha Gruosso, avocat au barreau de Paris

le 06 Octobre 2011

Le passage de la collaboration à l'installation est souvent le fruit d'une longue réflexion. En effet, réfléchir à son avenir doit rester l'une des préoccupations principales du collaborateur libéral. Il est vrai que celui-ci ne doit pas se contenter d'une situation confortable où il sait qu'il disposera chaque mois de sa rétrocession d'honoraires mais, au contraire, s'interroger et rester vigilant quant à l'évolution de sa propre carrière. L'installation que ce soit par la création de son propre cabinet, seul, avec des confrères ou par la voie de l'association reste la finalité de l'exercice libéral de notre profession. Néanmoins, le passage de la collaboration à l'installation n'est pas toujours évident. Le présent article à vocation à exposer les modalités pratiques à mettre en oeuvre préalablement à l'installation (I) et les difficultés pouvant être rencontrées lors de cette installation (II), enfin il présentera les structures existantes afin d'aider les jeunes avocats dans leur installation (III). En définitive, il n'y a pas une façon de s'installer, chacun doit trouver sa propre formule en fonction de ses diverses expériences professionnelles, de ses compétences, de sa personnalité, et des opportunités pouvant se présenter.

I - Sur les modalités à mettre en oeuvre préalablement à l'installation

A - Sur la réalisation d'un bilan ciblant les compétences

Préalablement à l'installation, il convient d'établir un bilan de compétences afin de définir un véritable projet professionnel qui conditionnera les choix futurs.

Ce bilan de compétences amènera nécessairement toute personne à se poser un certain nombre de questions qui peuvent être les suivantes :

1) La profession d'avocat me convient-elle ?
2) Si oui, ai-je envie de rester sur du long terme dans la profession ? Ou ai-je envie de m'orienter plutôt vers l'entreprise ?
3) En d'autres termes, quel est mon véritable projet professionnel ?
4) Ai-je bien été formé au sein des cabinets dans lesquels j'ai travaillé ?
5) Ai-je acquis une réelle autonomie et un sens des responsabilités me permettant de traiter seul un dossier ?
6) Les matières traitées me conviennent-elles et correspondent-elles à ma formation universitaire ?
7) Quelles sont les matières que je souhaite principalement traiter dans le futur ?
8) Ai-je atteint l'ensemble des objectifs qui m'avaient été fixés ?
9) Quels sont les résultats obtenus sur les divers dossiers traités ?
10) Quelles sont les perspectives d'évolution offertes par le cabinet ?

L'ensemble des réponses apportées à ces questions permettra d'orienter ses choix et d'envisager un changement de cabinet ou une installation.

En cas de décision d'installation, il conviendra d'analyser de manière claire et précise la clientèle personnelle développée au cours des années de collaboration afin de pouvoir avoir déjà une visibilité sur le chiffre d'affaires généré par celle-ci.

B - Sur l'analyse de la clientèle personnelle développée lors du contrat de collaboration

Avant de s'installer, il convient de calculer le chiffre d'affaires généré par la clientèle personnelle de celui constitué des rétrocessions d'honoraires versées par le cabinet durant l'année précédent l'installation. La détermination du chiffre d'affaires permettra de déterminer les conditions d'installation.

Bien évidemment, le chiffre d'affaires qui sera désormais généré par l'installation sera dans un premier temps moindre en comparaison de celui additionné avec les rétrocessions d'honoraires perçues du cabinet, néanmoins, lors des premiers mois d'installation il y a un réel phénomène "d'appel d'air".

Ce phénomène s'explique par la disponibilité nouvelle accordée à sa clientèle personnelle qui favorise la venue de nouveaux clients et une facturation plus en adéquation avec les prestations fournies.

Par ailleurs, il est utile de provisionner le maximum possible afin de pouvoir faire face aux différentes charges professionnelles calculées sur l'exercice n-1 et celles qui seront liées à la nouvelle structure (local professionnel, téléphone, secrétariat...).

Enfin, il est également utile de procéder à l'analyse du type de clientèle traitée ainsi que de celle que l'on souhaite éventuellement cibler dans les prochains mois, et de réfléchir aux modalités à mettre en oeuvre pour y parvenir tel que développer son réseau, se faire connaître et faire savoir à son entourage que l'on s'installe.

En d'autres termes, il faut communiquer sur son installation pour favoriser le développement de la clientèle personnelle déjà captée et celle que l'on souhaiterait capter.

C - Sur le choix du mode d'exercice : installation ou association au sein de la structure ou d'un autre cabinet ?

Le choix du mode d'exercice dépend de la clientèle personnelle développée au cours des années de collaboration, des perspectives d'évolution au sein du cabinet mais également du mode de vie que l'on souhaite adopter dans les années à venir.

Elle peut prendre la forme d'une simple association ou d'une cession gratuite de parts du cabinet en rémunération d'un apport en industrie ou d'une cession à titre onéreux de parts.

