Lecture: 8 min
N6998BSY
Citer l'article
Créer un lien vers ce contenu
par Anne-Laure Blouet Patin, Directrice de la Rédaction
le 08 Mai 2012
Selon l'article 10.1 du RIN, la publicité fonctionnelle est celle qui est destinée à faire connaître la profession d'avocat et les Ordres. Elle relève, à cet égard, de la compétence des institutions représentatives de la profession. En effet, l'article 162 du décret du 27 novembre 1991 (N° Lexbase : L8168AID) dispose que le règlement intérieur du conseil de l'Ordre fixe les dispositions nécessaires pour assurer l'information du public quant aux modalités d'exercice de la profession par les membres de son barreau.
Cette publicité passe dans un premier temps et tout simplement par le tableau de l'Ordre. Le tableau est la liste dressée par rang d'ancienneté de tous les avocats (loi du 31 décembre 1971, art. 20 et décret du 27 novembre 1991, art. 93 et s.). Il comporte également la mention des spécialisations, ainsi que des informations relatives aux autorisations d'ouverture de bureau secondaire. Peuvent également être portées sur le tableau les mentions relatives aux qualités de membres d'un groupement, aux distinctions professionnelles, aux titres universitaires obtenus, etc..
Ensuite, la publicité fonctionnelle de la profession passe par d'autres formes assez traditionnelles : les lettres d'information ou bulletins, propres à chaque Ordre, l'organisation de colloques et de conférences, la rentrée solennelle du barreau, la création de sites internet dédié à chaque barreau, ou, encore, au niveau institutionnel, des campagnes télévisées. Sur ce point on notera le fort impact qu'elles ont auprès de la société. En effet, en mai 2011, le Conseil national des barreaux a confié à l'institut TNS Sofres le soin d'évaluer la campagne de publicité télévisée mise en place depuis un an dans le cadre de la communication institutionnelle de la profession d'avocat et rediffusée entre le 18 mars et le 3 avril 2011. Cette évaluation porte, d'une part, sur la visibilité et l'impact de la campagne et, d'autre part, sur sa capacité à développer l'image de la profession. Pour la réaliser, TNS Sofres a interrogé 505 personnes âgées de 18 ans et plus issues d'un échantillon de 1 000 interviewés représentatifs de la population de 18 ans et plus. 17 % des personnes interrogées se souviennent de la campagne des avocats, sachant qu'en moyenne le souvenir en France pour une campagne de communication est de 18 %. 55 % des personnes interrogées reconnaissent les films une fois qu'on les leur présente. 65 % des personnes interrogées restituent exactement les messages clé de la publicité.
II - La publicité personnelle
La publicité personnelle de l'avocat est autorisée, dès lors qu'elle procure une information au public et que sa mise en oeuvre respecte les principes essentiels de la profession (Cass. civ. 1, 5 février 2009, n° 07-21.644, F-D N° Lexbase : A9529ECW). Néanmoins cette publicité ne doit pas s'apparenter à du démarchage qui demeure interdit.
Le 8 mai 2010, le Conseil national des barreaux a souhaité moderniser les dispositions de l'article 10 du RIN afin de permettre une meilleure information du public dans le respect des principes déontologiques de la profession, et surtout en listant de façon non équivoque ce qui est autorisé et ce qui ne l'est pas. A cet égard, il a adopté une décision à caractère normatif n° 2010-2 modifiant l'article 10 du RIN.
A - La publicité autorisée
Selon l'article 10.3 du RIN, l'avocat peut recourir à tous moyens légaux permettant d'assurer sa publicité personnelle.
Sont, notamment, autorisés :
- l'envoi, par voie postale ou électronique, de lettres d'informations générales sur le cabinet, les activités de celui-ci, le droit et la jurisprudence (sur la mention du domaine d'activité cf. Cass. civ. 1, 5 février 2009, n° 07-21.644, F-D, préc..) ;
- la publication de faire-part ou annonces, destinés à la diffusion d'informations ponctuelles et techniques, telles que l'installation de l'avocat dans de nouveaux locaux, la venue d'un nouvel associé, la participation à un groupement autorisé, l'ouverture d'un bureau secondaire ;
- la publication, dans les annuaires ou dans la presse, d'encarts publicitaires, sous réserve que leur présentation, leur emplacement ou leur contenu ne soit pas de nature à induire le public en erreur ou à constituer un acte de concurrence déloyale ;
- la diffusion de plaquettes de présentation du cabinet ;
- l'apposition d'une plaque ou autre support, de dimensions raisonnables, signalant, à l'entrée de l'immeuble, l'implantation du cabinet (Cass. civ. 1, 25 mai 1992, n° 89-10.096, publié au bulletin N° Lexbase : A4176AH7).
