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N2827BXY
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par Caroline Lantero, MCF en droit public, UdA, EA4232, Avocate
le 22 Février 2018
Pour mémoire, le droit des réfugiés issu de la Convention de Genève (N° Lexbase : L6810BHP) prévoit des clauses d'inclusions (article 1A), des clauses d'exclusion (article 1F) et des clauses de cessation (article 1C), qui permettent respectivement de reconnaître la qualité de réfugié, de ne pas accorder la protection, et de la faire cesser lorsqu'elle n'est plus nécessaire. Plus de 65 ans après l'adoption de la Convention de Genève, l'interprétation de ces clauses est encore dynamique. Plus particulièrement, en ce qui concerne les clauses d'inclusion et les clauses d'exclusion.
A - Inclusion - Appartenance à un groupe social
Il est désormais parfaitement admis que l'orientation sexuelle d'un demandeur est au nombre des éléments susceptibles de caractériser l'appartenance à un groupe social, lui-même susceptible de faire l'objet de persécutions et de faire entrer l'intéressé dans la protection offerte par la Convention de Genève.
Dans cet arrêt, le Conseil d'Etat rappelle que l'appartenance à un groupe social ne se définit pas par la manifestation publique de son orientation sexuelle et que l'absence de répression pénale de l'homosexualité est sans incidence sur la réalité des persécutions (CE 9° et 10° s-s-r., 27 juillet 2012, n° 349824 N° Lexbase : A0751IRA). La CJUE avait précisé qu'il ne devait pas non plus être exigé de la part du demandeur qu'il dissimule son homosexualité pour éviter les persécutions (CJUE, 7 novembre 2013, aff. C-199/12 N° Lexbase : A1423KPE), ce dont le Conseil d'Etat prend acte en formulant pour la première fois qu'il est exclu que le demandeur d'asile doive dissimuler son homosexualité ou faire preuve de réserve dans l'expression de son orientation sexuelle pour éviter le risque de persécution. Se retrouvant alors face à la difficile gestion de la preuve, le Conseil d'Etat précise (assez inévitablement) que la Cour ne peut exiger du demandeur "qu'il apporte la preuve des faits qu'il avance et, en particulier, de son orientation sexuelle". La cour doit donc former sa conviction, notamment sur le récit du demandeur, dont elle pourra écarter les allégations qui ne lui paraitront pas assez étayées.
Ainsi, la crédibilité du récit (qui n'est pas toujours cohérente avec l'authenticité du vécu, mais le juriste est parfois mal armé pour faire la distinction) emportera, ou non, la conviction. En l'espèce, ce ne fut pas le cas.
B - Exclusion
Le Haut-Commissariat des Nations Unies pour les réfugiés (HCR) a parfaitement présenté la raison d'être des clauses d'exclusion du statut, qui sont des clauses d'indignité. La personne exclue entre dans la définition du réfugié, mais ne mérite pas de se voir reconnaître le statut : "L'idée selon laquelle une personne ne mérite pas la protection en qualité de réfugié a trait aux liens intrinsèques existant entre les idées d'humanité, d'équité et le concept de réfugié. Les objectifs primordiaux de ces clauses d'exclusion sont de priver de cette protection les auteurs d'actes haineux et de crimes graves de droit commun et de préserver le pays d'accueil de l'entrée de criminels qui présentent un danger pour la sécurité de ce pays. Si la protection fournie par le droit des réfugiés permettait d'offrir la protection aux auteurs de graves délits, la pratique de la protection internationale entrerait directement en conflit avec le droit national et international et s'inscrirait en faux contre la nature humanitaire et pacifique du concept de l'asile. Sous cet angle, les clauses d'exclusion contribuent à sauvegarder l'intégrité du concept de l'asile" (1).