Si l'association est plus sécurisante dans la mesure où elle consiste en l'intégration d'une structure existante, celle-ci peut se révéler parfois plus contraignante laissant peu de marges de manoeuvres.

L'installation offre au contraire une liberté dans la gestion et l'organisation de son cabinet. Elle permet donc une plus grande indépendance.

II - Dans le cas d'une installation : sur les difficultés rencontrées lors de cette installation

Les difficultés pouvant être rencontrées lors de l'installation peuvent être multiples et il s'agit de répertorier dans le cadre de cet article celles rencontrées dans la plupart des cas.

A - Sur les difficultés liées au développement insuffisant de la clientèle personnelle pendant le contrat de collaboration

L'une des principales difficultés rencontrées en amont est liée au contrat de collaboration.

Dans certains cas des confrères, qui décident de s'installer, n'ont pu développer leur propre clientèle lors du contrat de collaboration :

- soit en raison de l'impossibilité de pouvoir le faire lors de la collaboration par la surcharge de travail ;
- soit en raison de déconvenues rencontrées au sein de la structure les ayant contraints à la quitter de manière précipitée.

C'est ainsi, que ceux-ci prennent la décision de s'installer en l'absence totale de clientèle personnelle, qu'ils devront nécessairement développer lors de leur installation ce qui ralentira nécessairement le chiffre d'affaires pouvant être généré.

Une autre difficulté apparaît également mais celle-ci n'est pas propre aux confrères ayant pris la décision de s'installer, il s'agit de l'absence de visibilité sur le chiffre d'affaires qui va être généré par la clientèle.

En effet, si la comparaison entre le chiffre d'affaires généré par le versement des rétrocessions d'honoraires et le chiffre d'affaires généré par sa propre clientèle personnelle est possible, il est, en revanche, impossible de quantifier le chiffre d'affaires qui va être réalisé dans les mois suivant l'installation.

B - Sur les difficultés liées au choix du mode d'exercice

Si le choix de s'installer seul permet de réduire les coûts d'exploitation et de gérer son cabinet comme on l'entend, ce mode d'exercice peut révéler certains dangers.

Le premier danger est un isolement puisqu'il s'agit d'un exercice solitaire qui ne permet pas toujours de partager ses réflexions ou ses doutes sur les dossiers.

Or, il est important de pouvoir échanger sur les dossiers que l'on doit traiter, de créer une émulation intellectuelle avec d'autres confrères afin de bénéficier d'une vision différente ou tout simplement de développer un point plus clairement.

L'entourage est, en somme, capital dans le cadre de l'exercice individuel de la profession.

Le manque de disponibilité peut être un danger.

L'exercice individuel suppose aussi une grande disponibilité pour sa clientèle alors même que le jeune avocat ne dispose pas de moyens suffisants lui permettant d'embaucher du personnel afin de gérer le secrétariat.

C'est ainsi que ce mode d'exercice fait perdre un temps considérable dans la mesure où le jeune avocat doit gérer en plus du traitement des dossiers l'ensemble de la partie administrative de son cabinet.

Dans ces conditions, ce mode d'exercice peut entraîner une impossibilité matérielle de suivre des dossiers nécessitant un investissement beaucoup trop important en terme de temps et pouvant mettre en péril l'existence d'une nouvelle structure encore fragile.

Enfin, un autre danger que peut présenter la mise en place d'une telle structure, est celui lié à la santé du jeune avocat notamment dans l'hypothèse d'un accident ou d'une longue maladie, l'empêchant d'exercer et pouvant créer de graves difficultés de gestion de son cabinet et même parfois la perte totale de la clientèle.

C - Sur les difficultés liées au local professionnel

Dans l'optique d'une réduction des coûts d'exploitation le jeune avocat aura tendance à privilégier un bureau contre vacations, ou bien une domiciliation moins coûteuse qu'une location ou sous location de bureau.

Cependant, le système du bureau contre vacation qui semble économique, peut vite se révéler un piège dans le cas où le nombre de vacations peut largement dépasser un certain seuil constituant un frein au développement de la clientèle personnelle.

Dans ces conditions, dans le cadre d'un bureau de vacation il convient de définir expressément le nombre de vacations réglant le loyer fixé également initialement de manière claire et précise.

D - Sur les difficultés liées à l'organisation et à la gestion du cabinet

Le jeune avocat est souvent confronté aux difficultés liées à la facturation de ses honoraires.

En effet, celui-ci doit apprendre à évaluer non seulement le coût de son dossier mais également celui engendré par le cabinet. Il lui appartient donc de faire une estimation juste de manière à ne pas travailler à perte sur un dossier.

Or, bon nombre de jeunes avocats n'ont pas appris dans les structures dans lesquelles ils ont été formés les mécanismes de facturation dans la mesure où la plupart n'avaient pas accès à la facturation du cabinet et s'occupaient essentiellement du traitement des dossiers.