Il est à noter que les projets d'encarts publicitaires ou de plaquettes doivent être, avant toute publication ou diffusion, communiqués au conseil de l'Ordre.
L'article 10.4.1 du RIN précise que tous les documents, quel que soit leur support, destinés à la correspondance ou à la publicité personnelle de l'avocat, doivent mentionner, de façon visible ou accessible, les éléments permettant de l'identifier, de le contacter, de localiser son cabinet et de connaître le barreau auquel il est inscrit ainsi que, le cas échéant, la structure d'exercice à laquelle il appartient et le réseau dont il est membre.
Concernant la correspondance de l'avocat, le papier à lettres ou les courriels peuvent faire mention également des noms et prénoms des autres avocats qui exercent au sein du cabinet, ou, de façon distinctive, de ceux qui y ont exercé ; des titres universitaires et des diplômes et fonctions d'enseignement supérieur français et étrangers ; des langues étrangères pratiquées ; des mandats ordinaux ou professionnels actuellement ou anciennement exercés ; etc. (RIN, art. 10.4.2).
Concernant les documents destinés proprement à la publicité personnelle, l'avocat peut y ajouter, en plus des mentions autorisées pour sa correspondance, les informations inhérentes à l'ancienneté dans la profession de chacun des avocats exerçant au sein du cabinet ; aux domaines d'activité, juridiques ou judiciaires, réellement pratiqués ; au mode de fixation des honoraires ; à la participation des avocats à des activités d'enseignement juridique ou en lien avec la profession ; etc. (RIN, art. 10.4.3).
Il est également possible à l'avocat d'insérer son logo sur ses correspondances, ainsi qu'un logo ou une marque distinctive pour ceux qui seraient titulaires d'une spécialité qu'ils souhaitent mettre en avant. Ce logo doit satisfaire aux exigences de l'article 15 du décret du 12 juillet 2005 (la Cour de cassation a considéré que la mention "épines du droit" associée à un logo ne constituait pas une nécessaire information du public et partant ne répondait pas aux exigences de l'ancien article 161 du décret du 27 novembre 1991 : Cass. civ. 1, 29 avril 1997, n° 95-15.462, inédit N° Lexbase : A9866HUX).
L'article 10.5 du RIN précise en complément que chaque avocat peut figurer dans un annuaire professionnel.
Avant que le Conseil national des barreaux ne modifie la rédaction de l'article 10 du RIN, de nombreuses dérives avaient été constatées et dénoncées, entre autres, par Maître Vincent Canu, alors membre du groupe de travail "publicité personnelle de l'avocat" de la Commission des Règles et Usages du Conseil national des barreaux (lire les obs. de A. Lebescond, Avocat : quel-nom-de-domaine.com ?, Lexbase Hebdo n° 20 du 20 février 2010 - édition professions N° Lexbase : N2584BNZ). En effet, certains avocats s'étaient attribués des noms de domaines laissant penser que leurs sites émanent des structures représentatives de la profession, voire participaient directement à l'élaboration et à la mise en oeuvre de la norme elle-même : "accidentdutravail.net", "maladies-professionnelles.fr", "controle-urssaf.com", "droitdelasecuritesociale.com", etc..
Aujourd'hui, l'article 10.6 du RIN est très clair. D'abord, l'avocat qui ouvre ou modifie un site internet doit en informer le conseil de l'Ordre sans délai et lui communiquer les noms de domaine qui permettent d'y accéder. Ensuite, le nom de domaine doit comporter le nom de l'avocat ou la dénomination exacte du cabinet, qui peut être suivi ou précédé du mot "avocat". La nouvelle version du RIN interdit dorénavant les noms de domaine évoquant de façon générique le titre d'avocat ou un titre pouvant prêter à confusion, un domaine du droit ou une activité relevant de celles de l'avocat.
Le site de l'avocat ne peut comporter aucun encart ou bannière publicitaire, autres que ceux de la profession, pour quelque produit ou service que ce soit.