L'Ofpra a introduit un pourvoi en cassation contre l'arrêt de la CNDA qui avait reconnu la qualité de réfugié à un ressortissant Rwandais en jugeant qu'il n'entrait pas dans le champ d'application de la clause d'exclusion de l'article 1Fa : "Les dispositions de cette Convention ne seront pas applicables aux personnes dont on aura des raisons sérieuses de penser : a) qu'elles ont commis un crime contre la paix, un crime de guerre ou un crime contre l'humanité".
La Cour avait estimé que la "responsabilité personnelle et consciente" de l'intéressé dans les crimes de génocide et les crimes contre l'humanité commis au Rwanda entre le 7 avril et le 17 juillet 1994 n'était pas établie. Le Conseil d'Etat censure ici une erreur de droit et précise que le juge de l'asile n'a pas à rechercher si l'implication personnelle est établie, mais doit seulement rechercher s'il résulte de l'instruction "des raisons sérieuses de penser" qu'il existe une responsabilité personnelle.
Ce n'est pas la première fois que le Conseil d'Etat censure le juge du fond sur ce point. En 2006, il avait également conclu à une erreur de droit de la commission des recours des réfugiés qui avait subordonné "l'exclusion prévue à l'article 1F de la Convention de Genève non à des raisons sérieuses de penser que les personnes ont commis un crime, au sens des instruments internationaux, mais à la démonstration de leur implication dans ces crimes" (CE 9° et 10° s-s-r., 18 janvier 2006, n° 255091 N° Lexbase : A4172DMH, mentionné aux tables du recueil Lebon, pp. 716-904-905). Certes, l'intéressé figurait ("seulement" ?) "sur une liste de participants au génocide établie en 1994 par le gouvernement rwandais", et dans un arrêt de 2010, la CJUE est venue resserrer les critères des "raisons sérieuses de penser que", et l'arrêt du Conseil d'Etat, bien qu'identique à celui de 2006 dans sa solution, vient sans doute prendre acte du critère de preuve exigé. La CJUE -précisant la portée de la Directive dite "Qualification" (Directive 2011/95/UE N° Lexbase : L8922IRU) et, en substance, la portée de la Convention de Genève- avait précisé que la simple appartenance à une organisation terroriste figurant sur une liste, ne suffisait pas. Elle a précisé qu'il était nécessaire de rechercher, par un "examen individuel de faits précis" s'il était possible d'imputer "à la personne concernée une part de responsabilité pour les actes commis" (CJUE, 9 novembre 2010, aff. C-57/09 et C-101/09 N° Lexbase : A2076GEM (2)).
Les raisons sérieuses de penser se situent donc au-dessus de l'indice, mais n'exigent pas de démonstration de l'implication personnelle et intentionnelle.
L'Ofpra a introduit un pourvoi en cassation contre la décision de la CNDA qui avait reconnu la qualité de réfugié à une ressortissante russe d'origine tchétchène ainsi qu'à ses trois enfants majeurs pour leur participation avérée à la rébellion Tchétchène et les risques de persécution encourus en cas de retour chez eux. Oui, mais. Il est ressorti des pièces du dossier que l'époux et père des intéressés avait participé à l'enlèvement, la séquestration et la torture d'un fonctionnaire -français- du HCR.
Ce fonctionnaire a témoigné et a été formel. Il a aussi indiqué n'avoir jamais été en contact direct avec l'épouse de l'individu alors qu'il était séquestré dans le domicile conjugal. Mais pour le Conseil d'Etat, qui se place ici sur le contrôle de la qualification juridique des faits mené par la CNDA (CE 9° et 10° ch.-r., 9 novembre 2016, n° 388830 N° Lexbase : A2510SG3 Rec., p. 465), ladite épouse qui ne niait manifestement pas la réalité des agissements de son mari, a "contribué à la commission des agissements dont [le fonctionnaire] a été victime".
