La lettre juridique n°456 du 6 octobre 2011 : Électoral

[Doctrine] Panorama de l'actualité du droit électoral de l'année 2011

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par Guy Prunier, Chargé de mission au ministère de l'Intérieur

le 20 Octobre 2011

Lexbase Hebdo - édition publique vous invite à lire, cette semaine, le panorama de l'actualité du droit électoral de l'année 2011 rédigé par Guy Prunier, Chargé de mission au ministère de l'Intérieur. En effet, depuis un an, l'actualité électorale s'est vue considérablement accélérée du fait de l'adoption de nombreux textes en cette matière. Ainsi, une douzaine de lois ou lois organiques ont modifié ou contribué à modifier avec une ampleur variable les textes en vigueur. Les domaines concernés par ces réformes et sur lesquels reviendra le panorama sont, notamment, les nouveaux régimes électoraux, le régime des inéligibilités, le déroulement des campagnes électorales, ou encore la transparence financière de la vie politique. I - Les nouveaux régimes électoraux

Le mandat de conseiller territorial

Non sans tribulations, la loi n° 2010-1563 du 10 décembre 2010, de réforme des collectivités territoriales (N° Lexbase : L9056INQ), a créé un nouveau mandat local. L'idée générale tendant à la réduction du nombre des élus locaux a conduit à la fusion d'un mandat unique de conseiller territorial, membre à la fois du conseil général, assemblée du département, et du conseil régional, assemblée de la région, les deux collectivités étant maintenues distinctes. Du point de vue électoral, si initialement un régime mixte, combinant le système majoritaire dans les cantons ruraux et proportionnel dans les cantons urbains, avait été envisagé, il a finalement été abandonné au profit du maintien du régime majoritaire à deux tours dans le cadre du canton.

Les dispositions électorales de la loi précitée, laquelle concerne surtout le fonctionnement des assemblées intéressées, se résument aux articles 1 à 4, qui renvoient globalement aux articles L. 190 (N° Lexbase : L2470AAQ) et suivants du Code électoral relatifs aux élections cantonales. En apparence donc, le texte ne fait guère montre de changement. Toutefois, l'article 6 de la loi, et c'est là que réside l'innovation principale, fixe le nombre d'élus désignés par département et par région. La même personne siégeant dans les deux assemblées, le nombre des membres du conseil régional est donc la somme du nombre de membres siégeant dans chacun des départements de la région.

Ce système comporte trois exceptions :

- les conseillers territoriaux élus dans le département de Paris ne siègeront qu'au conseil régional, le Conseil de Paris exerçant déjà les attributions d'un conseil général ;
- l'assemblée de Corse, ou l'élu dans une circonscription unique constituée des deux départements insulaires échappe, également, à la règle commune, ce qui induit mécaniquement que le régime électoral des deux conseils généraux de Corse (département de Corse du Sud de Haute-Corse) n'est pas modifié ;
- sont, également, exclus, outre-mer, les départements et régions de Guyane et de Martinique, dont l'évolution statutaire était déjà entamée (cf. infra).

Cette réforme comporte une conséquence concrète très contraignante qui est la fixation du nombre de sièges par départements et régions, et, par voie de conséquence, pour un scrutin uninominal majoritaire maintenu, un redécoupage de la carte cantonale.