De même, il ne peut comporter de lien hypertexte permettant d'accéder directement ou indirectement à des sites ou à des pages de sites dont le contenu serait contraire aux principes essentiels de la profession d'avocat. Là encore, il appartient à l'avocat de faire une déclaration préalable au conseil de l'Ordre de tout lien hypertexte qu'il envisagerait de créer.
Cette disposition du RIN trouve aussi à s'appliquer à l'avocat qui participe à un blog ou à un réseau social en ligne.
B - La publicité interdite
Le principe de l'interdiction du démarchage est posé tant par l'article 15 du décret de 2005 que par l'article 10.2 du RIN. Tout acte de démarchage, tel qu'il est défini à l'article 1er du décret n° 72-785 du 25 août 1972 (N° Lexbase : L6642BHH), est interdit à l'avocat en quelque domaine que ce soit. L'article 1er du décret de 1972 définit le démarchage "comme le fait d'offrir ses services, en vue de donner des consultations ou de rédiger des actes en matière juridique ou de provoquer à la souscription d'un contrat aux mêmes fins, notamment en se rendant personnellement ou en envoyant un mandataire soit au domicile ou à la résidence d'une personne, soit sur les lieux de travail, de repos, de traitement ou dans un lieu public" (il est à noter que les dispositions des articles L. 121-21 N° Lexbase : L6585ABI et s. du Code de la consommation ne s'appliquent pas à l'avocat : cf. Cass. crim., 23 janvier 2001, n° 00-80.600 N° Lexbase : A2816AYX). Est assimilé à du démarchage, et partant interdit, le fait de diffuser une offre de services, émise par une société derrière laquelle opéraient des avocats, destinée à proposer au public de se joindre par une inscription en ligne à une action en justice déjà entamée (CA Paris, 1ère ch., sect. A, 17 octobre 2006, n° 05/23835 N° Lexbase : A6918DSZ, confirmé par Cass. civ. 1, 30 septembre 2008, n° 06-21.400, F-D N° Lexbase : A5836EAE ; voir également, Cass. civ. 1, 21 juin 2005, n° 03-13.633, FS-D N° Lexbase : A8058DIB).
L'article 10.2 du RIN liste, par ailleurs, tous les actes prohibés en matière de publicité :
- toute publicité mensongère ou contenant des renseignements inexacts ou fallacieux ;
- toutes mentions laudatives ou comparatives (néanmoins l'avocat peut utiliser son titre dans tous ses écrits même non juridiques : Cass. civ. 1, 28 avril 1993, n° 90-20.949 N° Lexbase : A3283ACL);
- toutes mentions susceptibles de créer l'apparence d'une qualification professionnelle non reconnue ;
- toutes mentions susceptibles de créer dans l'esprit du public l'apparence d'une structure d'exercice inexistante ;
- toutes références à des fonctions ou activités sans lien avec l'exercice de la profession d'avocat ;
- toutes mentions susceptibles de porter atteinte au secret professionnel ;
- toutes indications contraires à la loi.
Pour conclure, la question de l'avenir de l'interdiction du démarchage pour les professionnels du droit peut se poser aujourd'hui. En effet, aux termes d'un arrêt rendu le 5 avril 2011 (CJUE, 5 avril 2011, aff. C-119/09 N° Lexbase : A4134HM3 et les obs. de V. Téchené, Il est interdit d'interdire... totalement le démarchage aux experts-comptables, Lexbase Hebdo n° 72 du 14 avril 2011 - édition professions N° Lexbase : N9746BRE), la Cour de justice de l'Union européenne a jugé que la Directive "Services" (Directive 2006/123 du Parlement européen et du Conseil, relative aux services dans le marché intérieur N° Lexbase : L8989HT4) doit être interprétée en ce qu'elle s'oppose à une réglementation nationale qui interdit totalement aux membres d'une profession réglementée, telle que la profession d'expert-comptable, d'effectuer des actes de démarchage. Ainsi, le principe posé de la non-conformité au droit communautaire de dispositions qui interdisent totalement le démarchage aux professions réglementées a vocation à s'appliquer à d'autres professions réglementées qui connaîtraient un sort identique. On pense évidemment tout de suite à la profession d'avocat...
© Reproduction interdite, sauf autorisation écrite préalable
newsid:426998