Le Quotidien du 17 octobre 2019 : Droit rural

[Brèves] Conversion du métayage en fermage : atteinte au droit au respect des biens du bailleur ?

Réf. : Cass. civ. 3, 10 octobre 2019, n° 17-28.862, FS-P+B+I (N° Lexbase : A0096ZRY)

Lecture: 4 min

N0788BYT

Citer l'article

Créer un lien vers ce contenu

[Brèves] Conversion du métayage en fermage : atteinte au droit au respect des biens du bailleur ?. Lire en ligne : https://www.lexbase.fr/article-juridique/54113459-0
Copier

par Anne-Lise Lonné-Clément

le 16 Octobre 2019

En affirmant que la conversion du bail à métayage est fondée sur un objectif d'intérêt général et que les limitations apportées au droit d'usage du bailleur ne sont pas disproportionnées au regard du but légitime poursuivi, sans rechercher concrètement, comme il le lui était demandé, si la conversion du métayage en fermage, en ce qu’elle privait le GFA de la perception en nature des fruits de la parcelle louée et en ce qu’elle était dépourvue de tout système effectif d’indemnisation, ne portait pas une atteinte disproportionnée au droit au respect de ses biens au regard du but légitime poursuivi, la cour d’appel prive sa décision de base légale au regard de l’article 1er du premier Protocole additionnel à la Convention de sauvegarde des droits de l’Homme et des libertés fondamentales (N° Lexbase : L1075LIN), ensemble l’article L. 417-11 du Code rural et de la pêche maritime (N° Lexbase : L0887HPK).

C’est ainsi que s’est prononcée la troisième chambre civile de la Cour de cassation, aux termes d’un arrêt rendu le 10 octobre 2019 (Cass. civ. 3, 10 octobre 2019, n° 17-28.862, FS-P+B+I N° Lexbase : A0096ZRY ; il convient de rappeler que la Cour de cassation, par une décision rendue le 28 juin 2018, dans la même affaire, avait estimé qu’il n’y avait pas lieu de renvoyer au Conseil constitutionnel la QPC soulevée à l’encontre des dispositions en cause, dans la mesure où l'opportunité d'exclure la conversion de plein droit du métayage en fermage, spécialement à l'égard des exploitations viticoles, avait été écartée dès l'adoption de la loi du 1er août 1984 et lors des réformes législatives ultérieures ; que par ailleurs, il n'était pas démontré que l'évolution du contexte économique depuis 1984 ait eu une incidence sur le choix en faveur du métayage ; et que, dès lors, aucun changement de circonstances de droit ou de fait n'était susceptible d'affecter la portée de la disposition législative critiquée : Cass. civ. 3, 28 juin 2018, n° 17-28.862, FS-P+B N° Lexbase : A5671XUL ; cf. l’Ouvrage «Droit rural», Conversion des baux à métayage en baux à ferme N° Lexbase : E9410E9E).

Dans cette affaire, par acte du 12 janvier 1995, une EARL avait pris à bail à métayage, à effet du 11 novembre 1994, des parcelles de vignes appartenant à un GFA ; par acte du 19 novembre 2014, le preneur avait notifié au bailleur une demande de conversion du bail à métayage en bail à ferme ; par déclaration du 17 décembre 2014, il avait saisi le tribunal paritaire des baux ruraux à cette fin et en fixation du fermage.

Pour ordonner la conversion en bail à ferme, la cour d’appel de Dijon (CA Dijon, 5 octobre 2017, n° 16/00205 N° Lexbase : A9134WTH) avait retenu que les dispositions du statut du fermage et du métayage n'ont pas pour effet de priver le bailleur de son droit de propriété, mais apportent seulement des limitations à son droit d'usage ; que l’ingérence qu’elles constituent est prévue par la loi, à savoir les dispositions pertinentes du Code rural ; qu'en ce qui concerne le but poursuivi, le législateur national dispose d'une grande latitude pour mener une politique économique et sociale et concevoir les impératifs de l'utilité publique ou de l'intérêt général, sauf si son jugement se révèle manifestement dépourvu de base raisonnable ; que la conversion du bail à métayage est fondée sur l'objectif d'intérêt général tendant à privilégier la mise en valeur directe des terres agricoles et spécialement à donner à l'exploitant la pleine responsabilité de la conduite de son exploitation.

Les juges d’appel ajoutaient que, s'il était exact que le paiement d'un fermage, dont le montant est encadré par la loi, peut apporter au bailleur des ressources moindres que la part de récolte stipulée au bail à métayage, la conversion en bail à ferme n'était cependant pas dépourvue de tempéraments et de contreparties, de sorte qu’un juste équilibre se trouvait ménagé entre les exigences raisonnables de l'intérêt général et la protection du droit au respect des biens du bailleur, les limitations apportées au droit d'usage de ce dernier n'étant pas disproportionnées au regard du but légitime poursuivi.

Après avoir tenté, en vain, ainsi que cela a été rappelé ci-dessus, de soulever l’inconstitutionnalité des dispositions en cause, le GFA invoquait une atteinte disproportionnée au droit au respect de ses biens sur le fondement de l'article 1er du premier Protocole additionnel à la CESDH.

L’argument est accueilli par la Haute juridiction, qui reproche aux juges d’appel de s’être ainsi prononcés, sans rechercher concrètement, comme il le leur était demandé, si la conversion du métayage en fermage, en ce qu’elle privait le GFA de la perception en nature des fruits de la parcelle louée et en ce qu’elle était dépourvue de tout système effectif d’indemnisation, ne portait pas une atteinte disproportionnée au droit au respect de ses biens au regard du but légitime poursuivi.

newsid:470788

Utilisation des cookies sur Lexbase

Notre site utilise des cookies à des fins statistiques, communicatives et commerciales. Vous pouvez paramétrer chaque cookie de façon individuelle, accepter l'ensemble des cookies ou n'accepter que les cookies fonctionnels.

En savoir plus

Parcours utilisateur

Lexbase, via la solution Salesforce, utilisée uniquement pour des besoins internes, peut être amené à suivre une partie du parcours utilisateur afin d’améliorer l’expérience utilisateur et l’éventuelle relation commerciale. Il s’agit d’information uniquement dédiée à l’usage de Lexbase et elles ne sont communiquées à aucun tiers, autre que Salesforce qui s’est engagée à ne pas utiliser lesdites données.

Réseaux sociaux

Nous intégrons à Lexbase.fr du contenu créé par Lexbase et diffusé via la plateforme de streaming Youtube. Ces intégrations impliquent des cookies de navigation lorsque l’utilisateur souhaite accéder à la vidéo. En les acceptant, les vidéos éditoriales de Lexbase vous seront accessibles.

Données analytiques

Nous attachons la plus grande importance au confort d'utilisation de notre site. Des informations essentielles fournies par Google Tag Manager comme le temps de lecture d'une revue, la facilité d'accès aux textes de loi ou encore la robustesse de nos readers nous permettent d'améliorer quotidiennement votre expérience utilisateur. Ces données sont exclusivement à usage interne.