Le Conseil constitutionnel avait déjà eu l'occasion de préciser sa doctrine en matière de redécoupage de circonscriptions électorales, notamment législatives. Apparemment, elle n'a pas été suffisamment assimilée puisque le tableau joint au projet de loi a fait l'objet d'une annulation (Cons. const., décision n° 2010-618 DC du 9 décembre 2010 N° Lexbase : A7110GMB), au motif d'une trop grande discordance dans la répartition des sièges, eu égard aux données démographiques de référence. Les pouvoirs publics ont été contraints de modifier ce tableau des effectifs pour compenser rapidement cette annulation. Trop rapidement sans doute, car le nouveau tableau a été annulé pour une raison de pure procédure (Cons. const., décision n° 2011-632 DC, du 23 juin 2011 N° Lexbase : A2992HUD). Le Conseil constitutionnel a, en effet, considéré que la fixation des effectifs des assemblées locales, par son objet même, ressortissait à l'organisation des collectivités territoriales au sens de l'article 27 de la Constitution (N° Lexbase : L0853AH3). Par conséquent, le Sénat aurait dû examiner en priorité ce texte, et non l'Assemblée nationale. Il a finalement été remédié à cette erreur de procédure et le tableau définitif a été adopté, non sans susciter une troisième décision du juge constitutionnel, cette fois-ci dans le sens d'une conformité à la loi fondamentale (Cons. const., décision n° 2011-634 DC du 21 juillet 2011 N° Lexbase : A0625HW3).

L'élection de députés par les Français établis hors de France

L'ordonnance n° 2009-936 du 29 juillet 2009, relative à l'élection de députés par les Français établis hors de France (N° Lexbase : L6024IET) a introduit dans le Code électoral un livre III détaillant les dispositions spécifiques applicables à ces élections. Il restait à la ratifier, ce qui a été fait, non sans quelques modifications de détail, par la loi organique n° 2011-411 du 14 avril 2011, ratifiant l'ordonnance n° 2009-936 du 29 juillet 2009, relative à l'élection de députés par les Français établis hors de France (N° Lexbase : L9797IPK). L'on rappellera que onze sièges de députés sont, ainsi, concernés.

La loi organique n° 2011-410 du 14 avril 2011, relative à l'élection des députés et sénateurs (N° Lexbase : L9796IPI), prévoit une modification de la loi organique n° 76-97 du 31 janvier 1976, relative aux listes électorales consulaires et au vote des Français établis hors de France pour l'élection du Président de la république (N° Lexbase : L7711AIG), pour déterminer les règles du droit d'option des citoyens inscrits à la fois sur une liste électorale consulaire et sur une liste électorale municipale. Le principe du droit d'option, initialement ouvert pour la seule élection présidentielle, est, ainsi, étendu aux élections législatives et, d'une manière générale, à l'ensemble des scrutins se déroulant à la fois sur le territoire national et à l'étranger.

Au niveau réglementaire, le livre III du Code électoral a été inséré par le décret n° 2011-843 du 15 juillet 2011, relatif à l'élection de députés par les Français établis hors de France (N° Lexbase : L7626IQI).

Les représentants au Parlement européen

La loi n° 2011-575 du 26 mai 2011, relative à l'élection des représentants au Parlement européen (N° Lexbase : L3682IQG), règle la procédure d'attribution, en cours de mandat, de deux sièges supplémentaires au Parlement européen dont pourrait disposer la France, au terme d'une procédure de répartition des effectifs, engagée mais non achevée, menée au niveau communautaire. Il s'agit donc d'une disposition provisoire mais qui, accessoirement, modifie le régime électoral des députés européens.

Lors de l'instauration des élections européennes en 1977, le territoire de la République constituait une circonscription unique et les Français résidant hors de France étaient invités à prendre part au scrutin dans les conditions prévues pour l'élection présidentielle (cf. la loi n° 76-97, précitée). La réforme résultant de la loi n° 2003-327 du 11 avril 2003, relative à l'élection des conseillers régionaux et des représentants au Parlement européen ainsi qu'à l'aide publique aux partis politiques (N° Lexbase : L6496BH3), avait supprimé cette possibilité par l'instauration de huit circonscriptions électorales regroupant, pour la plupart, un ensemble de régions. La loi de 2011 rétablit partiellement la situation antérieure, au prix d'une innovation particulière : les suffrages exprimés à l'étranger sont inclus dans ceux de la circonscription Ile-de-France.