Ainsi, il peut être difficile pour certains jeunes avocats d'apprendre à facturer, d'apprécier la solvabilité de son client, et d'arrêter de travailler sans contrepartie financière.

Dans ces conditions, il appartient au jeune avocat de déterminer le seuil de rentabilité correspondant au niveau du chiffre d'affaires à atteindre pour que le cabinet ne soit pas en perte.

Il lui appartiendra également d'informer son client sur la méthode de calcul choisie pour déterminer ses honoraires en ayant à l'esprit la couverture des frais de fonctionnement du cabinet et de sa rémunération.

III - Sur les structures mises en place afin d'aider les jeunes avocats dans leur installation

Plusieurs structures ont été mises en place par l'Ordre des avocats au barreau de Paris afin d'aider et de favoriser l'installation des jeunes avocats.

- La Pépinière

La Pépinière a été créée par l'Ordre à l'initiative du Bâtonnier Christian Charrière-Bournazel. Celle-ci a ouvert ses portes le 1er octobre 2009.

Elle a été créée pour les avocats qui ont prêté serment depuis moins de cinq ans.

Elle leur permet de bénéficier durant un temps limité d'une domiciliation et d'un minimum de services annexes indispensables à l'exercice de la profession, dans l'attente d'un contrat de collaboration ou d'un début de clientèle leur permettant de s'installer.

La Pépinière permet de bénéficier essentiellement d'un service courrier et d'un espace de travail meublé, en temps partagé.

L'avocat doit utiliser son propre téléphone mobile et son ordinateur portable. Il se voit attribuer un numéro de fax via mail.

Les photocopieurs et imprimantes collectives sont accessibles par chacun grâce à une carte prépayée.

Chaque avocat dispose d'un casier personnel fermé à clef où il reçoit son courrier, il est personnellement averti par message électronique immédiat de la réception de plis recommandés.

Des avocats honoraires assurent, à titre bénévole, une permanence téléphonique, en vue de conseils relatifs à la pratique professionnelle et à la déontologie.

Les demandes d'inscriptions doivent être envoyées par courrier électronique.

Depuis le mois d'octobre 2010, le conseil de l'Ordre a décidé de créer un Comité d'admission. C'est lui qui décide sur dossiers quels sont les confrères qui doivent en priorité intégrer la Pépinière.

Une fois la candidature acceptée, le contrat est signé auquel est annexé le règlement intérieur.

La Pépinière est situé 11 boulevard Sébastopol dans le 1er arrondissement de Paris.

Les horaires sont du lundi au vendredi de 8 heures à 20 heures et le samedi de 9 heures à 17 heures sauf jours fériés et chômés.

- Le bureau d'aide à la recherche d'une collaboration ou d'une reconversion (BARCOR)

Le bureau d'aide à la recherche d'une collaboration ou d'une reconversion a été créé en 2004 par le service de l'Ordre des avocats.

Ce service est axé sur la recherche d'une collaboration, d'un remplaçant temporaire ou encore d'une vacation. Il reste également à l'écoute des confrères qui rencontrent des difficultés dans leur activité ou souhaitant être aidé dans leur installation.

Une permanence est assurée tous les jeudis de 9 heures à 13 heures et de 14 heures à 17 heures 30.

- L'Union des jeunes avocats (UJA)

L'Union des jeunes avocats a été créée en 1992 pour :

- regrouper les jeunes avocats du barreau parisien, soit inscrits au tableau, soit stagiaires ;
- leur apprendre à se connaître mieux, à s'entraider ;
- étudier les questions corporatives intéressant particulièrement les jeunes ;
- faciliter aux débutants l'exercice de la profession.

Le rôle premier de l'UJA est de défendre les collaborateurs.

L'UJA les aide également à passer de la collaboration à l'installation ou à l'association.

En 1999, à l'initiative d'Yvon Martinet et de Philippe Touzet, l'UJA a crée le "Pack Installation" et les "Permanences installation" afin d'encourager et d'aider les jeunes confrères à se regrouper dans le cadre de la création de leur propre cabinet.

En mai 2004, est paru le Guide de l'installation et de l'association à l'occasion du 60ème Congrès de la FNUJA. Celui-ci a depuis fait l'objet d'actualisation et prodigue de précieux conseils pour ceux qui souhaitent sauter le pas et s'installer.

Il existe également une Commission Installation & Association.

Le 14 octobre 2011 aura lieu la journée du jeune avocat au Palais de Justice de Paris. Cet événement est dédié à la collaboration, la formation, l'installation et/ou l'association et permettra aux personnes désirant s'installer ou déjà installées de rencontrer des interlocuteurs pouvant les conseiller et les aider.


Sources

- Site internet de l'Ordre des Avocats de Paris : www.avocatparis.org

Guide de l'installation et de l'association de l'UJA

- Entretien du 15 septembre 2011 avec Madame Maryla Goldszal coordinatrice du BARCOR

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