On connaît la conception déjà large du complice comme celui qui a "sciemment, a, par ses agissements, contribué à la préparation ou à la réalisation du crime ou en a facilité la commission ou a assisté à son exécution sans chercher à aucun moment, eu égard à sa situation, à le prévenir ou à s'en dissocier" (à propos du crime de génocide : CE 9° et 10° s-s-r., 26 janvier 2011, n° 312833 N° Lexbase : A7463GQH, Rec., p. 16). En l'espèce, il ressort uniquement de la lecture de l'arrêt que l'intéressée connaissait les agissements, qu'ils ont eu lieu chez elle, et qu'elle semblait en minimiser la gravité à l'audience. Le Conseil d'Etat a fait entrer ces éléments dans la notion de complicité. Mais c'est surtout la première fois qu'il étend la complicité aux "agissements contraires aux buts et principes des Nations Unies". Or, et d'une part, le débat portant sur cette troisième clause d'exclusion et la qualité de l'auteur des crimes n'est pas purgé. Pour le HCR, seule des "personnes ayant participé à l'exercice du pouvoir dans leur Etat ou dans des entités quasi-étatiques" peuvent "être susceptibles de violer ces dispositions" (§. 163 du Guide et note d'information du 4 septembre 2003 sur l'application des clauses d'exclusion). Etendre ainsi cette clause au complice semble être une interprétation excessivement large (bien éloignée de la jurisprudence "Duvalier" qui reconnaissait de tels agissements émanant du dirigeant de l'Etat : CE, 31 juillet 1992, n° 81963 N° Lexbase : A7571ART, Rec., p. 986). D'autre part, ce n'était pas indispensable dans la mesure où cette complicité est acquise, et que l'arrêt en fait d'ailleurs mention, s'agissant de la deuxième clause d'exclusion : "le crime grave de droit commun". La séquestration est, en effet, réprimée en France d'une peine de 20 ans de réclusion (C. pén., art. 224-1 N° Lexbase : L6579IXX) et il est admis que le seuil de gravité du crime de droit commun est atteint. Le Conseil d'Etat a estimé utile de combiner les deux clauses : il s'agit d'un crime grave de droit commun constitutif d'agissements contraires aux buts et principes des Nations Unies.
Soit il s'agit d'une erreur, soit il s'agit de mettre l'emphase sur la gravité des faits, ce qui n'est pas à exclure, tout comme il semble permis de s'interroger sur la stratégie de l'intéressée à demander l'asile en France lorsqu'un fonctionnaire français du HCR a été séquestré et torturé chez elle.
Le Conseil d'Etat censure la CNDA pour erreur de droit pour avoir écarté une note anonyme susceptible de fonder une exclusion du statut sur le fondement de l'article 1Fc de la Convention de Genève.
Une note des services de l'Ofpra faisait état de l'appartenance d'un demandeur sri lankais d'origine tamoule au mouvement séparatiste des "tigres libérateurs de l'Eelam tamoul", notamment dans la préparation d'attentats. Pour faire valoir que le demandeur devait être exclu du statut en raison d'"agissements contraires aux buts et principes des Nations Unies" (Convention de Genève, art. 1F c), l'Ofpra a versé cette note devant la CNDA mais a refusé de divulguer les sources de l'information.
Dans cette affaire, l'instruction devant l'Ofpra s'est déroulée en 2014 et la décision de la CNDA date de février 2015, c'est-à-dire avant la loi du 29 juillet 2015, qui a inséré un nouvel article L. 733-4 du Code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile (N° Lexbase : L6592KDI) autorisant l'Ofpra à ne pas divulguer la source d'information si cela est susceptible de porter atteinte à la sécurité des personnes. A la sécurité des sources uniquement. Pas des demandeurs (3). Toutefois, le Conseil d'Etat estime que le principe est rétro-applicable. La CNDA avait écarté "en tout état de cause" le document, estimant que les éléments versés contradictoirement suffisaient à ne pas conclure à l'exclusion du demandeur.