Les régimes électoraux d'outre-mer

La départementalisation de Mayotte, opérée via les lois du 7 décembre 2010, relative au département de Mayotte, organique n° 2010-1486 (N° Lexbase : L8568INN) et ordinaire n° 2010-1487 (N° Lexbase : L8569INP), comporte le bénéfice non négligeable de la simplification : Mayotte se trouvera, au terme d'une courte période transitoire de 2011 à 2014, redevable du droit commun des assemblées régionales et départementales. En d'autres termes, le régime des conseillers territoriaux s'appliquera à Mayotte en 2014. La seule particularité subsistant du régime antérieur est l'existence d'une campagne audiovisuelle officielle, les articles du Code électoral qui l'encadraient n'ayant pas été abrogés (C. élect., art. L. 462 N° Lexbase : L9418IN7, II à V).

La Polynésie française, comme c'est son lot depuis plusieurs années, a fait, également, l'objet d'une réforme statutaire par la loi organique n° 2011-918 du 1er août 2011, relative au fonctionnement des institutions de la Polynésie française (N° Lexbase : L8879IQW). Du point de vue électoral, la modification porte, notamment, sur l'existence d'un redécoupage. La Polynésie française, antérieurement répartie en six circonscriptions, devient une circonscription unique dotée de huit sections. Ce système de sections constitue la transposition au contexte local du régime électoral des actuels conseillers régionaux, eux aussi distribués en sections départementales à l'intérieur d'une même région (C. élect., article L. 338 N° Lexbase : L2482AA8).

Ce système est repris pour les dernières modifications statutaires qui concernent les assemblées de Guyane et de Martinique par les lois du 27 juillet 2011, organique n° 2011-883 (N° Lexbase : L8276IQL) et n° 2011-884 (N° Lexbase : L8277IQM). Une assemblée unique gère la collectivité qui succède au département et à la région, respectivement de Guyane et de Martinique. Le modèle suivi est celui de l'Assemblée de Corse. Ces dispositions sont regroupées dans un nouveau livre VI bis du Code électoral, dont les dispositions d'application sont encore attendues.

II - Les autres innovations intervenues dans le domaine électoral

En parallèle à ces modifications, déjà de grande ampleur, s'ajoutent une série de mesures de portée inégale figurant dans trois textes, tous datés du 14 avril 2011, dont il a déjà été incidemment question :

- la loi organique n° 2011-410 du 14 avril 2011, relative à l'élection des députés et sénateurs (N° Lexbase : L9796IPI) ;
- la loi n° 2011-411, ratifiant l'ordonnance n° 2009-936 du 29 juillet 2009 (N° Lexbase : L9797IPK) ;
- la loi n° 2011-412, portant simplification de dispositions du Code électoral et relative à la transparence financière de la vie politique (N° Lexbase : L9798IPL).

Ces textes portent sur les points suivants.

Le régime des inéligibilités

Les premiers textes intervenus en la matière n'ont apparemment pas un objet électoral : il s'agit des lois du 29 mars 2011, relatives au Défenseur des droits, ordinaire n° 2011-334 (N° Lexbase : L8917IPX) et organique n° 2011-333 (N° Lexbase : L8916IPW). Toutefois, le titulaire de cette fonction est rendu inéligible à tout mandat électoral, disposition qui a donné lieu à une décision intéressante du Conseil constitutionnel (Cons. const., décision n° 2011-628 DC, du 12 avril 2011). En vertu de l'article 6 de la Déclaration des droits de l'Homme de 1789 (N° Lexbase : L1370A9M), les dispositions relatives aux inéligibilités sont d'application stricte : une inéligibilité "ne saurait valoir pour l'ensemble du territoire national que de manière expresse".

L'âge pour se présenter aux élections législatives a été ramené de vingt-trois à dix-huit ans. Désormais, toute personne qui, à la date du premier tour de scrutin, remplit les conditions pour être électeur et n'entre dans aucun des cas d'inéligibilité peut être élue à l'Assemblée nationale (C. élect., art. LO. 127 N° Lexbase : L3720IQT), ce qui était la règle pour les élection locales par l'effet de la loi n° 2000-295 du 5 avril 2000, relative à la limitation du cumul des mandats électoraux et des fonctions et à leurs conditions d'exercice (N° Lexbase : L0376AIR). Cette harmonisation s'applique mécaniquement à l'élection présidentielle, le II de l'article 3 de la loi n° 62-1292 du 6 novembre 1962, relative à l'élection du Président de la République (N° Lexbase : L5341AGW), renvoyant expressément à l'article LO. 127. Il en va de même pour l'élection des représentants au Parlement européen, le renvoi résultant de l'article 5 de la loi n° 77-729, relative à l'élection des représentants au Parlement européen (N° Lexbase : L7791AIE).

