Réf. : CEDH, 10 octobre 2019, Req. 23941/14, Lacombe c/ France (N° Lexbase : A8989ZQY)
Lecture: 5 min
N0728BYM
Citer l'article
Créer un lien vers ce contenu
par Anne-Lise Lonné-Clément
le 16 Octobre 2019
► En ordonnant le retour de l’enfant vers sa mère aux Etats-Unis, les autorités françaises n’ont pas violé le droit au respect de la vie familiale protégé par l’article 8 CESDH (N° Lexbase : L4798AQR) ;
► en effet, la CEDH considère que les juges internes ont dûment pris en compte les allégations du requérant et que le processus décisionnel ayant conduit à l’adoption des mesures incriminées par les juridictions nationales a été équitable et a permis au requérant de faire valoir pleinement ses droits, et ce dans le respect de l’intérêt supérieur de l’enfant ;
► elle estime que, eu égard à la marge d’appréciation des autorités en la matière, la décision de retour se fondait sur des motifs pertinents et suffisants aux fins du paragraphe 2 de l’article 8, considéré à la lumière de l’article 13 b) de la Convention de la Haye du 25 octobre 1980, sur les aspects civils de l’enlèvement international d’enfants (N° Lexbase : L0170I8S) et de l’article 3 § 1 de la Convention relative aux droits de l’enfant (N° Lexbase : L6807BHL), et qu’elle était proportionnée au but légitime recherché.
C’est en ce sens que s’est prononcée la Cour européenne des droits de l’Homme, aux termes d’une décision rendue le 10 octobre 2019 (CEDH, 10 octobre 2019, Req. 23941/14, Lacombe c/ France N° Lexbase : A8989ZQY).
L’affaire. D’un mariage au Mexique, en 1998, entre un ressortissant français et une ressortissante mexicaine, était issu un enfant, né à Mexico ; le divorce des époux avait été prononcé par les juridictions mexicaines le 14 décembre 2004, la garde de l'enfant étant confiée au père pendant sa scolarité primaire, avec exercice conjoint de l'autorité parentale ; par jugement du district fédéral de Mexico du 21 juin 2005, la garde de l'enfant avait été transférée à la mère, cette décision étant confirmée par jugement du 2 juin 2006 ; au cours des vacances d'août 2005, le père avait quitté le territoire mexicain avec son fils pour la France, ce qui avait donné lieu à une première procédure d'enlèvement international d'enfant, à l'issue de laquelle le père s'était engagé à ramener son fils au Mexique au plus tard le 31 janvier 2007, ce qu'il avait fait.
En octobre 2007, la mère avait quitté le Mexique pour l'Etat du Texas aux Etats-Unis afin de s'y installer avec l'enfant ; le 15 octobre 2009, le père avait saisi un juge au Texas afin d'obtenir la garde de son fils ; ayant obtenu la remise temporaire de ce dernier, à charge pour lui de se présenter devant le même tribunal quatre jours plus tard, il avait quitté le territoire américain pour la France avec lui. Le 8 juillet 2010, le procureur de la République l'avait assigné afin de voir ordonner le retour immédiat de l'enfant, en application de la Convention de La Haye du 25 octobre 1980, ce qui constituait la seconde procédure d’enlèvement international. Le père remit l’enfant à la mère, mais fit appel du jugement. La cour d’appel confirma le jugement. Elle considéra que la résidence habituelle de l’enfant était bien au Texas et que l’enfant n’encourait aucun danger auprès de sa mère. La Cour de cassation rejeta le pourvoi du requérant (Cass. civ. 1, 25 septembre 2013, n° 12-22.651, F-D N° Lexbase : A9318KLP). Invoquant l’article 8 de la CESDH (N° Lexbase : L4798AQR droit au respect de la vie familiale), le requérant se disait victime, en raison de la décision des juridictions françaises d’ordonner le retour de son fils aux Etats-Unis, d’une atteinte à son droit au respect de sa vie familiale. Il se plaignait du défaut de motivation des décisions internes quant à l’existence d’un risque grave pour l’enfant en cas de retour.
Décision CEDH. La Cour note tout d’abord que les décisions, prises par les autorités françaises, de retour de l’enfant près de sa mère étaient fondées sur la Convention de la Haye et visaient à protéger les droits et libertés de l’enfant. Prévue par la loi, l’ingérence poursuivait donc un intérêt légitime au sens de l’article 8 § 2 de la Convention.
La Cour observe ensuite que le père avait fait principalement valoir devant le TGI comme devant la cour d’appel, l’illégalité de la résidence de l’enfant aux Etats-Unis. Or, les juridictions internes ont considéré que la résidence légale de l’enfant au moment de son départ vers la France se situait bien au Texas et que le déplacement de l’enfant par son père vers la France était illicite.
Alors que le père soutenait que l’enfant était en danger avec sa mère et qu’il voulait rester avec son père. Mais la Cour européenne constate que, tant devant le TGI, que devant la cour d’appel, l’allégation de risque grave en cas de retour de l’enfant a fait l’objet d’un examen effectif, fondé sur les éléments invoqués par le père au regard de l’intérêt supérieur de l’enfant et la juridiction d’appel a fourni une décision motivée. La Cour considère également que le processus décisionnel ayant conduit les juridictions nationales à ordonner le retour de l’enfant a été équitable. Le requérant, comme la mère, ont pu présenter pleinement leur cause. La Cour de cassation, quant à elle, a contrôlé effectivement que la cour d’appel avait suffisamment motivé sa décision de retour au regard de la Convention de la Haye et de l’intérêt supérieur de l’enfant.
© Reproduction interdite, sauf autorisation écrite préalable
newsid:470728