Le Conseil d'Etat que le juge ne doit certes pas se fonder exclusivement sur un document confidentiel non transmis au contradictoire du demandeur pour prendre sa décision, mais estime qu'il doit tenir compte de ce document, à peine d'erreur de droit. Il appartient désormais à la Cour de doser la prise en compte de tels documents.
II - Procédure de détermination du statut
A - Examen des recours et PV d'audience
Le requérant faisait valoir que l'entretien devant l'Ofpra ne s'était pas déroulé dans de bonnes conditions car il n'avait pas eu accès à un interprète. Le Conseil d'Etat estime que si ce défaut d'interprétariat est imputable à l'Ofpra et qu'en raison de ce manquement, le demandeur n'a pas été en mesure de se faire comprendre, la CNDA peut renvoyer l'examen à l'Ofpra.
Il s'agit là d'une jurisprudence protectrice de la garantie des droits dans la procédure d'examen car jusqu'à présent, seule l'absence d'examen pouvait justifier un tel renvoi de l'affaire par la CNDA à l'Ofpra (CE 2° et 7° s-s-r., 10 octobre 2013, n° 362798, publié au recueil Lebon N° Lexbase : A7254KMM). La loi de 2015 a consacré cette possibilité, désormais inscrite à l'article L. 733-5 du Code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile (N° Lexbase : L6593KDK), en précisant que la Cour ne peut renvoyer à l'Ofpra qu'en l'absence d'examen individuel de la demande, ou qu'en l'absence non justifiée d'un entretien personnel. Dans cette affaire, l'examen individuel et l'entretien avaient eu lieu. Le juge de cassation précise d'ailleurs qu'en principe, "le moyen tiré de ce que l'entretien personnel du demandeur d'asile à l'Office se serait déroulé dans de mauvaises conditions n'est pas de nature à justifier" un renvoi de la CNDA vers l'Ofpra. C'est l'imputabilité à l'Ofpra des mauvaises conditions de l'entretien qui justifie, en l'espèce, que le CNDA accueille le moyen et puisse annuler et renvoyer l'examen à l'Office.
Le requérant soulevait une irrégularité de procédure relative à l'absence de procès-verbal d'audience dans le cadre d'une vidéo-audience. Le Conseil d'Etat estime qu'eu égard à la portée des règles applicables, l'absence d'un double PV d'audience entache la procédure d'irrégularité.
La loi du 16 juin 2011 dite "Besson" (loi n° 2011-672 relative à l'immigration, à l'intégration et à la nationalité N° Lexbase : L4969IQ4) avait rendu possible la tenue des vidéo-audiences à la CNDA (C. entr. séj. étrang. et asile, art. L. 733-1 N° Lexbase : L6632KDY). Le Conseil constitutionnel avait validé cette disposition en estimant qu'elle ne portait pas atteinte au droit à un procès juste et équitable, dès lors notamment, "qu'un procès-verbal ou un enregistrement audiovisuel ou sonore des opérations est réalisé" (Cons. const., 9 juin 2011, n° 2011-631 DC N° Lexbase : A4307HTP). Le recours contre l'un de ses décrets d'application avait été rejeté par le Conseil d'Etat, dès lors notamment qu'il renvoyait à bon droit aux ministres de la Justice et de l'Asile, le soin d'arrêter les moyens techniques d'une "une retransmission fidèle, loyale et confidentielle à l'égard des tiers" de l'audience (CE 4° et 5° s-s-r., 23 septembre 2013, n° 360070 N° Lexbase : A9658KLB). Parmi les modalités applicables, celle inscrite à l'article R. 733-23 du Code de justice administrative (N° Lexbase : L5062KKP), précise qu'en l'absence d'enregistrement de l'audience, il convient de dresser un double procès-verbal dans chacune des deux salles d'audience.
