S'il est loisible au législateur de prévoir que les contrôles d'identité et fouilles mis en oeuvre dans le cadre de l'état d'urgence peuvent ne pas être liés au comportement de la personne, la pratique de ces opérations de manière généralisée et discrétionnaire est incompatible avec la liberté d'aller et de venir et le droit au respect de la vie privée.
Or, en prévoyant que ces opérations peuvent être autorisées en tout lieu dans les zones où s'applique l'état d'urgence, le législateur a permis leur mise en oeuvre sans qu'elles soient nécessairement justifiées par des circonstances particulières établissant le risque d'atteinte à l'ordre public dans les lieux en cause.
En conséquence, faute pour le législateur d'avoir assuré une conciliation équilibrée entre, d'une part, la sauvegarde de l'ordre public, et, d'autre part, le respect des droits et libertés (liberté d'aller et de venir et droit au respect de la vie privée), le Conseil constitutionnel prononce la censure de l'article 8-1 de la loi de 1955 relative à l'état d'urgence. Telle est la position adoptée par le Conseil constitutionnel dans une décision rendue le 1er décembre 2017 (Cons. const., décision n° 2017-677 QPC, du 1er décembre 2017
N° Lexbase : A9909W3E).
Le Conseil constitutionnel a été saisi le 25 septembre 2017 par le Conseil d'Etat (CE 9° et 10° ch.-r., 22 septembre 2017, n° 411771, inédit au recueil Lebon
N° Lexbase : A7450WSQ ; lire à ce sujet S. Slama,
in, Lexbase éd. priv., 2017, n° 719
N° Lexbase : N1161BXB) d'une question prioritaire de constitutionnalité portant sur l'article 8-1 de la loi n° 55-385 du 3 avril 1955 relative à l'état d'urgence (
N° Lexbase : L6821KQP), dans sa rédaction issue de la loi du 21 juillet 2016 prorogeant l'application de la loi du 3 avril 1955 (
N° Lexbase : L4410K99).
Dans sa décision rendue ce jour, le Conseil rappelle que la Constitution n'exclut pas la possibilité pour le législateur de prévoir un régime d'état d'urgence. Il relève que si ces dispositions font obligation au préfet de désigner précisément les lieux concernés par des contrôles d'identité et fouilles, ainsi que leur durée (qui ne peut excéder 24 heures) et si elles rendent applicables à ces opérations certaines des garanties applicables aux inspections, fouilles et visites réalisées dans un cadre judiciaire, il peut être procédé à ces opérations, dans les lieux désignés par la décision du préfet, à l'encontre de toute personne, quel que soit son comportement et sans son consentement.
Les Sages déclarent donc l'article 8-1 contraire à la Constitution avec un report de l'abrogation au 30 juin 2018, afin d'éviter de priver l'autorité administrative du pouvoir d'autoriser des contrôles d'identité, des fouilles de bagages et des visites de véhicules et entraîner ainsi des conséquences manifestement excessives.
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