Réf. : Cass. crim., 15 janvier 2019, n° 17-87.185, FS-P+B (N° Lexbase : A6746YTZ)
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N7317BXB
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par June Perot
le 23 Janvier 2019
► Il résulte des articles 706-54 (N° Lexbase : L7482IPS) et R. 53-14 (N° Lexbase : L3344DZU) du Code de procédure pénale, que les empreintes génétiques des personnes à l'encontre desquelles il existe des indices graves ou concordants rendant vraisemblable qu'elles aient commis l'une des infractions mentionnées à l'article 706-55 (N° Lexbase : L4900K8Y) sont conservées dans le fichier national automatisé des empreintes génétiques (FNAEG) sur décision d'un officier de police judiciaire agissant soit d'office, soit à la demande du procureur de la République ou du juge d'instruction ;
► ces empreintes sont effacées sur instruction du procureur de la République agissant soit d'office, soit à la demande de l'intéressé, lorsque leur conservation n'apparaît plus nécessaire compte tenu de la finalité du fichier et que s'il n'a pas été ordonné l'effacement, cette personne peut saisir à cette fin le juge des libertés et de la détention, dont la décision peut être contestée devant le président de la chambre de l'instruction ; les informations enregistrées ne peuvent être conservées au-delà d’une durée de vingt-cinq ans à compter de la demande d’enregistrement si leur effacement n’a pas été ordonné antérieurement, excepté si la personne a fait l’objet d’une décision de classement sans suite, de non-lieu, de relaxe ou d’acquittement exclusivement fondée sur l’existence d’un trouble mental en application du premier alinéa de l’article 122-1 du Code pénal (N° Lexbase : L9867I3T), les résultats étant alors conservés pendant quarante ans à compter de la date de la décision ;
► grâce à la possibilité concrète dont dispose l’intéressé de solliciter l’effacement des données enregistrées, ces durées de conservation sont proportionnées à la nature des infractions et aux buts des restrictions apportées au droit au respect de la vie privée garanti par l’article 8 de la Convention européenne de sauvegarde des droits de l’Homme (N° Lexbase : L4798AQR).
Telle est la solution d’un arrêt de la Chambre criminelle de la Cour de cassation rendu le 15 janvier 2019 (Cass. crim., 15 janvier 2019, n° 17-87.185, FS-P+B N° Lexbase : A6746YTZ).
Au cas de l’espèce, à l’occasion d’une manifestation non autorisée, deux fonctionnaires de police ont été victimes de jets de projectiles et de coups de la part de plusieurs individus ayant le visage dissimulé. Plusieurs personnes ont été placées en garde à vue, notamment un homme qui a refusé, au cours de cette mesure, de se soumettre aux opérations de relevés signalétiques et de prélèvement biologique destinées à permettre l'analyse et l'identification de son empreinte génétique. A l’issue de l’enquête, il a été poursuivi devant le tribunal correctionnel pour association de malfaiteurs, violences aggravées, refus de se soumettre aux opérations de relevés signalétiques, en récidive et refus de se soumettre au prélèvement biologique destiné à l'identification de son empreinte génétique, en récidive. Le tribunal a relaxé le prévenu du chef d'association de malfaiteurs, l'a déclaré coupable pour le surplus et l'a condamné. Un appel a été interjeté de cette décision.
Pour infirmer partiellement le jugement et relaxer le prévenu du chef de refus de se soumettre au prélèvement biologique destiné à l’identification de son empreinte génétique, l'arrêt a retenu que dans une décision en date du 22 juin 2017 (CEDH, 22 juin 2017, Req. 8806/12, A. c/ France N° Lexbase : A4479WK4), la Cour européenne des droits de l'Homme a estimé que le régime actuel de conservation des profils ADN dans le Fichier national des empreintes génétiques (FNAEG), auquel le requérant s'était opposé en refusant le prélèvement, n'offrait pas, en raison tant de sa durée que de l'absence de possibilité d'effacement, une protection suffisante à l'intéressé. Elle a relevé qu'aucune différenciation n'était prévue en fonction de la nature et de la gravité de l'infraction et a jugé que la condamnation pénale du requérant pour avoir refusé de se soumettre au prélèvement destiné à l'enregistrement de son profil dans le FNAEG s'analysait en une atteinte disproportionnée à son droit au respect de sa vie privée et ne pouvait passer pour nécessaire dans une société démocratique et que partant il y avait eu violation de l'article 8 de la CESDH. Les juges ont ajouté qu'au vu de cette décision mais aussi de la nature ainsi que du degré de gravité des faits principaux reprochés à l’intéressé, il convenait d’appliquer la jurisprudence de la CEDH et de constater que la condamnation du prévenu pour l’infraction visée à l’article 706-56, II, du Code de procédure pénale serait contraire à l'article 8 de la Convention.
Reprenant la solution de principe susvisée, la Haute juridiction censure l’arrêt. Elle considère qu’en relaxant le prévenu, alors que le refus de prélèvement avait été opposé par une personne qui n’était pas condamnée mais à l’encontre de laquelle il existait des indices graves ou concordants rendant vraisemblable qu'elle ait commis l'une des infractions mentionnées à l'article 706-55, de sorte qu’elle avait alors la possibilité concrète, en cas d’enregistrement de son empreinte génétique au fichier, d’en demander l’effacement, la cour d’appel a méconnu le sens et la portée des textes susvisés et les principes ci-dessus énoncés (cf. l’Ouvrage «Droit médical», La création du fichier national automatisé des empreintes génétiques N° Lexbase : E0031ERL).
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