En l'espèce, le requérant se trouvait à Mayotte et si le PV d'audience avait bien été dressé et signé à Montreuil (à la CNDA), il manquait celui de Mayotte. Cette irrégularité de la procédure justifie, selon le Conseil d'Etat, l'annulation de l'arrêt de la CNDA. On relève qu'en l'état du projet de loi "pour une immigration maîtrisée et un droit d'asile effectif", il est envisagé de supprimer la dernière phrase du deuxième alinéa de l'article L. 733-1 Code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : "Le requérant qui, séjournant en France métropolitaine, refuse d'être entendu par un moyen de communication audiovisuelle est convoqué, à sa demande, dans les locaux de la Cour". Si cette dernière phrase disparait, cela implique qu'en cas de refus, il n'y aura pas d'audience...
B - L'office du juge
Dans cet arrêt, le Conseil d'Etat censure la CNDA pour n'avoir pas rempli son office et avoir ainsi entaché sa décision d'erreur de droit. La Cour avait annulé la décision du directeur de l'Ofpra qui avait fait jouer les clauses de cessation du statut énoncées à l'article 1C de la Convention de Genève. Là encore, les clauses de cessation donnent tout leur sens à la protection internationale, laquelle a vocation à être temporaire, à mettre à l'abri une personne qui craint la persécution, le temps strictement nécessaire. Si cette crainte n'a plus lieu d'être, la protection cesse. La Convention de Genève prévoit donc qu'il soit mis fin au statut si la personne : "1) s'est volontairement réclamée à nouveau de la protection du pays dont elle a la nationalité ; ou 2) Si, ayant perdu sa nationalité, elle l'a volontairement recouvrée ; ou 3) Si elle a acquis une nouvelle nationalité et jouit de la protection du pays dont elle a acquis la nationalité ; ou 4) Si elle est retournée volontairement s'établir dans le pays qu'elle a quitté ou hors duquel elle est demeurée de crainte d'être persécutée; ou 5) Si, les circonstances à la suite desquelles elle a été reconnue comme réfugiée ayant cessé d'exister, elle ne peut plus continuer à refuser de se réclamer de la protection du pays dont elle a la nationalité. [...] 6) S'agissant d'une personne qui n'a pas de nationalité, si, les circonstances la suite desquelles elle a été reconnue comme réfugié ayant cessé d'exister, elle est en mesure de retourner dans le pays dans lequel elle avait sa résidence habituelle".
Dans cette affaire, l'Ofpra avait mis fin au statut de réfugié d'un ressortissant congolais au motif qu'il s'était volontairement réclamé de la protection de son pays d'origine en y retournant par deux fois. La CNDA avait estimé qu'il n'existait "aucune preuve formelle probante du retour effectif de l'intéressé en république démocratique du Congo" (CNDA, 30 août 2016, n° 15003496) et l'avait rétabli dans sa qualité de réfugié.
Le Conseil d'Etat vient rappeler que le juge de l'asile est juge de plein contentieux et qu'il statue à ce titre "au vu des circonstances de fait dont [il] a connaissance au moment où [il] se prononce". Cette jurisprudence constante (CE, 8 janvier 1982, n° 24948 N° Lexbase : A2020ALE, Rec., p. 9), appliquée aux recours relatifs aux clauses de cessation (CE 2° et 6° s-s-r., 15 février 1984, n° 42960 N° Lexbase : A2652ALS, Rec., p. 74), a été inscrite dans le marbre législatif avec la loi du 29 juillet 2015 (C. entr. séj. étrang. et asile, art. L. 733-5). En l'espèce, en se bornant à écarter le moyen de cessation retenu par l'Ofpra, la CNDA n'a pas rempli son office de juge de la cessation. En tant que tel, il lui appartenait de passer en revue les autres clauses de cessation et de statuer -pleinement- sur la perte de qualité de réfugié, non pas sur le seul motif retenu par l'Ofpra.
