Réf. : Cass. crim., 15 octobre 2019, n° 19-82.380, FS-P+B+I (N° Lexbase : A1967ZRB)
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par June Perot
le 23 Octobre 2019
► Le défaut de notification à la personne gardée à vue de la modification de qualification d’une infraction qu’elle est soupçonnée d’avoir commise ou tenté de commettre, ordonnée par le procureur de la République, ne peut entraîner le prononcé d’une nullité que s’il en est résulté pour elle une atteinte effective à ses intérêts, au sens de l’article 802 du Code de procédure pénale (N° Lexbase : L4265AZY) ;
► le délai de vingt minutes écoulé entre la présentation de l’individu à l’officier de police judiciaire de permanence (commissariat de police du 16ème arrondissement de Paris en l’espèce), et son placement en garde à vue, qui inclut la notification des droits afférents à cette mesure, ne peut donner lieu à son annulation, compte tenu des circonstances de l’interpellation, de la zone dans laquelle elle a eu lieu (19ème arrondissement) et des délais de transport, le procureur de la République ayant été par ailleurs préalablement avisé de cette mesure.
C’est ainsi que s’est prononcée la Chambre criminelle de la Cour de cassation dans un arrêt rendu le 15 octobre 2019 (Cass. crim., 15 octobre 2019, n° 19-82.380, FS-P+B+I N° Lexbase : A1967ZRB).
Résumé des faits. Les faits de l’espèce concernaient l’interpellation de trois personnes (deux hommes et une femme) et leur placement en garde à vue pour, en ce qui concerne les deux hommes, refus d’obtempérer et la femme pour complicité de cette infraction. Le ministère public a procédé à l’ajout de la qualification d’association de malfaiteurs et infractions à la législation sur les armes. Les deux hommes se sont vu notifier la qualification supplémentaire de proxénétisme aggravé. La femme s’est vu notifier la modification de la complicité de refus d’obtempérer en association de malfaiteurs lors de la prolongation de sa garde à vue. Une information judiciaire a été ouverte à l’encontre des trois personnes notamment des chefs de tentative d’enlèvement et séquestration, infraction à la législation sur les armes, association de malfaiteurs, pour lesquels la femme a été mise en examen. L’intéressée a saisi la chambre de l’instruction d’une requête en nullité.
Moyen de nullité tiré de la notification tardive des droits. Pour écarter ce moyen, l’arrêt énonce que l’intéressée a été interpellée porte de Pantin (19ème arrondissement) aux côtés de deux autres individus, à 3 heures 05, par des agents de police du commissariat du 16ème arrondissement, qui ont immédiatement avisé l’OPJ de permanence. Sur instructions de ce dernier, l’intéressée lui a été présentée à 3 heures 35, son placement en GAV et les droits afférents à la mesure lui étant notifiés à 3 heures 55, le début de celle-ci étant fixé à 3 heures 05, heure d’interpellation. Les juges en déduisent que le délai de vingt minutes écoulé entre la présentation à l’officier de police judiciaire de permanence et son placement en garde à vue, qui inclut la notification des droits afférents à cette mesure, ne peut donner lieu à son annulation, compte tenu des circonstances de l’interpellation, de la zone dans laquelle elle a eu lieu et des délais de transport, le procureur de la République ayant été par ailleurs préalablement avisé de cette mesure à 3 heures 49.
Moyen de nullité tiré de l’absence de notification de la modification de la qualification retenue. Pour écarter ce moyen de nullité des auditions, l’arrêt énonce qu’au cours de sa première audition, l’intéressée a désigné les deux hommes comme étant ses proxénètes et qu’elle a donné des explications plus détaillées, à l’occasion de sa deuxième audition, désignant notamment un troisième individu, ce qui a amené le procureur de la République à donner à l'OPJ l’instruction de notifier aux deux autres personnes interpellées à ses côtés la qualification de proxénétisme aggravé. Les juges retiennent que ce n’est qu’au cours de sa troisième audition que l’intéressée a reconnu qu’elle devait attirer les clients pour permettre à ses comparses de les voler. Conformément aux réquisitions du ministère public, la qualification d’association de malfaiteurs a été notifiée lors de la prolongation de la garde à vue, soit postérieurement à sa seconde audition, à l’issue de laquelle il est apparu qu’elle pouvait être soupçonnée de cette infraction.
Réponse de la Cour. Saisie par un pourvoi dans cette affaire, la Haute juridiction approuve la chambre de l’instruction. S’agissant de la modification de la qualification, elle précise que si c’est à tort que les juges ont considéré que la notification de la qualification pouvait être reportée à l’issue de cette audition, dès lors que le procureur de la République a ordonné, en application de l’article 63 du Code de procédure pénale (N° Lexbase : L7438LP8), la modification de qualification des faits, l’arrêt n’encourt pas la censure pour les raisons susvisées (aucune atteinte effective aux intérêts de la personne). En l’espèce, la Cour de cassation est en mesure de s’assurer au vu de l’examen du procès-verbal d’audition critiqué, qu’en répondant aux questions des enquêteurs, l’intéressée n’a tenu aucun propos par lequel elle se serait incriminée sur les faits d’association de malfaiteurs (cf. l’Ouvrage «Procédure pénale», Les droits de la personne gardée à vue, Le droit à l'information N° Lexbase : E4307EU3).
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