Par le même texte, l'âge d'éligibilité au Sénat a été abaissé de trente à vingt-quatre ans, après avoir été ramené de trente-cinq à trente ans par la loi organique n° 2003-696 du 30 juillet 2003, portant réforme de la durée du mandat et de l'âge d'éligibilité des sénateurs ainsi que de la composition du Sénat (N° Lexbase : L7965GT8). Subsiste donc une tradition parlementaire bien établie remontant aux débuts de la IIIème République et réservant à la Chambre haute un âge d'éligibilité plus élevé.

Les textes précités procèdent à une actualisation importante des règles d'inéligibilités des fonctionnaires de l'Etat, des collectivités territoriales ou des établissements publics au mandat parlementaire, qui font l'objet d'une liste actualisée figurant à l'article L.O. 132 du Code électoral (N° Lexbase : L3715IQN). Sont inéligibles en France, dans toute circonscription comprise en tout ou partie dans le ressort dans lequel ils exercent ou ont exercé leurs fonctions depuis moins d'un an à la date du scrutin, les titulaires de nombreuses fonctions locales de responsabilité.

Si la période d'inéligibilité de trois ans est maintenue pour les préfets, elle est ramenée à une période uniforme d'un an pour les autres fonctions, au lieu d'osciller entre un an et six mois, comme c'est le cas encore pour les élections locales (cf. par exemple, C. élect., art. L. 195 N° Lexbase : L2553AAS et L. 196 N° Lexbase : L2555AAU). Par ailleurs, ces inéligibilités sont adaptées au cas particulier des candidatures à l'étranger, tant pour l'élection de députés (C. élect., art. LO. 329 N° Lexbase : L3714IQM) que des sénateurs représentant les Français établis hors de France (loi organique n° 83-499 du 17 juin 1983, relative à la représentation au Sénat des Français établis hors de France, art. 2 N° Lexbase : L1872G8T). Ces adaptations sont rendues nécessaires par l'absence de fonctions de responsabilités locales comparables à celles des services déconcentrés ou décentralisés.

Quelque autres modifications mineures sont également introduites

Le régime du contrôle des candidatures pour les élections législatives est modifié : il appartient désormais au candidat de saisir le tribunal administratif en cas de refus d'enregistrement pour cause d'inéligibilité, et non plus au préfet, qui devait surseoir à l'enregistrement et saisir le tribunal administratif (disposition applicable, par renvoi, pour les élections sénatoriales).

Les règles relatives au cumul des mandats sont modifiées à l'article L.O. 151 du Code électoral (N° Lexbase : L3729IQ8) : à défaut d'exercice du droit d'option entre plusieurs mandats dans le délai légal imparti, le mandat local acquis à la date la plus ancienne prend fin de plein droit.

Le déroulement des campagnes électorales

La loi transcrit dans le Code électoral des interdictions dégagées au fil du temps par le juge électoral : le nouvel article L. 48-1 (N° Lexbase : L9881IPN) prévoit, ainsi, que toutes les interdictions et restrictions prévues par le code en matière de propagande sont applicables à tout message ayant le caractère de propagande électorale diffusée par tout moyen de communication au public par voie électronique. Le nouvel article L. 48-2 du même code (N° Lexbase : L9882IPP) interdit à tout candidat de porter à la connaissance du public un élément nouveau de polémique électorale à un moment tel que ses adversaires n'auraient pas la possibilité d'y répondre utilement avant la fin de la campagne. Ces dispositions font entrer dans le Code électoral des jurisprudences bien connues (voir CE, 2° et 6° s-s-r., 29 décembre 1993, publié au recueil Lebon N° Lexbase : A1642AN7, et CE, 9° et 10° s-s-r., 9 mai 2005, n° 273435, inédit au recueil Lebon N° Lexbase : A2181DIM).