On relève dans l'arrêt qu'il est fait mention des autres clauses de cessations introduites dans le droit interne lorsque le Conseil d'Etat énonce qu'il "appartient à la Cour de se prononcer sur le droit au maintien de la qualité de réfugié en examinant, au vu du dossier et des débats à l'audience, si l'intéressé relève d'une autre des clauses de cessation énoncées au paragraphe C de l'article 1er de la Convention de Genève ou de l'une des situations visées aux 1°, 2° et 3° de l'article L. 711- 4 du Code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile (N° Lexbase : L2529KDZ)" (cons. 3), mais que le Conseil d'Etat reproche ensuite uniquement à la CNDA de n'avoir pas examiné "si la qualité de réfugié [de l'intéressé] ne devait pas lui être retirée par application de l'une des autres clauses de cessation énoncées au paragraphe C de l'article 1er de la Convention de Genève" (cons. 4). Pour mémoire, et dans le glissement observé vers un caractère punitif de la cessation (ce qui n'est pas prévu par le texte international), le droit interne (issu du droit de l'UE) permet à l'Ofpra de mettre fin au statut lorsque le réfugié n'aurait pas dû être reconnu ou lorsque la reconnaissance résulte d'une fraude (pas de difficulté majeure sur ce point), mais également lorsque la situation du réfugié régulièrement reconnu entre dans le champ des clauses d'exclusions de l'article 1F de la Convention de Genève (C. entr. séj. étrang. et asile, art. L. 733-4), ou encore, et il s'agit là d'une création française, s'il y a des raisons sérieuses de considérer que la présence en France de la personne concernée constitue une menace grave pour la sûreté de l'Etat ou si "La personne concernée a été condamnée en dernier ressort en France soit pour un crime, soit pour un délit constituant un acte de terrorisme ou puni de dix ans d'emprisonnement, et sa présence constitue une menace grave pour la société (C. entr. séj. étrang. et asile, art. L. 711-6 N° Lexbase : L2531KD4). On salue ici que l'office de la CNDA n'aille pas jusqu'à devoir rechercher si l'intéressé entre dans le champ d'application de ces deux dernières clauses, qui nous semblent inconventionnelles et vis-à-vis desquelles, au demeurant, la Cour a récemment montré une certaine distance (CNDA, grande formation, 26 septembre 2017, n° 16 029 802 N° Lexbase : A4427WUI (4)). Notons enfin qu'en l'état du projet de loi "pour une immigration maîtrisée et un droit d'asile effectif", la faculté pour l'Ofpra, de refuser ou de mettre fin au statut de réfugié serait étendue aux cas de condamnations pour des faits graves, notamment de terrorisme, prononcées dans un autre pays de l'UE.
(1) HCR, Note sur les clauses d'exclusion, EC/47/SC/CRP.29, 30 mai 1997.
(2) V., nos obs., La seule appartenance à une organisation "terroriste" ne justifie pas d'une exclusion automatique du statut de réfugié, La Revue des droits de l'Homme, Actualités Droits-Libertés, 2010.
(3) Sur les pouvoirs d'instruction de la CNDA et la protection du demandeur par la garantie du principe de confidentialité, voir nos obs., sous CE, 1er octobre 2014, n° 349560 (N° Lexbase : A4258MXY), Des pouvoirs et devoirs du juge de l'asile, Lexbase, éd. pub., 2014, n° 591, 2014 (N° Lexbase : N4616BUI). Et CE 9° et 10° s-s-r., 10 février 2016, n° 373529, mentionné aux tables du recueil Lebon (N° Lexbase : A2028PLP) (cf. l’Ouvrage Droit des étrangers N° Lexbase : E4301EYX), nos obs., Un an de droit d'asile devant le Conseil d'Etat, Lexbase, éd. pub., 2017, n° 688 (N° Lexbase : N6747BWS).
(4) Nos obs., Exclusion du statut de réfugié : lorsque la Convention de Genève suffit, Lexbase, éd. pub., 2017 (N° Lexbase : N1308BXQ).
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