Le Quotidien du 24 juillet 2018 : Responsabilité

[Brèves] Droit au respect de la vie privée versus liberté d’expression : quid de la révélation de l’homosexualité d’un dirigeant de parti politique

Réf. : Cass. civ. 1, 11 juillet 2018, n° 17-22.381, FS-P+B (N° Lexbase : A9496XXY)

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par June Perot

le 18 Juillet 2018

► Les interrogations d’un auteur, au sein d’un ouvrage, sur l’évolution de la doctrine d’un parti politique, présenté comme plutôt homophobe à l’origine, et l’influence que pourrait exercer, à ce titre, l’orientation sexuelle de plusieurs de ses membres dirigeants, relèvent d’un débat d’intérêt général et ce d’autant que le dirigeant qui invoque une atteinte à sa vie privée est devenu un membre influent du parti. Telle est la solution d’un arrêt de la première chambre civile de la Cour de cassation rendu le 11 juillet 2018 (Cass. civ. 1, 11 juillet 2018, n° 17-22.381, FS-P+B N° Lexbase : A9496XXY ; v. déjà en ce sens : Cass. civ. 1, 9 avril 2015, n° 14-14.146, FS-P+B N° Lexbase : A5249NGI).

 

Dans cette affaire, le secrétaire général du Front national, invoquant l’atteinte portée à sa vie privée du fait de la révélation de son homosexualité dans un ouvrage, avait assigné son auteur, aux fins d’obtenir la réparation du préjudice en résultant.

 

En cause d’appel, après avoir relevé que l’auteur de l'ouvrage litigieux s'interrogeait sur les motifs de l'évolution du Front national, s'agissant, notamment, de son positionnement dans le débat relatif au mariage des personnes de même sexe et, plus généralement, de la lutte contre l'homophobie, l'arrêt a énoncé que, pour illustrer sa démonstration, il ne pouvait choisir de révéler l'orientation sexuelle du dirigeant politique en partant du principe, pour le moins sommaire, que celui-ci avait participé, du fait de son appartenance à la communauté homosexuelle, à la prise de position du parti relative au projet de loi sur le mariage pour tous. Les juges en ont déduit que cette révélation n'était pas justifiée par le droit à l'information légitime du public, ni proportionnée à la gravité de l'atteinte portée à la sphère la plus intime de sa vie privée.

 

Un pourvoi a été formé par l’auteur de l’ouvrage. La Haute juridiction, dans un attendu de principe aussi prolixe que pédagogique qui mérite d’être ici retranscrit, rappelle tout d’abord que «le droit au respect de la vie privée et le droit à la liberté d'expression revêtent une même valeur normative». Ensuite, «qu'il appartient au juge saisi de rechercher un équilibre entre ces droits et, le cas échéant, de privilégier la solution la plus protectrice de l'intérêt le plus légitime ; que, pour procéder à la mise en balance des droits en présence, il y a lieu de prendre en considération la contribution de la publication incriminée à un débat d'intérêt général, la notoriété de la personne visée, l'objet de cette publication, le comportement antérieur de la personne concernée, ainsi que le contenu, la forme et les répercussions de la publication» (CEDH, 10 novembre 2015, Req. 40454/07, § 93 N° Lexbase : A2074NWQ ; Cass. civ. 1, 21 mars 2018, n° 16-28.741, FS-P+B N° Lexbase : A8014XHB)

 

Elle énonce ensuite qu’il «résulte de la jurisprudence de la Cour européenne des droits de l'Homme que se rapportent à un débat d'intérêt général les questions qui touchent le public dans une mesure telle qu'il peut légitimement s'y intéresser, qui éveillent son attention ou le préoccupent sensiblement, notamment parce qu'elles concernent le bien-être des citoyens ou la vie de la collectivité (CEDH, 10 novembre 2015, Req. 40454/07, précité, § 103) ; que tel est le cas également des questions qui sont susceptibles de créer une forte controverse, qui portent sur un thème social important ou encore qui ont trait à un problème dont le public aurait intérêt à être informé (ibid.) ; que, si toute personne, quels que soient son rang, sa naissance, sa fortune, ses fonctions présentes ou à venir, a droit au respect de sa vie privée (Cass. civ. 1, 27 février 2007, n° 06-10.393, FS-P+B+I N° Lexbase : A4173DU4,, le fait d'exercer une fonction publique ou de prétendre à un rôle politique expose nécessairement à l'attention du public, y compris dans des domaines relevant de la vie privée, de sorte que certains actes privés de personnes publiques peuvent ne pas être considérés comme tels, en raison de l'impact qu'ils peuvent avoir, eu égard au rôle de ces personnes sur la scène politique ou sociale et de l'intérêt que le public peut avoir, en conséquence, à en prendre connaissance (CEDH, 10 novembre 2015, Req. 40454/07, précité, § 120)».

En conséquence, l’arrêt est censuré.

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