L'article L. 49 (N° Lexbase : L9940IPT) interdit, désormais, à partir de la veille du scrutin à zéro heure, et non plus le jour du scrutin, la distribution des bulletins, de circulaires ou d'autres documents. Un nouvel article L. 49-1 (N° Lexbase : L9885IPS) interdit dans la même période de faire procéder à des appels téléphoniques en série en direction des électeurs afin de les inviter à voter pour un candidat (pratique dite du "phoning").

La période de prohibition de l'utilisation à des fins de propagande de tout procédé de publicité commerciale par voie de presse ou de tout moyen de communication audiovisuelle est interdite, passe de trois à six mois précédant le premier jour du mois où l'élection est acquise (C. élect., art. L. 52-2 N° Lexbase : L9657GQQ). Ce délai est, ainsi, désormais aligné sur celui figurant au deuxième alinéa de l'article L. 52-1 (N° Lexbase : L9941IPU), relatif à l'interdiction des campagnes de promotion publicitaire des réalisations ou de la gestion d'une collectivité.

Par compensation, la distribution de tracts n'est plus désormais formellement interdite. Si cette modification de l'article L. 165 du Code électoral (N° Lexbase : L9944IPY) met le droit en conformité avec la pratique des campagnes électorales, l'on peut, néanmoins, s'interroger sur le sens du maintien des autres interdictions : en effet, la diffusion et l'impression des circulaires du candidat, en dehors de celles de sa propagande officielle, demeurent non seulement interdites mais susceptibles de sanctions pénales. Enfin, la rédaction de l'article L. 51 du Code électoral modifié (N° Lexbase : L9942IPW) autorise, de manière implicite, l'affichage politique sur les panneaux d'affichage d'expression libre lorsqu'il en existe sur la commune.

La transparence financière de la vie politique

Le chapitre II de la loi précitée n° 2011-412 complète la loi n° 88-227 du 11 mars 1988, relative à la transparence financière de la vie politique (N° Lexbase : L8358AGN). Elle permet d'enrichir les informations qui doivent être fournies à la Commission pour la transparence financière de la vie politique et crée une nouvelle incrimination à l'encontre des personnes assujetties à l'obligation de dépôt de déclaration de situation patrimoniale auprès de la commission, si ces personnes se rendent coupables d'une déclaration volontairement partielle ou mensongère.

Ainsi, le fait, pour un élu, d'omettre sciemment de déclarer une part substantielle de son patrimoine ou d'en fournir une évaluation mensongère est puni de 30 000 euros d'amende et, le cas échéant, de l'interdiction des droits civiques et de l'interdiction d'exercer une fonction publique. Tout manquement aux obligations de dépôt de la déclaration de patrimoine est puni de 15 000 euros d'amende.

Le financement des campagnes électorales

S'agissant des campagnes aux élections sénatoriales, la loi précitée n° 2011-412 étend, à partir de 2014, à l'élection de sénateurs, les dispositions sur le financement des campagnes actuellement applicables aux députés. L'article 12 de ce même texte prévoit que soient jointes à la déclaration de candidature les pièces de nature à prouver que le candidat a procédé à la désignation d'un mandataire financier afin de limiter les rejets, par la Commission nationale des comptes de campagnes et des financements politiques, des comptes de candidats qui n'auraient pas désigné de mandataires. Les modalités de contrôle et de sanction de la commission sont modifiées. La présentation d'un compte de campagne n'est plus nécessaire si le candidat ou la liste a obtenu moins de 1 % des suffrages exprimés, et s'il n'a pas bénéficié de dons de personnes physiques selon les modalités prévues à l'article 200 du Code général des impôts (N° Lexbase : L4921IQC).

En application du nouvel article L. 52-11-1 du Code électoral (N° Lexbase : L9948IP7), dans les cas où les irrégularités commises ne conduisent pas au rejet du compte, la décision de la commission concernant ce dernier peut désormais réduire le montant du remboursement forfaitaire en fonction du nombre et de la gravité de ces irrégularités. En matière contentieuse, le juge électoral, lorsqu'il constatera que la commission n'a pas statué à bon droit, fixera lui-même dans sa décision le montant du remboursement forfaitaire prévu à l'article L. 52-11-1. Cette évolution de la législation épargnera aux candidats de devoir saisir à nouveau la commission pour la fixation du remboursement à l'issue de la décision du juge électoral.

L'article 13 de la loi met en place un dispositif spécifique de "droit au compte bancaire" pour les mandataires personnes physiques d'un candidat. Inspiré du droit commun applicable aux particuliers, cette disposition permettra à un mandataire financier d'un candidat qui n'a pu ouvrir de compte dans un établissement bancaire afin de respecter les dispositions du Code électoral, de saisir la Banque de France qui devra désigner un établissement chargé d'ouvrir un compte pour ce mandataire financier.

S'agissant de la notion bonne foi, le nouvel article L.O. 136-1 du Code électoral (N° Lexbase : L3724IQY) étend aux députés un dispositif qui était jusqu'à présent réservé aux seuls candidats aux élections locales en vertu de l'article L. 118-3 du même code (N° Lexbase : L9959IPK). Risque donc de se voir déclarer inéligible, d'une part, le candidat dont le compte de campagne a été rejeté à bon droit en cas de volonté de fraude ou de manquement d'une particulière gravité aux règles relatives au financement des campagnes électorales et, d'autre part, le candidat qui a accompli des manoeuvres frauduleuses ayant eu pour objet ou pour effet de porter atteinte à la sincérité du scrutin.

Le législateur est allé au-delà d'une simple harmonisation : il a, en effet, instauré un dispositif de sanction plus sévère. Si le candidat peut bénéficier plus largement de l'indulgence du juge, le régime de la sanction, si elle est prononcée, est aggravé : non seulement la durée maximale de l'inéligibilité est portée d'un an à trois ans (elle est donc modulée en fonction de l'appréciation du juge), mais elle concerne, désormais, tous les scrutins et plus seulement le seul mandat pour lequel le candidat a été rendu inéligible.

Cette innovation législative a été l'occasion d'une décision juridictionnelle dans une année qui en a été plutôt avare, eu égard à l'ampleur de l'activité législative qui vient d'être évoquée. On se souvient en effet que la Commission nationale des comptes de campagne et des financements politiques avait rejeté le compte d'un candidat tête de liste aux élections régionales d'Ile-de-France. En conséquence, elle avait saisi le Conseil d'Etat aux fins d'une déclaration d'inéligibilité pour une durée d'un an, comme le prévoyait l'article L. 118-3, alors en vigueur (N° Lexbase : L2510AA9). Toutefois, le candidat avait contesté la conformité à la Constitution de ce qu'il considérait comme une sanction automatique. Le Conseil constitutionnel ne l'a pas suivi sur ce terrain, comme en témoigne sa décision n° 2011-117 QPC du 8 avril 2011 (N° Lexbase : A5887HMY) : "les dispositions législatives relatives au financement des dépenses électorales des candidats aux élections régionales sont conformes à la Constitution". Cependant, entre-temps, les dispositions applicables ont été modifiées dans le sens qui vient d'être rappelé et le candidat en a bénéficié : il n'est pas déclaré inéligible, même si son compte de campagne reste rejeté (CE, Ass., 4 juillet 2011, n° 338033, publié au recueil Lebon N° Lexbase : A6336HU9) (1).


(1) Lire Elections régionales d'Ile-de-France : un rejet du compte de campagne qui n'entraîne pas nécessairement inéligibilité - Questions à Jean-Louis Vasseur, avocat à la Cour, Cabinet Seban Associés (N° Lexbase : N7192BS8), Lexbase Hebdo n° 211 du 27 juillet 2011 - édition publique.  

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